Connexion #37

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Coucou ! On est samedi, là... ? Oui. J'ai encore un peu la tête dans les choux après ce qu'il s'est produit hier. Pour tout vous avouer, j'ai eu une peur bleue. C'est dommage, parce que la journée avait plutôt bien commencé : c'est Jo qui m'a emmenée au lycée. Je m'étais levée en retard et il était dans les parages – mes parents se lèvent souvent avant moi. Il m'a raconté des choses amusantes sur son enfance. Il avait un grand-père plutôt marrant ; ce dernier s'amusait en effet à lui mettre des grenouilles sur le ventre, qui coassaient en guise de réveil-matin. Apparemment une partie de la famille de Jonah vivait à la Jamaïque, une autre à Haïti et une autre – là où était son grand-père – sur la côte ouest africaine.

« Mais tu vas nous dire ce qu'il s'est passé, à la fin ?! »

J'attendais que vous posiez la question. Pour vous donner une petite idée du déroulé des événements, en plein cours de physique – je m'ennuyais à mourir, et j'essayais d'imaginer Jo petit, avec son grand-père qui lui met une grenouille sur le ventre – j'ai perdu la vision périphérique, j'ai senti mon bras gauche s'engourdir, des fourmillements dans la paume et dans la partie gauche de la mâchoire, une envie de vomir terrible et un mal de tête qui ne faisait que commencer. J'ignorais totalement de quoi il pouvait bien s'agir. L'infirmière n'était pas là. Aucun moyen de joindre Nuka. Crise de panique totale. Heureusement qu'il y avait des gens dans la classe sur lesquels je pouvais compter.

Bref : j'ai tenté de contacter mes parents par trente-six mille moyens possibles et imaginables, sans y parvenir. Finalement, c'est ma grand-mère qui a réussi à les avertir. Ma Mom est venue au lycée pour m'emmener aux urgences. J'avais une migraine carabinée, je dégustais. L'infirmière m'a installée sur un lit, m'a fait des examens à n'en plus finir – de la prise de température à la prise de sang en passant par l'électrocardiogramme. J'ai fini par passer une IRM du cerveau. Je ne sais pas combien de temps s'est écoulé depuis mon entrée aux urgences jusqu'à mon hospitalisation en chambre, j'étais vraiment dans le pâté.

Au final, le spécialiste est venu. On a discuté et il s'est avéré que j'avais fait une migraine ophtalmique brachiale carabinée. Un truc tout con. Et que ''l'aura'' avait duré un peu trop longtemps.

— Mais je serais rentrée chez moi ce soir, non ?

— Ah, là, sûrement pas. Vous allez rester en observation.

« Rester en observation », dans les films, les BD, les romans, tout ce que vous voulez, c'est classe. Ça le fait grave. Genre le héros qui a fini de se battre contre les méchants et qui va passer la soirée « en observation » dans un hôpital avec jacuzzi, entouré de ses potes et d'infirmières super sexy. Détrompez-vous, ce n'est pas du tout ça. Les infirmiers sont adorables, ça, d'accord, mais on se fait pire que chier. Il y a du bruit pendant toute la nuit, la nourriture est passable et ma pauvre voisine me faisait culpabiliser : elle avait eu un AVC. En plus, je suis sûre que je n'avais pas vraiment besoin d'y séjourner, mais quand j'ai tenté de parlementer, le spécialiste n'a rien voulu entendre.

Au moment où je me suis résignée à mon sort, j'ai eu une grosse montée de stress : j'avais accepté de faire du baby-sitting le soir même, chez les M¤¤¤¤¤¤ et je n'étais pas douée d'ubiquité. Dans la panique, personne ne les avait prévenus ! Je ne sais pas si vous avez fait du baby-sitting, mais une baby-sitter en semaine, pour des parents avec six enfants, c'est de l'or en barre.

— Maman ! Il faut vite prévenir les M¤¤¤¤¤¤ ! Et P¤¤¤¤¤¤ ! Il faut demander à P¤¤¤¤¤¤ de me remplacer ! Comment ça, pas le numéro ?! Mais dans le répertoire de mon téléphone !

— Raaahaaa ! Mais j'en ai marre de ces touches tactiles !

Ma mère et le tactile, c'est toujours hilarant. J'ai failli arracher ma perfusion en lui prenant le mobile des mains. Je ne sais pas comment il est possible que les parents puissent à ce point galérer avec les écrans tactiles... ils les ont connus en même temps que nous, non ?! Après de nombreuses péripéties, nous avons réussi à contacter ma meilleure amie, qui a eu la gentillesse de bien vouloir laisser de côté son occupation du vendredi soir de côté pour me suppléer.

L'EscorteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant