Chapitre 30

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Le bruissement des feuilles se fit plus fort au gré des bourrasques de vent. Je sentais le souffle tiède me chatouiller le visage.

Je tentais de rester serein, mais à l'intérieur, mon cœur se tordait de douleur tellement la crainte de rester avec cette séquelle à vie me faisait peur. Je priais pour que mon don de régénération fasse effet sur cela aussi. Ce pouvoir m'aidait déjà beaucoup, mes courbatures s'atténuaient de minute en minute.

Des pas se firent entendre non loin de moi. J'entendais chaque brindille se casser sur son passage. L'individu ne faisait guère attention au tapage qu'il occasionnait.

Je me recroquevillai sur moi-même, il valait mieux être prudent dans ce coin de pays.

-Tu es réveillé ! clama Cadfaël lorsqu'il débarqua. C'est super.

Sa voix enjouée me détendit aussitôt. Néanmoins, le fait qu'un voile de ténèbres envahissait toujours mes globes oculaires, m'a vite remis de mauvaise humeur.

- Ce serait mieux si je pouvais y voir quelque chose ! rétorquais-je, amère.

-Ah ça, c'est parce que je t'ai administré un remède à base de plante. D'ici quelques minutes cela devrait se dissiper. Tes yeux étaient tellement bouffis...

Un soupir s'échappa de mes lèvres. Cadfaël ne cessera donc jamais de me sauver la mire ?

-Qu'est-ce que c'est comme remède, demandais-je intrigué.

-On peut trouver plusieurs plantes à vertu médicinale dans les environs. Ma mère, quand je n'étais encore qu'un tout petit, m'a donné quelques trucs. Je ne les ai jamais oubliés. Je crois que c'est le seul souvenir d'elle que j'ai...

-Cadfaël, je suis désolée, soufflais-je à mon ami lorsque la tristesse se fit entendre dans sa voix.

-C'est de l'histoire ancienne, maintenant. Je suis content que tu sois réveillé, tu avais l'air si... mort, tout à l'heure. Tammy et Liam sont d'avis qu'on érige le camp et que l'on y passe le res...

-Attends ! Tu as vu Tammy et Liam, où sont-ils ? dis-je soudain très intéressé.

Je les avais complètement oubliés. Ils devaient être morts d'inquiétude. Si je ne l'étais pas avant, maintenant c'est sûr que je suis devenu leur incompétent de service.

-Ils sont partis faire du repérage et ramasser quelques branches pour le feu. Ils ont été très soulagés que tu ne te sois pas noyé, crois-moi, je n'ai jamais rencontré personne aussi content de me voir.

-D'ailleurs qu'est-ce que tu fais là ? Tu ne devais pas être au Conseil ?

-Merci Cadfaël de m'avoir sauvé la vie. Y'a pas de quoi Emmanuel c'est toujours un plaisir d'assurer tes derrières.

Je souris.

-Désolé, je crois que j'ai oublié l'essentiel. Mille mercis de m'avoir encore une fois sauvé la vie. Je pense que je vais te le devoir indéfiniment.

-Ah ça c'est clair, ricana-t-il en m'assenant une tapette amicale sur l'épaule.

On resta assis silencieusement quelques minutes. Les ténèbres de mes pupilles se dissipaient lentement. Je pouvais percevoir vaguement des contours maintenant.

-Est-ce que tu peux me dire maintenant pourquoi tu te trouves ici ? Je veux dire, pas que je ne suis pas content que tu sois là, d'ailleurs c'est tout le contraire. J'ai tellement été fâché après Tammy suite à ce qu'elle t'a faite. C'était vraiment cruel de sa part et je ne lui par...

-Tu vas trop vite Em' moi aussi j'ai passé une dure journée, dit-il.

Je ne vis qu'un jeu d'ombres, mais je devinai aisément qu'il venait de se prendre la tête entre les mains.

-C'est une longue histoire, tu es sûr que tu ne préférais pas te reposer ?, demanda-t-il.

-J'ai tout mon temps Cadfaël, mais je saisirais si tu ne veux pas m'en parler.

-C'est juste que, si je te le dis, tu ne voudras peut-être plus m'adresser la parole après. J'ai fait des choses dont je ne suis pas fière, tu comprends ?

Il avait un trémolo dans sa voix lorsqu'il m'avait répondu. Je devinais que ma question faisait remonter en lui des souvenirs qu'il préférait oublier.

-Je comprends, dis-je honnêtement.

Il prit une grande goulée d'air avant de commencer son récit.

-Alors, il y a cinq jours je me suis rendu à la justice du Conseil Universel. Je n'ai subi aucun interrogatoire, ils m'ont installé dans une chambre durant quelques heures seulement, ensuite un homme est venu me chercher. Il m'a dirigé de nouveau vers le portail en m'annonçant qu'Abigaël avait décidé de me renvoyer chez moi, sur Zrkyam. J'ai trouvé ça très suspect, mais je n'ai rien fait ou dis quoi que ce soit, le soldat me tenait si fermement, alors esquisser le moindre geste mettait impossible.

''Dès mon arrivée, des sentinelles m'ont capturé et mon amené un peu plus loin dans une sorte de prison secrète. Ils avaient tellement de monde là-bas. Il faisait noir, la chaleur y était étouffante. Je pensais mourir de faim avant que mes bourreaux ne fassent quelque chose.

Le surlendemain, donc il y a trois jours, un Elfe est venu me chercher. C'était mon ancien commandant dans l'armée. Il m'a proposé de me libérer, mais à une seule condition : que je retourne au rang de soldat. Je ne voulais pas accepter, crois-moi, mais c'était plus fort que moi, c'était comme si je ne contrôlais plus mes pensées, plus mes paroles, ni même mes gestes. J'étais conscient uniquement que quelque chose d'étrange se déroulait. ''

On a quitté Zrkyam quelques heures après. Nous étions plusieurs centaines à marcher au pas, comme... comme des robots. On est arrivé à un village. Je me souviens encore des cris d'effroi, des flammes, des morts. Un villageois m'a frappé à la tête. J'ai retrouvé alors furtivement une lueur de lucidité et je me suis enfuie.

J'ai eu tellement honte quand j'ai compris ce qui était arrivé. J'ai tué des innocents ! ''

Un sanglot s'échappa de sa gorge.

Je restai silencieux quelques secondes, je ne voulais pas m'exprimé trop rapidement de peur de dire des choses que je ne pensais pas en réalité.

-Ce n'était pas vraiment toi qui contrôlais, Cadfaël, dis-je finalement. Tous ses morts ne devrais pas être sur ta conscience, mais bien sur celle qui vous contrôlait. Je te connais assez pour savoir que jamais tu ne ferrais ça intentionnellement.

-Tu ne me connais pas aussi bien que tu le crois, cracha-t-il. Ce n'était pas ma première mission de ce genre. Mais j'avais arrêté. Je ne voulais plus avoir le sang d'innocent sur les mains. Et là ça recommence...

-C'est correct, je ne te juge pas, sincèrement. Moi aussi j'ai fait des choses dont je ne suis pas très fier.

-Merci, Em'.

-As-tu une idée de qui pourrait avoir fait cela ?

L'elfe soupira, tentant sûrement de reprendre le dessus sur ses émotions.

- C'est certainement une femme qui dirige. Le commandant parle toujours de sa supérieure en la nommant : Elle. Mais je ne sais pas comment ça fonctionne... je n'ai pas eu l'impression d'être drogué... Même que parfois j'ai l'impression qu'elle tente de reprendre le contact...

Si nous avions besoin d'une preuve, la voilà. Ce ne pouvait qu'être elle.

-Je sais comment cela fonctionne, j'ai ce don. Tout comme ma mère.

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Bien le bonjour!

Il a beaucoup de dialogues et moins de descriptions visuelles puisque Monsieur Emmanuel a décidé de tomber aveugle! J'espère tout de même que ce chapitre vous aura plu!!

Merci de me lire ; )


La nostalgie des ÉtoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant