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Quelques mois plus tard


Solal avait réfléchi. Cela avait été long et douloureux. Mais cela valait la peine. Et, au final, quand il en parla enfin aux producteurs, il se surprit à sourire. Il se sentait en paix. En paix avec lui-même, en tout cas ; le monde attendrait.

Ils étaient las, les autres. Louis les avait déjà laissé tomber. Ils voulaient retenir Solal, trouver les bonnes justifications, les bonnes raisons, les bons mots. Ils dirent tout ce qu'ils avaient sur le cœur, tout ce qu'ils avaient en eux. Ils lui dirent même les pires mensonges, les choses les plus inattendues et inespérées. Mais Solal restait tranquille. Rien ne pouvait le faire céder. Même si on l'avait entouré d'armes pointées droit sur lui.


Il alla voir Camille un ou deux jours plus tard.

Je m'en vais, Camille, lui dit-il simplement, avec un demi-sourire.

Tu t'en vas ? Où ?

Je vais là où je dois être. Je pars en guerre.

Cela n'est pas important. Je te tiens juste au courant. Je pars dans deux semaines, à la fin de la saison.

Camille s'était redressé. Son visage se décomposait devant ses yeux. Des larmes commençaient à le ravager.

Louis est parti, siffla-t-il entre ses dents. Louis m'a laissé. Louis me manque plus que tout au monde. Tu ne peux pas partir toi aussi. Tu ne peux pas partir à ton tour.

Je suis désolé, Cam

Il empoigna les papiers qui traînaient sur son bureau, les serra entre ses doigts, les jeta par terre ; mais pour extérioriser toute cette peine, toute cette soudaine colère, cette entière douleur, il lui fallait quelque chose de plus lourd, de plus compact que de simples feuilles de papier. Il me faudrait la terre entière entre mes paumes. Il était persuadé qu'à cet instant il pouvait la faire saigner juste en la serrant entre ses phalanges.

Qu'est ce que vous avez tous à partir ? Pourquoi vous m'abandonnez tous ?

Je serai toujours là pour toi, Camille. Et Louis aussi. Je te le promets.

Camille se tourna vers lui-même. Le désespoir tirait ses traits, ressortait ses veines, aiguisait ses dents.

Il est où ? Il est où ? Je ne le vois pas !

Camille...

Solal avait toute la souffrance du monde sur les épaules. Il ne pouvait pas se charger de celle de Camille en plus. Pourtant, cette phrase avait éclaté en lui, si amère, si triste, tellement triste. Et il savait que n'importe où où il irait, il entendrait encore cette phrase. Partout où il irait, il emmènerait avec lui la dernière rage et le dernier chagrin de Camille.

Alors je pars aussi, reprit Camille, la voix cassée, les larmes au bord de ses yeux de jeunesse désemparée, livrée à elle-même. Je n'ai plus rien à faire ici. L'émission est morte, sans toi, de toute manière. Ce n'est pas pour moi que le public la regarde. Peut-être un peu pour Louis et Anil. Mais c'est surtout pour toi. Si tu pars, qui te remplacera ?

Toi.

Camille se figea. Même les larmes s'immobilisèrent au bord de ses paupières. Elles vacillaient. Il aurait suffi d'un coup de vent pour qu'elles ruissellent.

C'est toi qui tiendra les rênes de l'émission dès septembre, Camille, continua Solal. J'ai déjà vu cela avec les producteurs. Ils sont d'accord — enjoués, même.

sa chute l'illumineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant