Chapitre 9 - Départ

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Je me suis levé tôt. Trop tôt. Quand je regarde par la fenêtre, la nuit est encore là et les premiers rayons du soleil sont derrière les monts à l'horizon. Toutes les lumières dans la rue sont éteintes. Il n'y a pas une maison de réveillée encore. Pas une, sauf la mienne.

Aujourd'hui, je pars. Je pars en vacances avec Lili.

Le départ est à 6 heures, mais quand je regarde l'heure sur mon téléphone, il n'est que 4h30. Il est tôt. Trop tôt.

Je me lève sur la pointe des pieds et je traverse le couloir. Dans la chambre en face de la mienne, il y a Lili qui dort. J'ai une main hésitante.

« - Tu sais ce que tu risques si tu la réveilles. »

La voix de mon père me surprend dans mon geste. Il a ce petit sourire amusé tandis que la brosse à dents est coincée entre ses lèvres.

« - Tu n'es pas censé être au travail ?

- Et toi, jeune homme, tu n'es pas censé être dans ton lit ? Le voyage risque d'être long, vous avez pas mal de route à faire tous les deux.

- Je pourrais dormir dans le bus au besoin...

- Bon, allez, viens, on va préparer le petit-déjeuner pour ces dames. »

C'est vrai. Mon père a toujours dit, une femme heureuse est une femme ayant le ventre plein et je dois avouer qu'il n'a pas tort. Lili comme ma mère, quand elles ont faim, elles ont des airs de démons.

Même le diable s'assoit pour prendre des leçons.

On descend tous les deux dans la cuisine et on parle de mon planning de vacances, du boulot de mon père. On parle de tout et de rien et j'ai toujours aimé avoir ces petits moments rien qu'à nous. Mon père n'a pas souvent été là dans mon enfance, mais il n'était pas absent pour autant.

Il était juste occupé à attraper des méchants.

Mais malgré ça, pour moi, il a toujours su faire l'effort d'être là quand j'en avais besoin.

Quand je me suis retrouvé à l'hôpital il y a deux ans de cela maintenant, mon père est resté à mon chevet pendant un petit moment. Le temps que je m'en remette.

Le temps que toute la famille s'en remette.

Je n'aurais jamais dû survivre à ça.

« - Tu ne m'en voudras pas si j'attrape cette petite voleuse sans toi durant ton absence ? »

Je le regarde et je reconnais cette intonation dans sa voix. Il se voulait provocateur, taquin. Il savait quoi me dire pour avoir ce qu'il voulait. Après tout, il me connaissait par cœur.

« - En quatre ans tu n'as jamais réussi alors en une semaine...J'aimerais voir ça.

- Oserais-tu remettre en question les talents de ton père ?

- Non, non, mais je serais bien étonné que les choses puissent avoir changées à mon retour. Mais tu as raison papa, l'espoir fait vivre.

- Hmmm...Je présume que je vais devoir attendre que tu rentres alors. De toute façon, te laisser « 3173 » pour l'instant, ça m'arrange. On a tellement à faire.

- Ah ? De quoi tu parles ?

- C'est un secret...Bon ta mère ne devrait pas tarder à se lever elle aussi. Moi, je vais m'habiller en attendant. N'oublie pas de réveiller Lili d'ici une dizaine de minutes. »

Comme si je pouvais oublier.

Une fois la table mise, j'ai délicatement ouvert la porte de la chambre d'amis. La lumière de couloir se faufila discrètement à l'intérieur avec moi, laissant apparaître une silhouette allongée de tout son long sur le lit.

Et on dit qu'une femme, quand elle dort, c'est gracieux hein ?

Cette affirmation ne doit pas concerner Lili. Elle quand elle dort, elle s'étale. Elle s'étale vraiment. Elle prend un maximum de place et son corps se retrouve parfois dans d'étranges positions. On dirait un yoga du sommeil ou quelque chose dans le genre.

Il y a quelque chose de fascinant dans la façon qu'a Lili de dormir.

Alors, je pose ma main sur son visage et caresse ses cheveux. Un peu comme un chat, il faut l'apprivoiser.

« - Lili, c'est l'heure. »

Elle ne bouge pas.

« - Lili...Réveille-toi. »

Un grognement. Ça commence à faire effet.

Je m'assois au bord du lit et continue mon geste.

« - Lili...

- J'arrive... »

Elle a sa voix endormie du matin et malgré son faible « j'arrive », je reste à côté d'elle. Je reste parce que je sais très bien qu'elle va se rendormir. Chose que je ne laisserais pas arriver.

« - Il est quelle heure ?

- Approximativement 5 heures...

- C'est tôt...Ça fait longtemps que tu es debout Tristan ?

- Non...J'ai préparé le petit dej' en attendant. »

Et rien qu'à l'entente du mot « petit-dej », toutes les lumières se sont allumées dans ses yeux. Je savais que ça marcherait.

Donc on descend tous les deux. On discute. On rit. On s'imagine déjà dans le bus à se plaindre d'avoir mal aux fesses d'avance. Mon père s'en va, nous embrasse. Ma mère se lève, nous embrasse aussi.

Et puis finalement, vient le moment du départ.

Chacun dans son coin, on se prépare. On prend nos sacs préparés la veille, on vérifie tous à la dernière minute et enfin, on passe la porte de la maison.

On part tous les deux. Loin de tous.

On part tous les deux. Loin de tout ça.

J'aimerais dire que l'on s'enfuit, mais non. On ne fuit pas. On n'a jamais fui Lili et moi. On s'est contenté de survivre à la vie tant bien que mal.

Surtout moi.

Lili, de ce monde-là, elle en était protégée. Préservée. Éloignée.

Je ne voulais pas la mêler à tout ça.

Je ne voulais pas, mais au bout d'un moment, j'y ai dû.

3173  : Attrape-moi si tu peuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant