Chapitre 5 - Jouons

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Les jours qui suivirent, je me surpris à me coller à toutes les fenêtres de la fac. Que ce soit en amphithéâtre, à la bibliothèque ou dans n'importe quelle autre salle, étrangement, je me mis constamment contre la fenêtre. Je voulais avoir une vue claire et dégagée pour analyser mon nouvel ennemi.

« Ennemi ». Mon dieu, quand j'y pense, je me trouve pathétique. Je ne devrais pas réagir comme ça, ce n'est pas correct et encore moins « adulte », mais c'était plus fort que moi. Je voulais savoir ce qu'il avait de plus que moi. Je voulais savoir ce qui attirait Lili. Je voulais savoir quel pouvoir il avait sur elle pour ainsi la faire parler de lui en des termes si élogieux.

Parce qu'au fond, j'étais jaloux. Juste jaloux. Ça me rendait malade de voir qu'un pauvre gars, sortit de nulle part arrivait à rendre Lili plus heureuse que je ne le fisse déjà. Ça me rendait fous et plus j'y pensais, plus ça me distrayait de mon objectif principal : 3173.

Il fallait que je me concentre, que je reprenne le contrôle de mon esprit et de tout le reste. Il fallait que j'oublie Lili le temps de quelques minutes pour que je puisse m'occuper de cette fille.

3173.

Elle avait annoncé un vol ce soir. Une grosse exposition de bijoux avait lieu au musée central et voilà ce qu'elle visait. Des bijoux. Typiquement féminin. Les bagues et le clinquant ça attire.

A l'heure du midi, Lili avait encore troqué ma compagnie contre celle d'Oliver. Je les voyais bien d'ici. Ils étaient assis l'un à côté de l'autre un banc à manger un sandwich, à rire aux éclats. Elle était belle Lili quand elle riait. Le monde paraissait plus simple et plus léger quand Lili riait.

« - Tu fais la tronche Tristan aujourd'hui ?

- Encore toi... »

Je regarde les courts cheveux bruns s'asseoir à ma table, bouchant complètement mon champ de vision sur les deux amoureux. Déjà que je ne l'aimais pas spécialement, mais alors là, ça dépasse les bornes des limites.

« - Tu viens de me couper le peu d'appétit qu'il me restait Leila. Qu'est-ce que tu veux ?

- Simplement discuter. Je veux dire, c'est ce soir le grand soir non ? T'es prêt ? T'as un plan ?

- Même si j'en avais un, il y a bien mille autres personnes sur terre avec qui je préférerais discuter plutôt qu'avec toi.

- Ça, c'est méchant...Je présume que ta copine rouquine t'as encore fait faux bonds ? Ah non ! Regarde ! Elle est là-bas avec le gars hyper beau aux épaules larges. Faut croire que le physique ça joue Tristan. »

C'est vrai que je ne suis pas spécialement musclé. Je suis grand, élancé, mais je ne suis pas une brindille pour autant. J'ai fait de la natation et de l'escrime pendant longtemps. Lui, il doit faire de la gonflette et manger du poulet de la dinde à tous les repas.

Pauvre type.

Leila me dévisage avec un grand sourire parce qu'elle sait...Elle sait qu'elle a appuyé là où ça fait mal. C'est bien pour ça que je ne l'ai jamais aimé. On s'est rencontré il y a deux ans sur une affaire d'ado en fuite et parce que mademoiselle a un papa détective, elle croit qu'on joue forcément dans la même cour. Je désapprouve ses méthodes et son comportement révoltant.

Je ne l'ai jamais aimé, je ne l'aime toujours pas et je ne l'aimerais jamais.

« - Tu sais, si toi et moi on faisait équipe, tout irait plus vite.

- Non merci.

- Comme tu voudras. Je présume que l'on se retrouvera ce soir alors ?

- Malheureusement... »

Ce n'est pas comme si je rêvais à chaque sortie nocturne de l'enchaîner quelque part et de l'enfermer dans un coin pour pouvoir être tranquille.

« - A ce soir Tristan ! »

C'est ça.

Je prends mon plateau et le dépose dans un coin avant de partir en direction de la bibliothèque quand j'entends à l'autre bout de la cour : « - Tristan ! »

Lili arrive en courant, me sautant pratiquement au cou, tout sourire. Lili est heureuse. Au loin, je vois Oliver me faisant un signe de la main.

Je ne lui réponds pas. C'est comme accueillir le loup dans la bergerie. Je ne suis pas dupe.

« - Je t'ai vu manger avec Leila ! Ça faisait longtemps que je ne vous avais pas vu ensemble !

- Ouais...

- Dis-moi, je voulais te demander...Ce week-end je fais une soirée karaoké avec Oliver, ça te dirait de venir ? Je lui parle tellement de toi qu'il aimerait bien faire ta connaissance aussi !

- Hmmm, je ne sais pas trop, j'ai pas mal de boulot en ce moment et...

- Oh c'est vrai ! En plus...C'est ce soir non ?

- Oui...Tu viendras ?

- Je ne sais pas...Papy veut que je lui rende un ou deux services en faisant des courses pour lui. Mais si je me libère assez tôt promis ! Je viendrais ! »

Mais Lili n'est pas venue.

Lili n'était pas là, mais 3173 était là, elle. Au rendez-vous comme toujours. Toute habillée de noire, assise l'air de rien sur l'une des vitrines du musée, jouant avec un collier. Elle était là, assise tranquillement, ne prenant rien au sérieux.

Oh comme je la détestais.

C'est bien pour ça que je dois l'arrêter et hors de question de laisser Leila interférer dans tout ça.

C'est moi qui l'aurait et personne d'autre.

Je ne laisserais personne me mettre des bâtons dans les roues. Personne.

« - Alors Monsieur l'apprenti détective...Jouons-nous ce soir ?

- Quand tu veux. »

Parce que si je ne peux pas avoir Lili, toi, c'est déjà tout vu.

3173  : Attrape-moi si tu peuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant