Infranchissable

Chapitre 3

Je les suis de très près en masquant au mieux les bruits de mes déplacements. Ils arrivent aux abords de plusieurs habitation et entrent dans une petite maison en bois. Je descends de mon perchoir et me réfugie derrière une cabane dont la toiture est réalisée à l'aide de paille. Mon pouls s'accélère dans ma poitrine et j'essaie de calmer ma respiration afin de ne pas me faire démasquer.

Je reste silencieuse pendant quelques minutes et prête attention au moindre son. La voix des deux hommes parvient à mes oreilles et j'attends que leurs pas s'éloignent de la maison pour pouvoir m'y aventurer. Je me faufile prudemment dans l'abri sur la pointe des pieds. Une odeur fleurie me chatouille les narines et je tente de ne pas heurter des objets malgré l'obscurité profonde. Je tente de scruter chaque recoin clandestinement en me concentrant sur les endroits où mon amie pourrait se trouver.

-Lia ? soufflai-je.

-Moea ? me répond une voix.

-Oui, c'est moi. Où es-tu ? 

Je m'oriente selon ses indications et lui demande d'être moins bruyante. Je la trouve assise dans une petite pièce. Ses mains sont liées à l'aide d'un fil de fer épais et ses pieds sont accrochés à l'aide d'une corde à un meuble. Lorsque je la distingue enfin, je ne peux m'empêcher de l'éteindre de mes bras tremblants. Une larme s'échappe de ses yeux et je la rassure en optant pour un ton convainquant, je l'espère.

-Je vais te sortir de là.

-Dépêche-toi ! Ils ont serré les cordes, essaie de trouver un couteau.

Je tourne un nombre de fois incalculable sur moi-même, scrutant chaque centimètres carrés de la pièce. Je suffoque légèrement mais parviens à me ressaisir en tentant de calmer ma respiration saccadée en lui donnant un rythme plus régulier. Des perles de sueur ornent mon front et je décide de m'aventurer hors de la pièce. Mon cœur tambourine dans ma poitrine et mes membres tremblent. Je cherche dans les moindres recoins et je dois me rendre à l'évidence : il n'y a absolument aucun objet tranchant qui pourrait trancher les cordes.

-Je ne trouve pas Lia, je... oh pardonne-moi, je sanglote.

Mes yeux sont rougis. Je devrais la réconforter, c'est elle qui se trouve dans une situation angoissante et ingérable, pas moi. Ce n'est pas la peur qui me met dans tous mes états mais bien la sensation d'échec et d'impuissance qui se loge dans ma gorge nouée. 

-J'ai confiance en toi Moea, tu me sortiras de là un jour, dit-elle en laissant échapper une petite larme.

J'entends un bruit et décide de me réfugier dans le premier placard présent. Je reconnais la voix de l'homme de toute à l'heure, graveuleuse et angoissante à la fois. Le trou de la serrure me permet de l'observer plus distinctement. C'est un homme trapu qui possède de petits yeux froids et les commissures pendantes de ses lèvres minces ne fait que renforcer sa monstruosité. J'espère que tous les êtres ici ne sont pas aussi laids et inquiétants. 

Il s'adresse à Lia en posant sa main dégoûtante sur sa joue rosée.

-On va t'amener au chef quand le jour sera levé. On verra bien ce qu'il veut faire de toi. J'espère qu'il te fera fouetter pour t'être aventurer hors de ton territoire mais je pense qu'il préféra te faire tuer. Il est très à cheval sur le respect des lois. 

J'ai envie de bondir et de lui arracher les yeux mais je choisis de rester cachée. Il ne faut pas que je réagisse de façon impulsive, si l'on me découvre également, je ne pourrai plus sauver mon amie.

Je patiente et les secondes semblent devenir des heures. L'homme se décide enfin à s'éclipser de la pièce. Je quitte mon placard étroit en veillant à me faufiler comme un félin habile.

-Je vais chercher quelque chose pour te sortir de là. Je reviens très vite, je chuchote à Lia.

-Fais attention à toi.

Je sors sur la pointe des pieds de la petite cabane. La nuit a gagné toute l'île, je ne distingue que des formes vagues mais cela me rassure car je pourrais rester invisible aux yeux des habitants.

Je pénètre dans une autre maison à la recherche d'un couteau. Je parviens à gagner la cuisine et ouvre chaque placard en mêlant vitesse et discrétion. Un faible bruit retentit dans mes oreilles et je reste clouée sur place en veillant à respirer le moins possible. Le son s'éloigne et je découvre au milieu de plats sales un couteau avec un manche en bois qui semble abimé par le temps. Je le saisis et le glisse au niveau de ma ceinture que je resserre légèrement pour ne pas que mon arme glisse. Je me précipite dans la prison de Lia et à ma grande stupeur, je ne la vois pas. Je l'entends crier à l'extérieur et ses appels au secours raisonnent dans mes tympans.

Je suis impuissante, totalement impuissante. Je peux seulement sortir de la maison et surveiller mon amie de loin. Il faut que j'attende le bon moment, il se présenterait bien un jour.