Connexion #6

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Hey ! Je prends juste le temps d'écrire quelques lignes avant de me coucher ! Parce que je commence à deviner quelques petites choses, concernant le vieux Jin...

Pour ouvrir une parenthèse ultra-rapide sur le souci que j'ai eu avec Ove, ça s'est réglé assez rapidement à partir du moment où les trois mousquetaires se sont décidés à me prêter main-forte. Je n'ai pas revu le Scandinave (tant mieux !), et Boyd m'a glissé qu'il devait être furieux, parce qu'il ne l'a jamais vu bouder comme ça. Bah ! qu'il reste furieux tant qu'il voudra, je m'en fiche comme de ma première chaussette.

Pour en revenir à Jin... J'étais à Orléans, avec P¤¤¤¤¤¤, ma meilleure amie. On faisait les boutiques, dans la grande galerie marchande, lorsque je me suis figée.

- Qu'est-ce qu'il y a ? m'a demandé P¤¤¤¤¤¤, qui tentait de déterminer si oui ou non elle pourrait acheter un neuvième vernis à ongles fluo sans que sa mère s'aperçoive de quoi que ce soit.

- Chut !

Je l'ai tirée par la manche - elle a manqué faire tomber le petit tube en verre d'un vernis jaune canari - et nous nous sommes accroupies derrière un présentoir à boucles d'oreilles bon marché, au grand étonnement de la vendeuse. Là, dans la galerie, deux hommes avançaient d'un pas vif. Deux Chinois. Et je connaissais le plus vieux.

- C'est les deux Chinois que tu mates ?! s'est étouffée ma meilleure amie en retenant un gloussement. Tu exagères ! Monsieur P¤¤¤¤¤¤¤¤ est dix mille fois plus sexy !

Monsieur P¤¤¤¤¤¤¤¤ est notre professeur de Français. Ma meilleure amie veut l'épouser.

- Chut, tu vas nous faire repérer !

- Mais c'est qui ?

- Le nouvel amant de ma voisine.

Il n'en fallait pas plus à P¤¤¤¤¤¤ pour retenir sa respiration et focaliser à son tour son attention sur les deux hommes. Elle adore ce genre d'histoires.

- Lequel ? Le vieux ou le jeune ?

- Le vieux. Mais je crois qu'il en a après son argent, ai-je menti.

- Oh, viens, on le suit ! Ça va être marrant !

Génial : moi qui cherchais un moyen de filer le vieux Jin ! Ma meilleure amie a reposé son tube de vernis jaune vif sur le présentoir et nous sommes sorties comme deux agents secrets de la boutique, sous l'œil suspicieux de la vendeuse - en même temps, je la comprends. C'était juste géant : j'allais peut-être trouver des détails sur l'un de mes Oncles sans qu'il me mette des bâtons dans les roues. Il fallait juste qu'on ne se fasse pas attraper. Surtout que c'était Jin. Et que Jin, je suis désolée, mais il me fait vraiment flipper.

Donc, comme deux espions surentraînés, nous nous sommes mises à filer les deux hommes, aussi discrètes que des sioux.

Enfin, des sioux qui auraient quatre grammes d'alcool dans le sang.

Nous avons descendu toute la grande rue marchande, nous planquant parfois derrière des poteaux - oui, je sais, très efficace... - ou des gens. Ma meilleure amie a soudain repéré, devant un magasin de chaussures, des spartiates en soldes. J'ai eu beau lui faire remarquer que l'été était passé, elle n'a rien voulu entendre. Résultat des courses, j'avais perdu ma pote et mes Chinois par la même occasion. Oui, parce que, le temps que j'essaie d'argumenter avec P¤¤¤¤¤¤ pour qu'elle reste avec moi, Jin et son copain avaient disparu dans l'espèce de brocante qui se tenait sur la Place du Martroi. Je n'avais pas pour autant dit mon dernier mot, même si à la réflexion j'aurais mieux fait de le dire.

Je me suis donc engouffrée entre les étals de la brocante. Se vendaient surtout de vieilles BD et des romans des années cinquante, mais parfois on pouvait dénicher des objets amusants qui témoignent d'habitudes du dernier siècle, en cuivre ou en bois poli. Je brode parce que la suite est moins reluisante que cette splendide montre à gousset datée de l'entre-deux-guerres.

Bref : j'avais le nez levé, prête à plonger sous une table à tréteaux à la moindre apparition douteuse, lorsque j'ai percuté un type mal embouché, qui avançait vite, sur ma droite :

- Tu ne peux pas faire attention ?!

- Non, mais excusez-moi, mais quand même, vous... Jin ?! Oh, euh... Jin ! Mais quelle bonne surprise !

Quelque chose n'allait pas, je l'ai bien vu lorsque ses yeux d'aigle se sont brutalement assombris. Je n'avais qu'une envie : fuir à toutes jambes. Je pense que si nous n'avions pas été en public, le Chinois m'aurait littéralement dévorée. Son ami est apparu à côté de lui :

- Jin ? a-t-il répété d'un air circonspect.

Là, j'ai réalisé que j'avais dû faire une gaffe, parce que Jin a refermé la main sur mon bras, enfonçant ses doigts dans ma peau comme des serres. L'autre type fronçait les sourcils. Il s'est mis à parler en Chinois, hésitant et nerveux. Jin ne répondait que par monosyllabes, sans me lâcher, me foudroyant du regard. L'autre a fini par me demander :

- Comment vous l'a appelé ?

Les deux hommes me fixaient si intensément que mon cerveau a gelé. J'ai bredouillé :

- Ben... euh... mais... Hem...

Je me suis dégagée de la poigne d'acier de Jin, resserrant mon sac en bandoulière contre moi. J'aurais voulu que quelqu'un intervienne, même s'il n'y avait aucune raison pour que quiconque intervienne, à bien y réfléchir. Et là, accrochez-vous, j'ai sorti la phrase la plus raciste de mon existence :

- Je... hem... je me suis trompée... Avouez que vous vous ressemblez tous, aussi, hein ?

Alors que Jin écarquillait dangereusement les paupières, que son camarade fronçait les sourcils d'un air plus que suspicieux et que je choisissais mentalement la musique que je voulais qu'on passe à mon enterrement(1), P¤¤¤¤¤¤ est apparue à mes côtés :

- Hééééé ! J'ai trouvé les spartiates ! Bonjour ! a-t-elle lancé aux deux hommes. Ça va ? Je vous la pique, on doit aller vider le compte de ses parents chez Sephora.

Elle m'a tirée par la manche. J'ai lancé un regard suppliant à Jin, qui a aussitôt été pris à partie par son compagnon - qui à la réflexion semblait très fâché. Ma meilleure amie a gloussé en se félicitant de m'avoir tiré d'un mauvais pas. Elle était loin d'imaginer à quel point elle avait raison...

*

(1) Non, je ne regrette rien, d'Edith Piaf, Note du Narrateur.

*

Hello ! Je vous avais manqué ?

Bon, j'avoue que ces derniers temps je regrette d'avoir juré ne pas penser à une suite de Guess avant dix ans. Si vous avez compris cette phrase, vous êtes forts...

Ce soir, je publie la connexion 7, très courtes. Sonnez-moi si j'oublie !

Et merci pour les reviews et tout le toutim :-D

Sea

L'EscorteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant