Connexion #46

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— Alors, gamine, tout va comme tu veux ? Ove ne t'ennuie pas trop ?

— Bonjour, Jin ! Non, t'inquiète...

Il s'est installé sur le fauteuil. J'attendais le Scandinave d'un moment à l'autre, et c'est le Chinois qui s'est ramené.

— Il doit vraiment adorer te créer des problèmes, constata Jin, sinon, il ne viendrait pas si souvent.

— Peuh, ça doit lui changer les idées.

— Il m'a demandé si c'était moi qui t'avais révélé son âge.

— Ah ? Ça m'a échappé tu sais... De toutes les manières, qu'est-ce que ça change ? Vouloir à tout prix cacher son âge, comme ça... Je ne comprends pas... Toi, d'accord, tu es plus vieux, donc bon... Mais lui ?

Jin a émis un grognement. C'est sa manière à lui de rire. Il était de bonne humeur, aujourd'hui.

— Il pense que cinq ans de différence ne sont pas suffisant pour revendiquer un droit d'aînesse. En règle générale, m'a-t-il dit de sa voix lente, soit Ove fait tomber les filles, soit il les ignore. Dans les deux cas il les méprise. Je crois que ce crétin est tombé sur un os avec toi. Tu ne le supportes pas, lui non plus, et pourtant il vous est impossible de vous ignorer.

— Attends une seconde : il m'est impossible de l'ignorer. Je serais très contente s'il je ne le voyais jamais !

— Et d'une ce que tu viens de dire n'est pas vrai, et de deux il ne lui est pas possible de t'ignorer, tout comme le reste d'entre nous.

— Pourquoi ?

— Parce que.

Je brûlais. J'en étais sûre. J'allais ENFIN savoir pourquoi ils étaient toujours là. Pourquoi ils m'étaient tombés dessus. Pourquoi personne d'autre autour de moi n'a conscience de leur existence. Rrrrrah ! À chaque fois ça me fais le coup, j'approche du but et... je me rends compte qu'il me reste encore cinq mille kilomètres à parcourir.

— Il n'empêche que si vous le vouliez, vous partiriez.

— Non, petite. Ah, je l'entends qui arrive.

— Ça ne serait pas une de tes anciennes voitures qu'il conduit, ces temps-ci ?

— Une vieille décapotable rouge ? Ouais. Cette poubelle ne tenait pas la route. J'ai voulu la faire exploser devant l'école où allaient les enfants du concessionnaire qui avait eu l'audace de me la refourguer ; mais Ove m'a supplié quasiment à genoux de la lui donner – faut dire qu'il est toujours fauché comme les blés, celui-là. J'ai fait deux heureux dans la même journée.

— Deux ?

— Ouais : ce petit con de Ove et le concessionnaire. Je suis un homme généreux.

J'ai une autre conception de la générosité, mais nous n'allions pas nous disputer pour si peu de choses.

— Y'a quelqu'un dans c'te baraque ?

— On est en haut ! ai-je crié.

— Ouais, bah tu vas descendre et plus vite que ça, c'est moi qui te l'dis !

— Je crois qu'il t'en veut, pour le fromage, m'a glissé Jin en se calant sur le dossier du fauteuil. Bon courage...

— Tu restes jusqu'à quand ?

— Bof, je vais attendre que Ove en aie fini avec toi et je lui demanderais de me ramener dans sa bagnole.

— Qu'est-ce tu fous ?! Magne-toi l'train d'descendre !

— Voilà, voilà ; j'arrive, Maître.

J'ai entendu à nouveau le grognement de Jin. Il ne devait pas être au courant pour le Maître. Allez savoir pourquoi, ça m'a gonflée. Ove avait l'air de bonne humeur, aussi. Ça devait être dû au beau temps. Ou alors au fait qu'il me préparait un festival de conneries.

L'EscorteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant