Interlogue : Seul dans la nuit

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Raven halète. Eva le regarde avec beaucoup d'attention. Elle est le prédateur et il est la proie.

Le jeune Russe a étendu les bras. Il protège le berceau. Le bébé. Il ne faut pas que ce monstre touche au bébé. Si seulement il avait pris son cellulaire sur lui ! Il l'a laissé dans sa veste, dans le salon.

— Raven, murmure Eva de sa belle voix veloutée, suis-moi. Suis-moi et il ne se passera rien. Rien de fâcheux. Pour personne, ajoute-t-elle en jetant un coup d'œil explicite au berceau.

Le bébé dort. Le monstre ne l'a pas réveillé. Raven sent ses jambes trembler sous lui.

Je ne suis pas courageux. Je n'ai jamais été courageux.

— Tu ne vaux rien. Avec moi, tu vaudras quelque chose !

Non... non... Elle a raison, mais... Sawyer m'a dit... il m'a dit que c'était faux. Qu'avec le bébé, que si je la protégeais... que si je la protégeais, je vaudrais quelque chose...

L'Égyptienne sent que le garçon tente de se convaincre de ne pas la suivre. Elle réalise qu'elle n'a plus le choix. Qu'elle doit bluffer.

— Si tu ne viens pas, il la tuera.

Il ? Qui, « il » ?

Raven fronce le sourcil, car le cobra cracheur qui se tient face à lui ne peut atteindre le berceau. Et Raven est prêt à attacher le long corps du monstrueux animal autour de son propre cou plutôt que de le laisser approcher du berceau où la petite fille dort paisiblement.

— Je ne le laisserai pas approcher ! finit par balbutier le Russe, mal assuré.

Oh, si seulement Jonah était là. Jonah saurait quoi faire, lui... Il saurait exactement quoi faire !

— Tu aimes lire, Raven, murmure alors Eva en pointant du doigt le pavé que le jeune homme a jeté sur le serpent lorsqu'il s'est brutalement matérialisé sous ses yeux. L'Idiot ? rit-elle en agitant sa splendide chevelure noire. Eh bien, ne lui ressemble pas ! Si tu aimes lire, si tu tiens à tes yeux, suis-moi !

— Non ! éclate alors le Russe, qui refuse de laisser le pire arriver. Je la protègerai, même je dois y perdre la raison ! gronde-t-il, furieux.

— Tes yeux sont donc si peu précieux, pauvre petit Clancy ? Voyons donc cela.

Elle agite la main. Au début, Raven croit que, au fond, ça n'était que de l'esbroufe. Cet animal brun, au sang froid et à l'œil cruel, dressé sur son ventre, n'est pas réel. Ou, s'il est réel, il ne peut obéir à un ordre. Pas un serpent. Mais le cobra cracheur se redresse encore un peu et ouvre la gueule. Raven n'a même pas le temps de voir le venin jaillir des mandibules : il reçoit un liquide froid dans ses yeux noirs. La douleur le saisit aussitôt : une migraine épouvantable, suivie de l'impression que sa cornée est approchée par un fer chauffé à blanc. Il s'écroule, hurlant de douleur, réveillant l'Escortée qui dormait. Les pleurs timides du bébé lui rappellent qu'il doit la protéger, malgré la douleur effroyable qui le traverse de part en part. Il se redresse, tant bien que mal, aveuglé par le venin qu'il a reçu dans les yeux, et s'empare de la petite fille. Elle le connaît : une fois lovée dans les bras de Raven, elle cesse de pleurer. Le Russe se recroqueville au sol. Il n'entend plus rien. Il souffre beaucoup trop.

Ce n'est qu'une heure après que le Proscrit, dont le corps a étrangement résisté à la mortelle dose de venin, parvient à trouver – à tâtons, car sa vue a été terriblement affectée par l'attaque – le gros téléphone portable à antenne qu'il avait relégué dans sa veste. Il appelle Jonah. Pas Sawyer, pas Nuka : Jonah. Son Mentor. Le géant arrive rapidement, secondé par Nuka.

L'Amérindien ne parviendra jamais à rendre sa vue d'antan au Russe. Et, la mort dans l'âme, Jonah avertit les autres Proscrits : oui, il existe une créature capable de les détruire.

*

Et voilà le fameux interlogue dont je vous parlais précédemment : j'espère qu'il vous a plu, n'hésitez pas à laisser une petite étoile, un commentaire, ou à vous abonner :-) (j'ai l'impression d'être un YouTuber XD)

Bisous

Sea

L'EscorteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant