Chapitre 26 - Juste 5 minutes

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Je m'étais assis là, sur mon lit, la tête dans le creux de mes bras avec l'impression terrible que le monde venait de s'écrouler sous mes pieds. Tout ce que je pensais, tout ce que je croyais, tout ce que je savais...Tout ça, ce n'était qu'un mensonge. Qu'une frasque. Qu'une comédie. Je me sentais trahi. Trompé. Comme si j'avais été le dindon de la farce du début à la fin.

Ah quelles sont belles les paroles où j'étais intiment convaincu de pouvoir attraper « 3173 ». Ce que j'ai été con. Idiot. Aveugle.

« - Leila ?

- Oui ?

- Peux-tu me laisser seul ?

- Je ne pense pas que...

- S'il te plaît... »

J'en avais besoin.

J'avais besoin d'être seul.

Elle quitta ma chambre sans rien dire de plus. Je ne voulais pas en entendre plus. J'avais juste besoin d'être là, seul, dans le noir. J'aurais dû la voir venir. J'aurais dû me poser des questions. Je n'aurais pas dû fermer les yeux.

Maintenant...Maintenant tellement de choses me paraissent claires. Limpides.

Lili, non...Elie était 3173.

Pourquoi ? Comment ?

La petite fille que j'ai connue...La petite fille dont je me souviens ne serait jamais devenue une cambrioleuse à ses heures perdues avec pour seul passe-temps de faire un doigt aux forces de l'ordre. Pourquoi ? J'avais besoin de réponse. Je voulais savoir. Je voulais comprendre ses motivations.

Je me suis alors précipité chez elle. J'ai sonné et sonné plusieurs fois, sans réponse. J'ai escaladé le portail, j'ai toqué...Sans réponse.

Ce n'est pas comme si elle allait m'attendre tranquillement chez elle. Abruti de Tristan. Réfléchi.

Tu la connais.

Non.

Tu crois la connaître.

Cette fille-là, tu ne la connais pas. Tu ne sais même pas de qui il s'agit. Ce n'est pas cette fillette en pleure. Ce n'est plus...cette fillette en pleure. Réveille-toi maintenant.

Elle t'a menti. Elle t'a trompé. Elle t'a manipulé.

Alors, relève-toi.

Elie veut jouer...Tu joueras avec elle. Tu l'attraperas. Tu seras plus déterminé que jamais. Tu l'attraperas et quand ça sera fait, dans les yeux, tu lui diras alors tout ce que tu n'as jamais pu lui dire.

Ah. Ce que ça fait mal.

J'ai l'impression d'avoir le cœur en miette. Un puzzle. Un foutoir pas possible.

Retournant à la faculté le lendemain matin, mes douces illusions par lesquelles je m'étais bercé depuis si longtemps m'ont fait espérer de pouvoir croiser Elie.

Mais ce ne fut pas le cas.

Le seul qui croisa ma route était Oliver. Encore et toujours Oliver. Et s'il était dans le coup lui aussi ? Avait-il un lien avec toute cette histoire ?

Il amorce une approche vers moi quand Leila se pointe soudainement entre nous deux, m'empêchant d'avoir un champ de vision libre. Elle apparaît là, tel un diable sorti de sa boîte.

« - Il faut que l'on parle toi et moi. »

Je n'étais pas d'humeur. À vrai dire, je n'étais d'humeur pour rien. Pourtant, elle m'agrippe par le bras et m'attire dans un coin d'un des bâtiments du campus, m'emmenant le plus loin possible d'Oliver.

« - Il y a quelque chose de prévu ce soir...Je veux que tu viennes avec moi.

- Ce soir ? Je ne sais pas...Enfin...

- Écoute Tristan, les règles du jeu n'ont pas changé. Seulement les joueurs. Tu te rappelles ? Gentils..Méchants ? Plus vite on lui met le grappin dessus, plus vite tu auras des réponses non ?

- Je ne sais même pas si j'en veux tout compte fait. »

Je me demande seulement si je suis prêt à les entendre, c'est tout.

« - C'est toi qui vois...Je ne te force pas la main...

- Non...Tu as raison. Je vais venir. »

C'est sans doute la seule occasion que j'aurais de toute façon. Je ne suis pas prêt d'en avoir une autre de sitôt.

Il fallait que ce soir...Soit le dernier soir. Notre dernier soir.

« - Tu es sûr ?

- Oui.

- Tu seras en état ?

- Parce que tu t'inquiètes pour moi maintenant ? »

Pour la première fois de la journée, un léger sourire sarcastique m'échappe. Je crois que c'est véritablement le monde à l'envers.

« - Plus ou moins...Qu'est-ce que ça te ferait si je disais qu'effectivement, je m'inquiète pour toi ? »

Je n'en sais rien. Je ne sais plus rien en ce moment.

Ma relation avec Leila a évoluée, je le sais, je le sens, mais je ne m'attendais pas à ce qu'un jour, ce soit elle qui me « sauve » la vie. Je ne m'attendais pas à ce qu'elle apporte autant d'attention à ma personne, moi qui ai passé tant de temps et d'efforts à l'éviter. À l'ignorer. À la mettre de côté.

Alors naturellement, certainement parce que j'en avais besoin, réellement besoin, mes bras se sont tendus vers elle et je l'ai attiré contre moi. Je ressentais cette nécessité de m'ancrer à quelque chose, à quelqu'un qui, jamais, ne m'avait ainsi trahi et elle était peut-être bien la seule. Elle m'a déçu, agacé, énervé...Mais jamais Leila ne s'est permise de me mentir. Jamais.

Donc oui, je l'ai prise dans mes bras.

« - Juste 5 minutes...Laisse-moi rester comme ça s'il te plaît... »

J'ai l'impression de me noyer. Sans cesse.

Ainsi, logeant ma tête dans le creux de son cou, les mots sont sortis sans que je n'aie eu à faire le moindre effort :

« - Merci. »

3173  : Attrape-moi si tu peuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant