Chapitre 10 : Accord ou désaccord.

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Neptune était une ville portuaire, la seule d'Éden car elle était construite sur la seule côte accessible de l'île, les autres étant principalement composé de crêtes rocheuses plus ou moins dangereuses à aborder. Elle se situait au Nord de la capitale, à quelques heures à cheval. Les Gardiens avaient choisis d'empreinter l'itinéraire commercial, c'est à dire une route peu utilisée traversant la campagne. Nous avancions en silence, mis à part les jacassements incessants de Sébastien. Je caressais Apache, perdue dans mes pensées quand le Gardien ralentit son cheval pour marcher près de moi. Il me demanda, avec un grand sourire :

Tu es déjà allée ailleurs dans le Monde, qu'à Éden je veux dire ?

- Non jamais, soupirais je. Et toi ?

Avec un haussement d'épaules et feignant l'indifférence, il me dit :

Oh, moi, tu sais... La France, l'Espagne...

- L' Italie, ajouta Bridgess en parlant fort pour qu'on l'entende.

- L' Australie, le Canada... poursuivit Sébastien. Avec ce que l'on fait, protéger les humains et les créatures obscures vivant parmi eux des démons... Ça nous envoie un peu partout.

Je ressentis un pincement au cœur. Au fond, je les enviais. Mon régent de père me privait du plaisir de voir le Monde tout en m'empêchant de devenir Gardienne.

Fermez la. Et arrêtez de roucouler.

Encore une fois, Carl brisa la joyeuse atmosphère qui régnait. Je serrais les dents face à son allusion, remarquant du même fait le regard que nous jeta Bridgess par dessus son épaule. Comme s'il s'agissait d'un signal, Sébastien fit accélérer son cheval pour revenir à sa hauteur. Et ils se mirent à discuter tout bas. Je devinais à la façon dont il se balançait et au rire sincère qui jaillit de la Gardienne, qu'ils étaient plus proches qu'il ne me l'avait semblé plus tôt. Je souris, et reportais mon attention sur le paysage. Rien de nouveau : des champs de céréales derrière, des champs sur les côtés. Au loin, je voyais les masses sombres des crêtes qui semblaient se faire face puis plonger à pic vers le sol. Entre les deux s'étendait donc Neptune. Je m'y étais rendue quelques fois, avec ma Grand mère lorsqu'elle allait faire le pleins de produits frais elle même. Mon sourire s'élargit, on y était presque...

Soudain, l'air se chargea d'électricité et un bourdonnement monta à nos oreilles. Je serrais les dents, devinant par expérience ce qui était en train de se passer. Les chevaux des Gardiens s'arrêtèrent aussitôt mais Apache s'agita nerveusement en menaçant de tourner les talons. Je descendis alors de cheval pour le caresser et le rassurer, me rassurant tout autant. L'air grésilla une fois, avant qu'un courant d'air ne se lève. Sous nos yeux, un portail s'ouvrit. D'une blancheur éblouissante sortit deux autres Gardiens, armes au poing. D'un même mouvement, l'élite qui m'accompagnait mit pieds à terre. Le Général sortit derrière eux et ses yeux se posèrent aussitôt sur moi. Il fit quelques pas dans ma direction avant de se figer. Il avait cet air fermé, professionnel... Je sus alors qui allait sortir à son tour et je pivotais, tournant le dos au portail et aux ennuis en approche. Je déglutis et me plongeais dans la contemplation désespérée d'un détail invisible présent sur la selle d'Apache qui s'était calmé. Avec un autre grésillement, le portail se referma.

Yélaiah.

Je soupirais et me tournais lentement vers mon père. Encore une fois, je le trouvais vieillis. Il portait l'informe bleu des dirigeants et se tenait bien droit, se dressant face aux autres. Son attitude de régent m'agaça directement et je lâchais sans conviction :

Père.

Sa mâchoire se contracta et il déclara, la voix aussi froide et autoritaire que lorsqu'il s'adressait à ses soldats :

ShadowsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant