Chapitre 10

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"On verra bien s'il sait quelque chose. J'ai besoin de savoir. Je ne veux plus rester dans l'insouciance. Et si ce qui m'arrivait était réel ?
Mystérieux sont ces cauchemars, ces visions, ces choses qui me sont arrivées après mon accident. Et lui, il l'est aussi. Il est mystérieux, étrange... Cependant, il ne me fait pas peur. Il y aura un moment où la vérité m'affrontera si je ne l'affronte pas de moi même. Je le sens.
Je verrais bien."

Le vendredi matin, Oria et Robin étaient allés ensemble au lycée. Dans le bus, les têtes s'étaient toutes retournées sur le jeune blond balafré. Son beau visage habituellement innocent était gonflé et marqué, et pourtant tout le monde savait pour quelle raison. Il s'était battu avec le garçon le plus étrange, le plus froid et discret du lycée. Discret, peut être moins. Il était pourtant si attirant et marquait le regard de tout ceux qu'il croisait avec ses yeux émeraudes incroyables. Cependant il semblait cacher des choses, si mystérieux soit-il. Mais personne n'osait l'approcher, par peur de le déranger, tant il était imposant.
La jeune brune avait tenté de trouver une solution pour son ami et dissimuler les marques de l'énorme bleu autour de son œil. Avec beaucoup d'insistance, le jeune blond avait fini par accepter que son amie lui mette du fond de teint correcteur pour atténuer. Elle avait particulièrement réussi sans qu'il y ait de marques de maquillage, mais malgré cela on apercevait encore le coquard.
- C'est moins pire qu'hier au moins... se rassura Robin en descendant du bus.
- On le voit pas vraiment, t'en fais pas. Des regards étonnés tu en auras de toute façon ! répondit Oria.
Il se mit à souffler et baissa la tête en marchant. Il suivit son amie qui s'avança vers Abby et Jeff qui étaient déjà arrivés au lycée.
- Tu vas rester une semaine chez Oria alors ? demanda Jeff.
Robin acquiesça sans dire un mot. Il semblait ailleurs, mais ses amis comprenaient pourquoi. La sonnerie des cours retentit et les quatre devaient se rendre en cours de mathématiques. Il s'avancèrent doucement dans la troupe d'élèves bruyante et grimpèrent les escaliers jusqu'au deuxième étage. Passants devant un ascenseur, Oria et Jeff se mirent à fixer exactement la même personne : chaussures en toile grises, jean écorché, t-shirt blanc serré... Oria ressentit une étrange sensation au cœur en relevant les yeux sur le visage de cette personne. C'était lui. C'était cette brute qui avait frappé son meilleur ami. Jeff le fixa avec un regard perçant, tandis qu'elle, elle le regardait comme si elle tentait de lire à travers lui. A travers ses yeux incroyables, indéchiffrables. Kieran la fixa étrangement, puis soupira en baissant la tête, avant qu'elle ne disparaisse au bout du couloir.
- Il est étrange... remarqua Jeff d'une voix basse.
"Ça oui, il l'est..." pensa t-elle.
- Qu'est-ce qui te fais dire ça ? lui chuchota Oria.
- Tu n'as pas remarquée ? Il n'a plus aucune traces sur le visage. Robin avait réussi à lui foutre un gros coup sur la mâchoire, et là il n'a rien... Aucun bleu, aucune marque...
Oria ne répondit pas et se contenta de rentrer dans la salle de cours où le professeur les attendaient déjà. Elle soupira. Il était étrange. Partout où il allait, où elle le voyait, Oria le sentait mystérieux. Ou peut être était-ce ses pensées sans réponses qui le devenaient ?
Pendant l'heure, Oria écoutait à moitié. Son esprit déviait ailleurs chaque fois qu'elle tentait de se raccrocher aux équations écrites au tableau. Elle abandonna au bout d'une heure.
Les deux heures de mathématiques écoulées, ses amis décidèrent de faire un tour dans la cour du lycée, pendant la pause. Oria les suivait sans vraiment savoir où ils allaient. Elle trouvait un intérêt particulier pour regarder ses pieds pendant qu'elle marchait, jusqu'à ce qu'elle se cogne contre une élève. Cette dernière, qui semblait de première année, se retourna brusquement les sourcils froncés vers elle. Oria sortit subitement de ses pensées et s'excusa tout aussi rapidement avant de reprendre son chemin. Mais c'est au bout d'un couloir au rez-de-chaussée, près des casiers où il n'y avait presque personne, qu'elle ressentit une montée d'adrénaline intense. Il y avait l'odeur particulière d'une personne, d'un garçon plus précisément. Il était là adossé contre le mur, curieusement seul. Elle sentit ses joues se réchauffer d'une seconde à l'autre, ainsi que tout son corps. Son regard devenait de plus en plus brillant. Elle s'avança, d'abord doucement puis d'un pas déterminé, lorsqu'il tourna ses magnifiques yeux clairs sur elle. Une lueur étrange éclaira ses iris vertes. Oria se posta devant lui en serrant les dents.
- Qui es-tu ? demanda t-elle froidement.
- Quelqu'un qui te retourne la question, pourquoi ?
Oria s'arrêta et prit un air étonné. Sa réponse l'avait sidérée.
- Je pense que tu sais qui je suis. Je crois que tu as oublié ce que tu as fait à mon meilleur ami.
- Tu parles de Dunbar ?
Elle ne répondit que par un regard noir et négligeant. Son attention se porta sur les battements de cœur de Kieran qui semblèrent s'accélérer chaque fois qu'il croisait le regard de la jeune brune avec tant d'insistance. Elle plissa ses yeux qui étaient ironiquement levé vers lui, comme le chat attaquant un loup. Il la regardait toujours avec autant d'insistance.
- Ecoute je... commença t-il avant d'être coupé par un geste de la main venant d'elle.
- Je ne sais pas qui tu es mais tu vas vite me faire le plaisir de t'excuser et d'éviter de me re-
Le regard de Kieran changea subitement en quelque chose qui ressemblait à de la peur. Il vit que la colère débordait en elle, c'était mauvais signe. Oria ne s'arrêtait plus, elle continua de grogner sur lui avec de plus en plus d'insistance dans ses yeux, à tel point qu'ils en étaient devenus parfaitement orangés. Les pupilles du jeune brun s'étaient élargies, laissant paraître une expression de panique sur son visage. Kieran le savait, il ne fallait pas, au grand jamais ! que son pouvoir se déchaîne ici, maintenant, dans un lieu où les gens sont si faibles. Une alerte allait être enclenchée et ce serait l'embarras total si tout le monde s'apercevait de quoi que ce soit.
Kieran ne prenait à présent plus la peine d'écouter ce qu'elle disait. Il fallait qu'il agisse au plus vite. Il attrapa son poignet brûlant, et sous l'incompréhension celle-ci se mit à se débattre et crier. Il se retourna et la plaqua contre lui d'un geste brusque, puis appuya sur sa mâchoire avec force pour qu'elle cesse de hurler.
- Calme toi...
Ils étaient à présent en dehors des couloirs, et s'éloignaient rapidement de l'arrière cour du lycée. Oria écarquillait les yeux et se débattait toujours malgré la force de son offenseur. Une peur se logea dans son ventre au moment où elle vit qu'il se dirigeait vers les vestiaires sportif des garçons, à quelques mètres du lycée. Une multitude de questions se multipliaient dans sa tête. Elle ferma les yeux et tenta de calmer son souffle irrégulier, en vain. Elle se sentait toute aussi étrange que cette nuit, une semaine plus tôt. Une chaleur intenable brûlait son coeur, son ventre, ses articulations...
Kieran ouvrit la porte des vestiaires d'un brusque coup de pied et regarda tout autour s'il n'y avait personne. Il jeta la jeune brune sur le sol des douches humides et froides, et l'enchaîna rapidement sur un mur solide. Oria écarquilla les yeux et tenta de se débattre mais en vain. Il était beaucoup trop fort et la maintenait sans qu'elle ne puisse s'échapper. Elle n'osait plus crier mais le suppliait de la lâcher. Qu'allait-il lui faire ? La faire souffrir ? La tuer ? Oria commençait à regretter d'avoir été se confronter à lui. Elle s'excusa et se mit à pleurer de peur. Sa voix tremblait. Son successeur ne semblait rien vouloir entendre. Il agissait vite, comme si le temps le pressait. Elle se rendit compte que son corps était extrêmement chaud, qu'une envie de vomir ou de hurler s'exprima au creux de sa gorge. Il se mit à courir vers les portes de sorties du petit bâtiment et Oria tenta de se détacher des chaînes lourdes avant qu'il l'enferme ici. Mais c'était trop tard. Il avait soulevé un casier entier pour caler la porte, et bloqua celle de l'arrière avec une planche de bois. Il s'approcha d'elle doucement et se figea. Il la fixa d'un regard incertain et inquiet. Oria ne comprenait absolument rien à ce qui arrivait. Elle tourna son regard vers lui et se mit à grogner.
- Arrête ça ! Lâche moi !
A son grand étonnement, sa voix sonnait d'une façon inhabituelle. On aurait dit que sa voix était double, qu'un son plus rauque accompagnait ses paroles tremblantes. Sa respiration et les battements de son cœur étaient de plus en plus instables. A ce moment là, elle plongea ses yeux remplit de supplices dans les siens, et elle aurait juré, sans avoir halluciné ou rêvé ni quoi que ce soit, qu'une lueur rouge comme le sang avait orné le tour de ses pupilles pendant un instant. Il lui fallut une seconde pour tourner le regard sur la main du grand brun qui se dirigeait sur le levier pour actionner la douche. Une énorme pression d'eau gelée frappa brutalement son dos et son crâne. Elle se mit à hurler. Pourquoi lui faisait-il subir cela ? Il actionna tous les leviers et l'eau couvrait à présent toute sa peau rougeâtre. Elle se cacha les yeux qui lui brûlaient comme tout son corps, et n'apercevait plus le brun. Il la laissa au moins pendant trois interminables minutes sous l'eau gelée. Elle hurla de tout son être, tant la froideur lui transperça la chair et les os. Puis c'était fini. L'eau s'arrêta de couler, et la jeune brune, impuissante, s'effondra brutalement sur le sol. Elle ouvrit les paupières avec difficulté et vit troublement Kieran courir vers elle d'une seconde à l'autre. Elle voulait s'éloigner mais sa faiblesse l'en empêchait, ainsi que les lourdes chaînes sur lesquelles elle était attachée. Il déposa une serviette chaude autour de son corps inerte et froid, avant de la serrer contre lui. Il fracassa les chaînes pour la détacher d'un coup de poing. Oria se sentit tellement faible et abandonnée par son sort. Elle ouvrit les paupières, et son regard se dirigea sur les yeux verts de la tête brune qui se penchait avec inquiétude sur elle. L'émeraude de ses iris lui semblait encore plus incroyable de près. Il était sur les genoux, ses bras enroulés autour du corps de la jeune brune. Il regardait dans ses yeux orangés, dont la brillance s'affaiblissait à chaque secondes. Elle n'avait aucune conscience de ce qu'elle était capable et de ce qu'elle était tout court, comme si un voile lui cachait la réalité. Mais Kieran était bien décidé à lui arracher ce voile pour lui faire comprendre, lui faire avaler la vérité à laquelle elle était confrontée.
- Pourquoi tu m'as fais ça ? demanda t-elle d'une voix faible.
Il ne répondit rien. Il la regardait toujours pendant un long moment sans rien dire. Son visage était doux, ainsi que son regard, son expression toute entière. Malgré cela il avait l'air d'être quelqu'un de si dur. Une personne qui ne se laisse pas marcher sur les pieds, quelqu'un de fier et de déterminé. Oria baissa les yeux et s'abandonna. Son corps reposait sur ses jambes et dans ses bras, serrée contre son torse, et se réchauffant petit à petit.
- Tu ne sais pas encore le contrôler, répondit-il froidement.

Oria releva les yeux vers lui. Qu'est-ce qu'il venait de dire ? Il se releva doucement, laissant la jeune brune sur le sol. Elle ressentit la sensation désagréable de ses vêtements mouillés sur sa peau. Kieran se rendit dans un casier et emprunta une veste et un jean troué.
- Qu'est-ce que je ne sais pas contrôler ? cria t-elle de toutes ses forces pour qu'il l'entende.

Une sensation de vertige lui fit froncer les sourcils. Elle baissa la tête et sentit ses jambes ainsi que ses bras trembler. Ses pauvres muscles étaient tellement fatigués ; elle manquait considérablement d'énergie. Oria se mit à gémir lorsqu'elle sentit sa tête tourner, avant de s'écrouler définitivement sur le sol dans un bruit sourd. Kieran accourra en trombe vers elle, et prit son visage endormi entre ses mains. La jeune brune n'avait aucune réaction. Son corps était couché sur le sol, sa peau humide, les jambes pliées. Un bras longeait le long de son corps et l'autre était au dessus de sa tête, couvert par ses cheveux mouillés. Il la trouvait si belle, encore plus lorsque ses paupières étaient closes. Bien qu'il en aurait donné pour contempler son regard d'ambre à cet instant. Il s'en voulu de l'avoir contrôlée si brutalement et prit rapidement la décision de la ramener chez elle. Il retira la serviette humide et lui retira son chemisier blanc avec difficulté avant de la recouvrir d'une autre serviette. Il eut soudainement un intérêt particulier pour tous les détails de son visage. Il la regarda doucement, avant de la relever.
- Tu es un être surnaturel, murmura t-il doucement.


Il la porta sans problèmes, les jambes et la nuque appuyées sur ses deux bras. Il dégagea la barre en bois d'un coup de pied. Cette dernière se brisa en deux avant que la porte ne s'ouvre à lui. Il n'y avait personne aux alentours heureusement, et la sonnerie du lycée se fit entendre. Il attendit que les élèves sur le parking s'en aille. Lorsque la voie était libre, il se dirigea vers sa voiture et ouvrit la porte arrière pour allonger le corps de la jeune brune sur les sièges. Il referma la porte avec rapidité et s'assit sur le siège conducteur. Il alluma le contact, prit le volant et démarra le plus vite possible dans un crissement de pneus. Il parcourait à plus de quatre-vingt dix kilomètres heures les petits quartiers de Pittsfield. Il s'arrêta dix minutes plus tard chez elle, devant sa belle maison qui reflétait le blanc, là où elle pourrait se reposer.
Et où il pourrait veiller sur elle, sans qu'elle ne s'en aperçoive.

We are surnaturals [Tome 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant