Chapitre NEUF - Course folle à travers un brouillard de questions

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Partie I 

Le monde défile à toute vitesse.

Nous avançons sur une route enneigée. Lentement, lentement. Des rafales blanches s'écrasent contre la vitre de glace, les flocons s'impriment devant mes yeux, le vent d'une furie revendicatrice fait trembler l'habitacle. Dehors, un chaos se forme avec douceur. Les arbres sont des fantômes qui courent à en perdre leur souffle. Derrière, au loin, transperçant l'horizon, la cime enneigée de montagnes se devine. Cette reine de neige et de glace observe notre course croissante, emmitouflée dans sa robe de plomb. Un tremblement nous surprend. Plus vite. Le monde fuit, court et nous suit, l'œil jaune du ciel nous nargue, nous couvre d'un regard imperturbable. La course s'accélère. À toute vitesse, les couleurs s'emmêlent, méconnaissables variations de gris. Vite, vite, les traits s'effacent, les formes disparaissent, les limites tombent, tout se fond en un flou uniforme, et le blanc, ce blanc impétueux et détestable, domine. Et vite, vite, le monde n'est plus.

Une boule se forme, mon estomac grimace. Mon nez se fronce tandis qu'une gorge se racle. Un claquement de doigts, mon attention dévie, papillonne, se repose sur le prince. Ses lèvres sont serrées, ses yeux brillent d'une fierté malsaine. Détestable personnage. Ma tête tourne, tourne, se reconcentre.

Plus vite, plus vite encore. Les chevaux sont infatigables.

― Quel âge as-tu, Laurelei ?

Sa question me fait frissonner, ma gorge se noue, tristes liens d'une peur inavouable. Mes doigts pianotent, ma nervosité se fait sentir et m'énerve, le désir de la puissance se fait sentir et ma frustration monte rapidement. Maitriser la situation devient un objectif qu'on ne peut ignorer. Alors, me croyant forte, je lève le menton et me mords la langue, me plonge dans un mutisme ou essaye, du moins. Mais mon corps, traitre, refuse de m'obéir et ma voix éclate en un rire.

― Dix-neuf ans.

Mon incompréhension me serre la gorge et je fronce les sourcils. Comment ? Comment ? Le contrôle m'échappe, mon corps m'échappe et les réponses fusent malgré moi.

Le sourire du prince s'étire encore.

― Tu fais plus jeune, il croit bon remarquer.

Mes yeux se lèvent au ciel, franche marque d'agacement. Je croise les bras sur ma poitrine, inspire, expire, braque sur lui un regard noir. J'ouvre la bouche, essaye de parler mais déjà il me devance :

― Que faisais-tu dans les bois ?, demande-t-il, le ton sérieux en se penchant en avant.

Toute trace de sourire est disparue. Son air est grave, une tempête d'argent miroite dans ses yeux. Un air froid, quelque part cruel, quelque part désintéressé, terriblement insensible plane. Ses traits sont durs, comme taillés dans un roc, taillé dans cette même Montagne qui nous accompagne dans la vitesse. Et tout d'un coup, sa forme s'étire, il paraît plus grand, plus fier, plus puissant et son ombre m'écrase.

MAUDITEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant