Connexion #82

1.3K 174 212
                                    

« Tel le sage guerrier sur son rocher,

Apprends à remarquer qu'au petit scarabée

La bouse est plus utile que l'épée. »

Sascha I. Neonata, XXI° siècle.

*

JOURNAL n°2

Bonjour à ceux qui me lisent, si par hasard il y en a. Je vous ai laissés un peu en plan, la dernière fois et j'en suis désolée. Il y avait une bonne raison pour que j'arrête aussi subitement d'écrire.

Mais d'abord, laissez-moi vous annoncer où je suis en ce moment.

Je suis... dans l'appart' de Jin ! Sérieux ! On revient de la clinique où est Raven – je vous raconterai –, et le Chinois attend le livreur de pizzas. Je pense que les oreilles du livreur vont vite chauffer lorsque Jin aura ouvert la porte, vu le retard...

Donc. Reprenons où nous en étions la dernière fois. Je m'étais absentée de ma chambre quelques minutes, pour ensuite reprendre l'écriture de mon journal. J'avais terminé, si la fonction copier-coller ne me fait pas défaut, par quelque chose du style : « Je ne sais pas si Jin a une femme. Ça m'étonnerait, c'est un asocial de première catégorie. Ah, il se tourne vers moi. Il ne se doute pas que je retranscris ses moindres faits et gestes... Ça me plaît bien ! Oulà ! Il a l'air énervé dis-donc ! J'ai fait une connerie ? Il hésite à me parler, là. C'est bizarre. Il a les sourcils froncés. J'espère que j'ai ».

J'ai exagéré, c'est vrai, j'aurais pu au moins finir ma phrase. Je voulais dire un truc du genre :

« J'espère que j'ai fermé la fenêtre d'OpenOffice lorsque je suis sortie, je me rappelle plus ». C'est à dire que j'espérais que Jin ne soit pas allé fourrer son nez cassé dans mon journal.

Mes espoirs sont parfois déçus.

— Arrête d'écrire.

Rien que ça. Je n'aime pas, mais alors pas DU TOUT lorsqu'on me donne un ordre de cet acabit. Mais c'était Jin qui ordonnait. Il a croisé les bras sur sa poitrine. J'étais gênée. Je ne savais pas quoi faire, il avait l'air en colère autant que déstabilisé.

— Tu as besoin de quelque chose ? ai-je demandé d'un ton qui se voulait détaché.

J'ai bien sûr obtempéré et rabattu l'écran de mon ordinateur portable.

— Je te l'ai déjà demandé.

— Ah ? Excuse-moi, j'étais ailleurs, je n'ai pas...

— J'ai dit « arrête d'écrire ».

Nul besoin de jouer les saintes-n'y-touche plus longtemps. Surtout avec l'Asiatique. J'ai senti une clochette d'alarme tintinnabuler au fond de mon crâne. Et une tension dans le ventre. En bas, à gauche.

— Quand as-tu commencé à écrire ça ?

Ça y est, interrogatoire en règle. Comme si j'avais besoin de ça.

— Je... c'est perso.

— Non ! Réponds à ma question avant que je ne m'énerve.

— Euh... attends.

J'ai rouvert l'ordinateur et ai consulté le début de mon journal.

— En février. Oui, c'est ça, février dernier.

L'EscorteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant