Chapitre SEPT - Ce Royaume de Neige et de Glace

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Partie II

― Alexandra la Guerrière, notre reine, est morte il y 44 jours.

Hélène baisse les yeux, se perd dans le vague. Elle passe une main hésitante sur son front, en écarte quelques mèches tombantes. Ses lèvres bougent, lente danse effectuée. Sa voix n'est plus qu'un murmure qui menace de s'effondrer.

― J'ai fait une promesse à sa mère, jadis. La garder en sécurité, l'écarter de tout danger. Je n'ai pas pu le respecter. On ne peut tout simplement pas lutter contre le destin. Et cette famille royale est-

― Maudite, complète Sébastien.

― Ce royaume est maudit. Ce monde est maudit.

Son souffle s'épuise. Elle frotte, frotte ses yeux. Chasse ses démons en s'arrachant du vide. Ses paupières papillonnent, battement de cœur irrégulier, frénétiquement effrayé. Ralentit, ralentit et se fixe sur moi. À ma vue, ses joues pâlissent et une anxiété soudaine se fait sentir. Blanche comme un linge, elle le devient bientôt. Mais elle le cache, ou essaye du moins. Hélène toussote, tente de s'éclaircir la voix et son regard se fait déviant. Il s'arrête sur les murs, sur les photos en noir et blanc. Et de nouveau, elle disparaît et se perd, aspirée par d'innombrables souvenirs qui résonnent, tel un écho, dans une tête grisonnante.

Ses sourcils se froncent, tandis qu'elle continue son histoire d'une voix éteinte :

― J'étais la femme de chambre d'Aphrodite. Son unique servante. Reine extravagante, elle aimait jouer avec la différence et surprendre, faire des gestes inattendus. Quelque part, son esprit était rempli d'un malice enfantin, une femme enfant était-elle après tout. Sibéria étant un cheangailte-righ, le désordre régnait. Il n'était donc pas rare de voir des attaques, des voleurs, des bandits faire irruption dans le château. La vie de la reine était constamment menacée, mais tout le monde s'en fichait. Elle avait désormais pondu une héritière, son sort était scellé, on le savait. Elle devait mourir bientôt, mais la question de ''quand'' demeurait cependant. Elle aussi, elle le savait. Et les jours passaient, gaspillés dans la paresse et une fatigue omniprésente. Elle ne voulait plus se lever, ne voulait plus parler, ne voulait plus régner. La reine fantôme, on l'appela bientôt.

Sébastien se lève, faisant grincer sa chaise contre le sol en bois, douce plainte aigue qui résonne bruyamment. Hélène se tait, soupire, ses paupières se ferment en signe de fatigue. Je lève les yeux, agacée, rencontre un sourire désolé. Il me fait un signe, s'éclipse derrière une porte, ne revient plus. Me voilà donc seule, seule avec une vielle femme trop fatiguée pour vivre. Son ombre s'étire et projette sur les murs sa frêle silhouette. Son dos se courbe, ses épaules se penchent en avant, et elle respire fort, bruyamment, comme écrasée par tout le poids du monde. La trace de ses soucis se creusent sur son front, des rides apparaissent et strient sa peau hâlée. Des pattes d'oie, au coin de ses yeux, témoignent quant à elles d'une époque joyeuse révolue. Je la fixe en silence, tente de décoder le mystère de son existence quand soudain elle soupire. Soupir. Elle continue son récit, pupilles frémissantes plongées dans le vague.

MAUDITEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant