Tome 2 Chap 8

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Suis-je ce que mon passé a fait de moi ?

Une question bien complexe qui laisse sous-entendre que nous sommes prisonniers de notre passé et que la possibilité de se réinventer dépend des évènements futurs à venir. Le passé se constitue de nos souvenirs bons ou mauvais. Sans passé, il nous est impossible de se constituer une identité. Pour autant, je ne pense pas être ce que mon passé a fait de moi car je garde la capacité de changer mon futur sans faire table rase du passé. N'est-ce pas avec mon histoire que je construis mon identité ?

Héraclite disait « tout passe, tout coule, on ne se baigne jamais dans la même eau d'un fleuve». Une seule chose reste constante, le changement, tout passe et rien ne demeure.

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Quinze ans plus tôt

Point de vue de Liam

-S'il te plait, fais ce qu'il te dit et ne l'énerve pas.

-Mais maman...gémis-je.

-Pas de mais...me dispute-t-elle terrifiée. Tu sais ce qu'il t'arrivera si jamais tu l'énerves ?

-Alors il se dépêche le merdeux, entendis-je hurler par mon père en bas de l'escalier.

-Maman je t'en supplie je ne veux pas, me retenais-je de pleurer. Pitié, tu sais ce qui se passe quand il m'emmène avec lui, implorai-je en me dandinant sur place.

Elle le savait et pourtant sa peur l'empêchait d'agir et représentait également un frein pour une éventuelle rébellion. Force est de constater que ma propre mère s'inquiétait plus pour sa vie que pour la mienne. Je me suis fait une raison, je ne dis pas que je l'accepte mais la vie est faite ainsi. Voilà, le triste sort d'un gamin de dix ans, vivant dans la banlieue de Newcastle au nord-est de l'Angleterre, qui n'a qu'un seul rêve : partir loin, très loin de sa famille.

-Tu veux que maman aie mal ? C'est ça que tu veux ? me culpabilise-t-elle. Parce que tu sais très bien que si je parle à ton père, c'est ce qu'il va se passer donc descends vite et fais ce qu'il te dit, m'ordonne-t-elle.

Nous nous trouvons dans la chambre miteuse de mes parents, où l'humidité suinte de tous les côtés rendant les murs noirs de moisissures. Tous les meubles sont dépareillés car nous les avons récupérés dans diverses brocantes ou vides-greniers par manque d'argent. Maman s'accroupit devant moi et m'enfile mon bonnet bleu nuit, ajuste mon écharpe en laine autour de mon cou et me pousse en direction du salon. J'arpente à reculons le couloir qui me mène à mon bourreau, car c'est tout ce qu'il représente pour moi. Si seulement j'avais le droit de choisir ma famille.

Nous habitons dans une vieille baraque, les planches en bois qui la construisent censées être blanches sont devenus marrons car personne ne l'entretient, j'ai l'impression que la maison peut s'effondrer à tout moment. Sans oublier les rats qui ont élus domicile ainsi que les cafards et les punaises qui s'acharnent sur moi.

Un jour, j'ai entendu la directrice dire à maman: « Madame un enfant doit avoir une hygiène irréprochable » car elle a remarqué les traces rouges et gonflées sur ma peau laissées par les punaises cachées dans mon lit. Mais rien n'a changé, je me lave toujours une fois par semaine et personne n'a désinfecté ma chambre.

Heureusement, à l'école du quartier, nous appartenons tous à la même catégorie : les pauvres. Avoir des poux, des chaussures trouées ne choquent personne ici, puisque nous sommes tous dans le même cas. J'ai appris à volé très tôt, je crois que mon premier vol remonte à l'âge de cinq ans. Mon père m'avait entrainé dans un bureau de tabac et m'avait obligé à cacher un DVD sous mon manteau. J'avais refusé et il m'a frappé, son coup de poing m'avait presque fracturé une côte alors je n'ai pas eu d'autre choix que de faire ce qu'il m'ordonnait et de voler son DVD d'hommes et de femmes nus. Il disait que je n'étais qu'un gosse et que je ne risquais rien si les flics m'attrapaient. J'ai continué de voler régulièrement sur les ordres de mon père et ma première interpellation a eu lieu quand j'avais sept ans. Nous avions trouvé une cachette dans une ruelle pour planquer les bouteilles de whisky volées, mais quand il a entendu a police arriver, il m'a fait un croche patte pour que les flics se contentent de moi et abandonnent de poursuivre mon père. Il était venu me chercher le lendemain, ivre mort comme à son habitude en jurant à qui voulait l'entendre qu'il me châtierait tellement fort que je n'oserais plus jamais recommencer. Voilà en gros ce que représente ma vie. J'ai dû grandir assez rapidement car je ne pouvais compter ni sur mon père ni sur ma mère pour s'occuper de moi.

ALIE Tome 1 Et 2 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant