Chapitre 8

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Une semaine plus tard, le père d’Oria était revenu à la maison. Il avait découvert avec admiration leur nouvelle maison, à Pittsfield. Cette maison où ils allaient vivre ensemble, à nouveau réunis. Oria n’était pas retournée en cours depuis ce soir là. Ce n’était pas pour ce qui lui était arrivé au lycée, mais pour son père, Dean. Elle avait tellement de choses à lui dire. La jeune fille voulait absolument prendre le temps de retrouver son père, et pensait que c’était beaucoup plus important que les cours. Un vendredi matin d’automne, Oria se préparait pour aller au lycée. Son père avait exigé qu’elle reprenne, pour son bien. Il lui avait dit que si elle souhaitait retrouver la même vie qu’avant, il fallait qu’elle travaille toujours aussi bien en cours. La jeune brune était dans sa chambre, en train d’enfiler son jean et ses chaussures sans être pressée. Elle n’était pas en retard après tout. Tout à coup, un son intriguant de guitare arriva jusqu’à ses oreilles.. Elle s’arrêta et trouva que les notes glissaient sur les cordes d’une manière incertaine, puis petit à petit l’air se répéta doucement. Qui pouvait bien jouer de cet instrument ce matin même ? Elle se laissa guider par le son de la mélodie et approcha de la chambre de ses parents d’où le son provenait. Elle eut un sentiment de nostalgie en voyant son père assit sur le lit, le visage détendu et concentré sur les cordes de sa guitare. Oria se mit à sourire et entra. Les magnifiques yeux gris de son père se levèrent subitement vers elle et il s’arrêta de jouer.
- Tu joues toujours aussi bien papa.
- Oh non.. non. J’ai perdu la main, mais je vais reprendre ça, dit-il en remuant la tête.
- Tu te rappelles quand tu jouais nos sons préférés pendant des heures et que je les chantais ? Tu voulais même nous enregistrer !
- Ahahah oui je m’en rappelle ! Ta mère aimait nous prendre en vidéo en cachette même. Je m’en rappelle très bien.
Sa voix était pleine de douceur. Il eut un sourire qui remontait les pommettes de ses joues et faisait ressortir ces mignonnes fossettes -dont Oria avait hérité-. Il demanda à sa fille de refermer la porte et de venir s’asseoir à côté de lui. Oria s'exécuta en pensant qu’il allait lui demander de chanter. Mais à en voir l’expression sérieuse de son visage qui changea d’une seconde à l’autre, elle vit que c’en était pas le cas.
- Je me sens très bien ici. Absolument bien même…
- Tu.. tu en es sûr ? demanda t-elle ne sachant que lui répondre.
- Oui. Je n’ai perdu ni les souvenirs de ma femme, ni de ma fille après ce qui nous ait arrivé. C’était un accident très tragique, il aurait pu tout changer. Je n’ai jamais oublié combien j’aime ta mère, et elle n’a toujours pas changée. Je n’ai pas oublié non plus la fierté que j’ai éprouvé lorsque tu es venue au monde, et lors de tous les autres projets que nous avons accompli… nos vacances, puis nos bêtises aussi !
 Oria sourit après ce qu’elle venait d’entendre. Elle sentait le soulagement qu’il éprouvait. Que pensait-il lorsqu’il s’était réveillé à l’hôpital ? Sa femme et sa fille ne l’aurait jamais abandonné ainsi. Avait-il une seule fois songé à cela ? La peur qui nous ronge lorsqu’on sort d’un accident c’était celle d’être seul. Quelque part, Oria comprenait ce ressenti, cette pensée.
- Nous nous sommes battues très dur pour surmonter ça, c’est sûr. Mais on doit continuer à avancer, ne surtout pas nous arrêter là.
- Tu as raison Oria. Mais il y a une chose. En six mois tu es devenue... si différente. Tu as tellement mûrit, changé.. Je ne saurai comment l’expliquer. Tu es une jeune femme maintenant, et tu es encore plus brillante à mes yeux. Tu deviens si jolie, tu es vraiment une belle personne et je suis très fier de toi.
La jeune brune se mit à rougir et se pinça les lèvres. Elle ne savait que répondre à cela.
- Merci papa… Je suis heureuse d’avoir toujours le meilleur père que j’avais auparavant.

 Il se mit à sourire et la serra très fort dans ses bras. Oria se retira doucement après quelques secondes.
- J’ai une question à te poser mais je… je ne sais pas si je devrais, dit-elle en le regardant fixement dans les yeux.
- A quel propos ?
- De l’accident.
Il prit un air entièrement sérieux après cette réponse. Oria avait cette question en tête depuis l’arrivée de son père à la maison, depuis plus d’une semaine.
- Aurais-tu encore des souvenirs ?
Dean regarda dans le vide, le visage interrogateur, puis répondit sans changer de tête.
- Non je n’en ai aucun souvenir.
Un semblant de froideur se fit ressentir dans sa voix grave. Oria fit semblant de ne pas en avoir prêté attention et se releva en haussant les épaules, déçue. Car elle, elle s’en souvenait. Il y avait d’abord eu ces visions, ces rêves étranges qui se rapportaient tous à son accident, ou son père lui-même. Puis ce qui lui était arrivé au lycée et dans la cave au soir, cette sensation étrange que quelque chose était en elle. Oria n’avait qu’une envie, celle de trouver la réponse à ce mystère sur elle-même. Un espoir s’était creusé en elle si son père pouvait l’éclairer là-dessus. Elle s’avança vers la porte, prête à partir prendre son sac pour aller au lycée. Soudain une voix lui fit arrêter le pas.
- Attends Oria.
Elle se retourna, les yeux grands ouverts et fixés vers son père. Il se leva rapidement et s’avança pour refermer la porte, ce qui surprit la jeune fille.
- Assieds-toi, lui ordonna t-il en tapotant doucement sur le lit.
Il prit un moment avant de commencer, comme s’il ne savait pas trouver ses mots.
- J’ai un souvenir un peu indistinct, comme si il n’avait pas duré longtemps, ou alors c’est parce que cette chose est arrivée si vite… soupira t-il en baissant le ton.
 Sa fille lui lança un regard interrogateur, toute ouïe.
- Tu risques de me prendre pour un fou Oria. Mais la scène macabre de ma fille en train de perdre son sang m’a beaucoup marqué. Je me sentais tellement fautif, tellement coupable... Je ne pouvais pas accepter ça.
- Je… je comprends papa. Mais maintenant tout vas bien tu sais.
 La voix douce et rassurante de sa fille était presque inhabituelle, ce qui le mit à l’aise.
- Mais je me souviens avoir d’abord entendu le cri d’une chose, un son vraiment puissant et strident. J’avais la vue trouble mais j’ai ouvert les yeux en me forçant, pour savoir où tu étais. C’était presque vital de savoir où tu te trouvais, si tu vivais encore. J’étais prêt à crier ton nom, mais j’ai vu un énorme éclat de lumière foncer vers toi. C’était orangé, un peu comme du… du feu. Je ne me souviens plus très bien. Ça a duré moins d’une seconde. Puis je t’ai vue à terre, je pensais que tu étais déjà morte de l’accident. Je me sentais tellement mal. Et ensuite plus rien, mes yeux se sont fermés.
 Il tourna les yeux vers elle, avec de la tristesse qui apparaissait dans ses iris brillantes. Le père fut surpris d'apercevoir l’expression de sa fille qui, totalement pendue à ses lèvres, avait écarquillé les yeux comme si elle avait eu réponse à ce qu’elle voulait. Elle baissa la tête et sortit de ses pensées en se relevant brusquement.

We are surnaturals [Tome 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant