Interlogue : Le choix

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Raven nerveusement, travaillait pour la troisième fois de la journée cette entêtante nocturne de Chopin. Ses yeux fatigués déchiffraient à peine les notes – le jeune mélomane jouait à l'oreille.

Un soupir, dans son dos, le fit se tendre. Un la bémol resta en suspens dans les airs et le Russe ferma les paupières. Il avait de plus en plus mal et sa vision se faisait de plus en plus trouble.

— Clancy ?

Encore elle. Encore cette voix mélodieuse, ce murmure caressant qui vous enveloppait comme les bras d'une mère. Il ne résisterait pas longtemps, il le savait. Elle le voulait. Dans sa collection effroyable. Elle avait déjà eu Lucius.

Elle allait arriver à ses fins.

Elle allait s'emparer de lui.

— Eva, fit Raven en serrant violemment les dents et en tentant de garder un ton égal. Eva, je souhaite que tu partes.

— Oh, je t'en prie. Regarde-moi.

Le jeune brun obéit. Il se leva et fit face. Eva, cette grande femme aux traits d'orientale, aux yeux d'un noir sublime et aux cheveux de princesse des Mille et Une Nuits, souriait avec bonté. Vêtue d'une robe blanche qui évoquait la pureté et la spiritualité des vestales, la femme qui poursuivait Raven de ses étranges assiduités cligna de l'œil.

— Clancy, tu sais que j'ai raison.

— Je crois... je crois que je ne peux pas, bredouilla le jeune homme, pourtant si assuré, d'habitude.

— Ton propre frère, Clancy Orlov. Ton propre frère t'a renié.

— Peut-être ne savait-il pas réellement qui j'étais ? rétorqua le malvoyant dont le ton trahit l'espoir fou qui le faisait encore vibrer.

Des larmes se coincèrent dans sa gorge.

— Et si Dimitri avait cru à une affreuse farce ? Eva, laisse-moi le rencontrer. Si... si je le rencontre et qu'il décide de m'ignorer encore,alors...

— Voyons, Clancy ! le coupa l'étrange femme en haussant les épaules. Tu as tué vos parents, vos oncles, vos tantes et vos jeunes cousins. Tu as tué vos grands-parents !

Elle n'avait jamais encore tenté de jouer sur cette corde-là. L'attaque était frontale. Dure.

Insupportable.

Raven lutta vaillamment contre les larmes. Les poings serrés, il insista :

— Je crois que je vaux encore quelque chose.

— Je ne le crois pas. Pas sans me servir. Pas sans rejoindre mes rangs.

— L'Escortée. Elle... nous avons pu parler, elle sait que j'ai tué ma famille. Elle ne m'a pas rejeté ! s'exclama Raven d'une voix plus forte.

Eva écarquilla les yeux, comme sous l'effet d'une gifle.

— Tu le lui as dit ? articula-t-elle lentement, sifflant presque chaque mot.

— Elle l'a découvert. Elle a compris. Elle n'est pas aussi stupide que tu crois, tu sais ! Elle est gentille, elle ne juge pas... asséna le Russe. Elle... elle croit en moi, ajouta-t-il sur un ton plus hésitant.

Eva éclata d'un rire cristallin. En secouant plusieurs fois la tête, elle eut de la peine à cesser de rire. Raven sentait le sang affluer à ses tempes et à ses joues. S'il ne se connaissait pas si bien, il pouvait penser que son visage était devenu écarlate.

— Oh... Clancy... rit-elle encore en croisant les bras. Elle est seulement incapable de te dire ce qu'elle pense réellement, par peur de te blesser.

Eva tourna les talons et, avant de quitter l'immense appartement de Raven, lança un venimeux :

Personne ne croit en toi.

*

La morgue feinte du jeune homme ne lui permit pas, une fois seul, de faire face au tsunami dévastateur qui suivit l'altercation avec Eva. Ça n'était pas la première fois qu'elle s'attaquait ainsi à lui. Elle voulait qu'il la suive. Pourquoi, il ne le savait pas. Il le devinait seulement. Eva ne vivait que dans la vengeance et par la vengeance. Elle voulait utiliser Raven, d'une façon ou d'une autre. Et la résistance de sa proie la stimulait au lieu de la rebuter.

Le souffle court, l'esprit en proie à la plus noire des angoisses, le jeune homme saisit un téléphone et siffla deux notes. Le smartphone lança aussitôt un appel.

— Raven ? fit rapidement la voix chaude et rassurant de Jonah.

Mais le Russe haletait, terrifié. Il peinait à reprendre sa respiration, à présent, le visage baigné de larmes. Jonah, foncièrement inquiet, dut prendre tout son temps pour l'apaiser, le rassurer, et l'aider à s'exprimer.

— Qu'est-ce que je dois faire, Jonah ? gémit le brun en serrant les doigts autour du combiné. Je ne... elle a raison... je n'ai pas... je suis... Mon frère...

— Raven, l'interrompit le géant de sa voix de basse. Arrête tout de suite. Tu es en train de perdre pied. Lâche tout et va rejoindre la petite. Va la voir. Passe du temps avec elle. Elle t'aime plus que ce qu'elle montre, tu es de sa famille.

— Mais tu ne comprends pas ! Tu ne comprends rien ! Eva... elle a dit que... Jonah, je suis quelqu'un de mauvais !

Il y eut un long silence. Le géant poussa finalement un soupir sec, où on pouvait percevoir un fond de fureur.

— Raven, reprit-il avec plus de calme qu'il n'en ressentait réellement. Soit tu vas voir la puce aujourd'hui, là où elle est partie passer quelques jours, soit tu retrouves Eva et tu la rejoins. Tu es libre. Mais aujourd'hui, tu dois faire un choix.

Et il raccrocha...

*

Alors là... si vous ne me bombardez pas de remarques, de commentaires, de reviews, de mots d'amour, de déclarations poétiques et lyriques d'adoration, de messages de menaces ou d'un simple "Hmm. J'aime bien ce chapitre, Sea". (ou "J'aime pas, ça pue des pieds")...

... EH BEN JE BOUDE !

^^

Il est présentement une heure du mat, j'ai commencé à 8h et je suis sortie à 21h30 du boulot (je ne vous raconte pas dans quel état) et je vous ai pondu ce superbe petit chapitre inédit.

Alors embrassez-moi les pieds.

(Et avant que Caillou ne vienne faire une remarque méchante : c'est une blague ! Enfin, pour votre adoration en ma personne, pas pour le fait que vous devez laisser des coms. Vous n'en laissez pas assez. Je suis triste, je déprime. Et si je déprime, j'ai pas envie d'écrire).

Assez de délires.

Plein de bisous !

Sea

L'EscorteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant