Chapitre 46

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Je faisais face à un immense labyrinthe. Des dédales de verres translucides s'offraient à mes pupilles azurés.

Je savais où je voulais aller: au port. Je voyais les voiles des bateaux flotter au gré du vent d'où je me trouvais. Par contre, comment y parvenir, ça, je ne le savais pas. Le chemin qui nous avait permis d'arriver jusqu'ici avait disparu de ma mémoire. Était-ce à droite? Ou bien à gauche?

Je criai ma rage au monde entier, laissant exulter toute la colère qui bouillait dans mes veines. Personne n'était là pour m'écouter, ils avaient tous déserté. Il n'avait que moi et un océan de verre.

Je repris contenance quand j'entendis un énième fracas derrière moi. Je devais me dépêcher, mes amis ne le savaient peut-être pas, mais il comptait sur moi pour les secourir.

Je laissai ma main glisser le long des parois vitrées, tandis que mes pieds commençaient à fouler le sol à un rythme soutenu. Je maintenais les yeux fixés sur ma destination, espérant ainsi arriver au bon endroit.

                                                                                  ***

Après avoir croisé une dizaine de fois la même sculpture étrange d'une chouette, je m'avouais perdu. Pourtant, je voyais le port tout près, je pouvais même sentir les relents salés de la mer. Mais mes pas me conduisaient inlassablement dans une impasse.

À bout de souffle, je me laissai tomber. Mes genoux frappèrent le sol, non sans m'occasionner une grimace de douleur.

La statue du volatile était tout près de moi, je pouvais sentir ses globes oculaires braqués sur ma nuque.

À quoi bon continué, pensais-je, je suis perdu. À l'heure qui l'est, ils sont peut-être morts. Pal paraissait si puissant...

Une bourrasque de vent soudaine vint m'arracher un frisson. Avec le soleil qui débutait doucement sa descente, l'air se rafraîchissait. Une couleur orangée peignait le firmament d'un habile coup de pinceau.

Un hululement se fit entendre tout près, vite suivi d'un bruissement d'aile.

Je levai les yeux. Un hoquet de surprise resta coincé dans ma gorge desséchée.

La sculpture avait pris vie. Littéralement.

Ses iris violets pétillaient d'une lueur amusée. La voie lactée avait pris possession de ses plumes, faisait vibrer des étoiles à chaque battement d'ailes.

Estomaqué, je restai la bouche entrouverte un long moment. La légende des filantes me revint en mémoire brusquement. Liam m'avait parlé de ces êtres magiques il y a quelques jours de cela. Il était évident que j'en avais une devant moi, son hululement caractéristique résonnait toujours dans mon esprit.

Je ne savais pas comment réagir. Au dire de Liam, jamais personne ne s'était vanté d'avoir rencontré ces créatures volatiles, laissant croire qu'il n'était pas de bon augure d'en croiser une.

Je me recroquevillai sur le sol, espérant qu'elle abandonne sans demander son reste. Mais elle ne fit pas. Elle continuait de me fixer intensément.

Suis-moi

Claire comme du cristal, la voix vrilla entre mes tympans. Pourtant, la filante n'avait point ouvert son bec violacé. Je restais bouche bée face à ce phénomène, tel que je ne compris pas le sens de ses paroles.

Suis-moi, répéta-t-elle en s'éloignant à tire-d'aile.

Cette fois-ci, je saisis clairement sa requête. La curiosité envahit mes sens et je me levai. Lorsqu'elle disparut derrière un immeuble, je me mis à courir pour la rattraper.

Elle se faufilait entre les bâtiments avec moi à ses trousses. Je croisai les doigts mentalement pour qu'elle ait de bonnes intentions, qu'elle veuille m'aider et non me déchiqueter à l'aide de ses crocs effilés dans une ruelle sombre.

À chacun de mes pas, mon cœur tressaillait de peur. Ma mère. Pal. La filante. Tout m'alarmait et brouillait mes pupilles d'un voile houleux. Ma respiration devint saccadée. Une crise d'angoisse menaçait d'éclater. J'arrêtai subitement de marcher et pliai mon corps en deux. Je pris une grande inspiration.

Cesse d'être effrayer petit.

Une douce chaleur vint envahir mon être entier. L'anxiété se dissipa au fil des secondes et bientôt elle quitta mon corps. La filante, grâce à je ne sais quel don, venait de calme tous mes nerfs. Je la remerciai d'un regard admiratif.

Elle hocha la tête pour seule réponse. L'esprit apaisé, je recommençai à courir derrière le mystère incarné. Je ne savais rien de ses intentions et, pourtant, je ne pouvais m'empêcher de la suivre.

-Qu'est-ce que vous me voulez, demandais-je au détour d'une tour d'appartements.

T'aider.

-Pourquoi?

Tu ne crois pas qu'il soit temps de recommencer à zéro?

-NON! criai-je abruptement.

Ma mère voulait tout recommencer et voilà qu'elle mettait son plan à exécution, faisant un véritable massacre. Détruire le problème ne devrait jamais être la solution.

Pas comme cela, petit. La violence ne résout rien. Seule la bonté, l'humilité, l'amour, la patience, la foi et la reconnaissance peuvent nous aider en ce moment.

-Et c'est tout? la narguais-je.

Il ne faut pas désespérer au vu de cette liste, je sais que tu as ça en toi. Maintenant, embarque dans la pirogue, je vais te conduire jusqu'au portail.

Je regardai l'horizon, surpris. Nous étions parvenues jusqu'au port sans que je m'en aperçoive. Le cri strident des mouettes vrillait à mes oreilles. Qu'est-ce qu'elles pouvaient être agaçantes!

Les marins ayant quitté la petite échoppe, la marina était désormais dépourvue d'âme vivante.

Allez petit. Monte.

L'embarcation flottait sur l'eau cristalline de la mer. Des petits poissons argentés nageaient gaiement près d'elle.  Au souvenir de mon estomac chamboulé par ma précédente traversée, j'hésitai à embarquer. Et si le mal de mer récidivait, comment j'allais faire pour continuer?

La filante, mécontente de mon hésitation, vint appuyer ses serres aiguisées dans mon dos, me propulsant ainsi vers la pirogue. Mon corps cogna fortement le bois dur.

-Aïe! criai-je. Vous m'avez fait mal!

La chouette mythique m'ignora et vint plutôt agripper le devant de la coque avec les mêmes serres qui venaient de me lacérer le dos.

Avec l'aide de ses ailes, elle propulsa la pirogue hors du port en moins de deux. Elle les battait si rapidement que ses plumes devinrent translucides.

Des milliers de gouttelettes salés fouettaient mon visage. Le paysage défilait tel que je ne pouvais percevoir que le bleu de la mer et l'orangé du ciel. Ces derniers se rencontraient à l'horizon, créant un spectacle de toute beauté.

À peine quelques minutes plus tard, tout s'arrêta.

Te voilà arrivé au portail, résonna la voix. Va, pars et fait ce qu'il doit être fait.

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Voilà!! Désolé du retard, j'ai eu une surcharge de travail en fin de semaine! Vivement que pâque se termine haha! :P

De retour là semaine prochaine avec l'avant-dernier chapitre de La nostalgie des Étoiles!

P.S: Si vous voulez voir comment j'imaginais la Filante, regarder l'image dédié au chapitre :P

La nostalgie des ÉtoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant