Chapitre 1.

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Ça fait une semaine que je suis à bord du navire qui m'as repêché, et tout est aussi pénible. Je n'ai plus envie de rien. J'ai l'impression d'être vide, totalement vide. Je n'ai plus d'espoir ni envie de me battre. Je ne vois aucune solution à ma situation, ni de lumière au bout du tunnel. Je ne vois que la mer. Je n'entends que le bruit des vagues et je ne sens que la brise parfois tiède et mordante qui accompagne les vagues. Je n'arrive même pas à admirer la beauté de ce qui m'entoure. Je ne pense qu'à une nouvelle façon de mettre fin à mes jours. C'est la seule façon d'être libre et je veux être libre.

Malheureusement, je ne peux plus m'échapper. Je suis bien enchaîné et surveillé, alors j'ai opté pour une autre méthode. J'ai opté pour la mort à petit feu. J'ai arrêté de manger les morceaux de pains rassis qu'on m'apporte, je ne bois plus leur soupe ni de l'eau. J'ai commencé cette grève il y a trois jours, et je ressens les effets. J'ai la gorge sèche, la fatigue décuplée, des vertiges et une grande faiblesse. C'est difficile, mais je n'abandonne pas. Plus les jours passent, plus je me rapproche de la mort.

Je profite aussi de ma grève pour embêter l'équipage. Je n'ai plus peur de leur acte, alors je les provoque. Ils peuvent me fouetter, me priver de nourriture ou me jeter par-dessus bord, tout cela me ramènera plus près de ma liberté. Alors pour les provoquer, je crache dans leur soupe, je leur crache au visage, je leur donne des coups de pieds, et tout cela me vaut des coups de fouets bien mordants. Mais je ne pleure pas quand les cordes fendent l'air avant de s'abattre sur ma peau, je ris. Je ris car ça me permet de les montrer que leur fouet ne me fait pas courber, que ça me rend plus fort et plus près de ma liberté.

Depuis plusieurs minutes, le capitaine parle gaîment avec son équipage. Je ne comprends pas ce changement d'humeur. Il était exécrable il y a quelques heures, et maintenant il a l'air heureux. Il n'arrête pas de regarder à l'horizon et je pense qu'on va bientôt arriver dans l'endroit qu'on appelle l'Amérique. J'ai déjà entendu parler de ce continent par les blancs qui viennent dans mon village. Au Sénégal, on est colonisé par les français et parfois je les vois. Ils nous avaient parlés de plusieurs pays riches, dont certains pays en Amérique. C'est un continent comme l'Afrique, mais ils sont plus développés que nous. Beaucoup plus de gens savent aussi lire et écrire que nous. Moi, j'ai eu la chance de connaître la lecture et l'écriture grâce à mon grand-père qui m'as transmis son savoir. Beaucoup n'ont pas eu cette chance.

Le capitaine me coupe dans mes pensées en criant quelque chose à ses matelots, et des cris de victoire se répand sur le bateau. Je ne comprends pas ce qu'ils disent, mais je suis sûr qu'on arrive bientôt en Amérique. Je n'ai pas hâte. Je ne sais pas ce qui va m'arriver et cela m'effraie. Je ne pourrais pas non plus me jeter à la mer comme je l'ai fait il y a de cela une semaine, car je suis attaché à un poteau. Je suis désespéré. Je suis terrifié et ça me donne envie de hurler. J'étais bien dans mon village au Sénégal et maintenant je me retrouve attaché sur un bateau remplit de blanc. Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter cela ?

Quelques heures plus tard, j'aperçois finalement la terre. Plus on approche, plus je distingue un port semblable à celui où on allait acheter du tissu au Sénégal. Il y a plusieurs gros bateaux accostés au port, il y a également des marchandises.

Les matelots brandissent leur point en criant. Ils ont l'air heureux. Ils ont sûrement hâte de retrouver leur proche ou d'assouvir leur envie de chair. Eux au moins ont une femme, une famille, alors que moi, je suis privé de tout ce qui comptait pour moi. Je les envies et les déteste encore plus.

Avant, je pouvais me promener calmement dans la forêt, observer les hommes qui chasse le gibier et apprendre d'eux. Je pouvais aider ma mère à transporter du bois pour faire le feu, et aider ma petite sœur à transporter de l'eau. Je pouvais discuter avec mon père et mon grand-père près d'un feu la nuit pendant que les enfants jouent. Je pouvais raconter des contes aux enfants pendant les claires de lune, j'étais heureux et libre de faire ce que je voulais. Mais maintenant je suis enchaîné et je ne peux rien faire. Mes tentatives de suicide n'ont pas fonctionné et me voici devant ce quai avec une aperçu de ce qui m'attend : un monde remplie de gens qui me déteste à cause de ma couleur de peau. Je me demande si Dieu est fier d'avoir créé les être qu'on appelle humain.

J'essaye de ne pas penser à mon plus grand handicap : la langue. On m'a dit qu'ils parlent anglais, mais je n'avais jamais entendu quelqu'un le parler avant ma capture. J'ai déjà entendu quelqu'un parler le français, après tout, mon pays est colonisé par les français. Je ne sais pas comment je vais faire pour communiquer, mais à bien y penser, pourquoi devrais-je communiquer avec les gens qui m'ont acheté ? Pourquoi devrais-je parlé aux personnes qui me déteste et qui me rends esclave ? Je ne suis pas obligé, et même si c'est le cas, je ne le ferais pas.

Le bateau accoste et les matelots débarquent les marchandises. J'ai l'impression qu'ils m'ont oublié, tant mieux. Le capitaine parle avec un jeune homme et quelques minutes plus tard, le jeune homme en question vient vers moi armé d'un bâton. Il va enfin m'achever. Il était temps. J'ai presque envie de le remercier. Je ne résiste même pas lorsqu'il me contourne, et je ne peux m'empêcher de sourire lorsqu'une douleur mordante me cloue au sol, me faisant voir du noir.

Je suis enfin libre.

Let me break your chains... [bxb, terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant