Chapitre 7

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- Bonsoir mademoiselle, c'est l'hôpital de Pittsfield. Vous êtes bien la fille de monsieur Dean Fitzgerald ?
Oria se figea. Le nom de son père avait sonné comme un appel, une surprise à laquelle elle ne s'attendait pas. A cet instant, son regard abasourdi plongea dans le vide et elle sentit son coeur se reserrer.
- Euh.. oui, répondit-elle quelques secondes plus tard, la voix tremblante.
- Votre père va bien. Les médecins ont miraculeusement réussi.
Son coeur se transforma en un énorme point douloureux. Elle passa son bras sur le bar sur lequel elle était appuyée. La bouche ouverte, elle était choquée de cette nouvelle. Son père était en vie. Il s'en était sorti. Depuis six mois qu'elles l'attendaient. Six abominables mois...
- Il... il s'en est sorti ?
- Oui mademoiselle, c'est un miracle. Vous pourrez lui rendre visite avant les heures de fermetures bien entendu. Il est un peu perdu selon les médecins, mais il reconnaît son entourage.
Une certaine fierté faisait battre le coeur d'Oria à cet instant. Le destin lui avait donné la chance qu'elle suppliait au monde, celle de revoir sa famille entièrement réunie. Elle ressentit un énorme soulagement au fond d'elle. Personne ne peut comprendre combien six mois d'absence soudaine est aussi intenable et douloureux. Oria ne pouvait retenir les larmes qui coulaient le long de ses joues. La délivrance émanait d'elle. Elle cru que les chaînes de cette absence et de cet interminable manque paternel étaient à présent brisées.
- M..merci énormément....
- Je dois raccrocher pardonnez moi. Prévenez votre famille, répondit-elle d'une voix douce et pardonnable.
Le son perpétuel du téléphone marqua le silence. Le mal était maintenant anéanti. C'était fini. Tout recommençait à zéro. Plus jamais elle ne laisserai quelconque injustice attaquer sa précieuse famille. Oria sentit ses jambes trembler, jusqu'à ce que son corps tout entier s'ébranle à son tour. Elle se laissa tomber doucement, dos contre le bar, puis ses larmes perlèrent tout aussi lentement. C'était des larmes de joie, la joie de retrouver une nouvelle vie. Elle ferma les yeux et remercia le ciel.

***

Oria avait appelé sa mère quelques minutes plus tard. Elle s'était emparée au plus vite du combiné quand ses sanglots s'étaient calmés. Les deux étaient à présent en voiture. Sa mère était rentrée du travail en moins de dix minutes après qu'elle l'ait appelée. Ses mains tremblaient sur le volant de la voiture. Son visage était crispé, elle n'osait pas pleurer devant sa fille. Oria entendit des battements de coeurs qui éveillèrent son attention. Serait-ce les siens ? Son rythme cardiaque était pourtant plus ralenti qu'il y a quelques minutes. Elle se tourna vers sa mère et se sentit inquiète.
- Maman ?
Elle sentait son trouble, sa mère n'avait pas encore réalisée ce qui se passait. Il faisait presque nuit et la pleine lune était haute dans le ciel. Sa mère augmenta la vitesse en appuyant sur l'accélérateur. Le moteur gronda. Oria sentit des frissons lui parcourir tout le corps. Était-elle comme ça lorsqu'elle avait apprit que sa fille s'était réveillée, il y a trois mois de cela ? Elle se le demanda dans sa tête, les yeux rivés sur sa mère.
La jeune fille sentit sa poitrine se soulever lorsqu'elle vit l'hôpital à quelques mètres. Sa mère gara la voiture et sortit tout de suite après avoir éteint le contact. Oria la suivait en pressant le pas. Chaque seconde avant d'arriver dans l'enceinte de l'hôpital était cruelle. Elle redoutait le moment où elle allait revoir son père, son visage ouvert, l'âme vivante. Elle ne ressentait pas que le bonheur, elle avait peur que tout ceci soit faux, que son père était encore dans le coma, entre deux mondes. Elle redoutait -dans le cas où c'était réel-, qu'il ne la reconnaisse pas. Elle ressentait quelque chose de fort aussi, comme si quelque chose brûlait en elle, mais ne savait pas ce que cela pouvait être. A quelques mètres devant elle, sa mère demandait quelque chose à l'accueil. Elle semblait si pressée, ce qui surprit la jeune femme devant elle. Elle lui répondit quelque chose qu'Oria avait pu entendre de l'entrée, là où elle se tenait debout. "Chambre 211"', c'était ce qu'elle avait prononcé. Sa mère se tourna vers elle, et son regard exprimait tout sans qu'elle ne le dise. Oria s'exécuta et accouru vers elle. Elles prirent l'ascenseur pour arriver au deuxième étage et respirèrent profondément. Les émotions qu'elles ressentaient crispaient les muscles de leur visage. Pendant un instant, Oria se demanda si son père s'attendait à ce que sa femme et son unique fille viendraient lui rendre visite. Elle respira profondément et sortit en même temps que sa mère lorsque les portes de l'ascenseur s'ouvrirent. Elles suivirent les flèches et pressèrent le pas aussi vite qu'elles le pouvaient. C'est alors qu'Oria tourna le regard, vers un rectangle blanc qui affichait en lettres bleues sur une porte le chiffre "208". Elle ralentissait le pas, le regard fixé sur ce chiffre. Elle repensa qu'elle avait passé presque trois mois dans cette chambre. C'était ici, dans cette chambre, que son corps avait été laissé, pendant que son esprit flottait dans une dimension inconnue dont elle n'avait aucun souvenir. C'était dans cette chambre que ses yeux s'étaient ouverts après la sortie de son coma. Et trois pièces à côté, il y avait son père. Les murs étaient blancs et le paysage n'était pas si spécial à travers la fenêtre, mais c'était reposant d'être là. Oria couru vers la chambre où elle devait aller et entra, le coeur battant. Sa mère se tenait penchée, ses bras autour du corps de son mari. Elle entendait des gémissements et des pleurs, et ne pu s'empêcher d'avancer vers eux, doucement. La jeune brune avait un sourire au lèvre, et empêchait la douloureuse boule au creux de sa gorge de déverser des larmes. Des larmes de joie. Les petits yeux gris de son père s'ouvrirent vers elle, et un sourire éclatant s'offrit à son regard, comme un cadeau du ciel. Il lui tendit la main d'un geste un peu faible, mais elle l'attrapa, tremblante. Son corps était presque tiède. Elle s'assit sur le lit et l'enlaça. Oria sortit une phrase qu'elle avait tant dite auparavant à son père et qu'elle n'aurait jamais oubliée. Une phrase qui venait du coeur.
- Je t'aime papa.
Il la serra un peu plus contre lui. Cette tendresse lui fit tellement de bien qu'elle crut que le temps s'était arrêté. Les minutes ne se comptaient même plus. Ils passèrent presque dix minutes à savourer cet instant où ils se retrouvaient tous les trois. Au bout de ce temps, le père avait répliqué par ironie qu'il finirait étouffé par tant d'amour en même temps, ce qui fit rire les deux. Jusqu'aux heures de fermetures, Oria et sa mère discutèrent longuement avec Dean, le père de famille. Leur coeur s'était apaisé, le manque paternel n'existait plus à présent. Elles avaient évité les questions pour le moment, pour ne pas le troubler.

We are surnaturals [Tome 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant