Chapitre 2

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Une meilleure amie, c'est quelqu'un qui sait vous soutenir. Une meilleure amie, c'est une personne avec laquelle vous ne partagez pas forcément les mêmes centres d'intérêt, mais surtout, une meilleure amie, c'est la seule au monde à pouvoir t'énumérer tes défauts comme tes qualités en te souriant au visage d'un air jovial.

-Hope, tu es une vraie catastrophe ambulante. Quand est-ce que tu vas te comporter comme une fille digne de ce nom? Depuis le jour où je t'ai connue, je ne t'ai jamais vue tomber amoureuse ne soit ce qu'une seule fois! Franchement, il est temps que tu te remues un peu ma vieille!

Pour toute réponse, je soupirai d'un air entendu.
Je ne suis pas faite pour l'amour, et c'est prouvé au nom du ciel! Donc, quand est-ce que cette guimauve d'Athéna  va se l'encrer dans le cerveau?

Apparemment jamais.

-Écoute, j'ai déjà à faire comme ça et je n'ai pas de temps à perdre dans de futiles problèmes d'amour à l'eau de rose.
-Et qui te dit que l'amour ne finit que par des problèmes?

Je la regardai d'un air entendu:

-J'en connais une qui ne m'en dira pas le contraire.

Elle se contenta de soupirer à nouveau.

Le vacarme habituel de la salle de classe me remplit généreusement les oreilles, tandis que Athéna et moi nous nous séparions sur le pas de la porte.

C'était parti pour une très longue journée de cours, sans Athéna.

Mes yeux se promenaient furtivement dans la classe, vacillant entre les différents élèves et les places libres. L'une m'interpella du fond de la classe, criant mon nom d'une voix mielleuse. Ma place.

Depuis que je m'en rappelle, je me suis toujours assise à cet endroit, tout au fond, pour pouvoir sommeiller par instants, surtout quand les cours étaient aussi insignifiants que celui de l'histoire. Pour une future designer comme moi, l'histoire n'a aucun intérêt.

En réalité, c'était surtout pour que personne ne vienne s'asseoir à mes côtés.
Je suis dotée d'un don exceptionnel pour me mettre dans des situations génantes.

Ma timidité ne me facilite pas le travail, donc je préfère mille fois rester en retrait que devoir engager une conversation avec un inconnu.

C'est pas la faute de plusieurs garçons d'avoir essayé.
Il fallait qu'ils se fassent une raison, personne n'arrive jamais à me soutirer les paroles que nécessite une conversation digne de ce nom.

Je ne suis capable que de hocher automatiquement la tête, dans le meilleur des cas, si je ne reste pas tétanisée par le trac.

Athéna a raison; je suis un cas désespéré:
Il a été une époque où ma mère m'avait inscrite dans un centre pour prendre des cours de théâtre. J'ai arrêté au bout de la troisième séance. Ce n'était pas de ma faute, la prof était trop entreprenante, et elle était persuadée qu'un jour je serai:

"-Une magnifique diva reconnue de tous! Ma chérie, tu deviendra celle qui révolutionnera l'art du théatre! Une telle innocence émane de toi, ma chérie! Crois-moi, tu as un avenir dans cette carrière! Foi de Clara! "

Tout ça avec un faux accent hollywoodien horrible.
J'en ai fait des cauchemars.

Suite aux ambitions énormissimes de ma professeur, j'ai arrêté.
Puis vint le tour des cours de piano, de ceux de danse classique, ceux de natation, de dessin, de flamenco, et enfin, la danse acrobatique.

C'est la seule activité que je n'ai pas arrêté après une courte durée. Pour cause, j'en fais toujours.
Et mes moments de pur bonheur sont ceux où j'ai la salle d'entraînement pour moi toute seule. Chaque vendredi après-midi et samedi matin.

Pendant ces moments là, je me laisse couler au rythme de la musique, telle l'eau d'un ruisseau au rythme du vent.
Je ne me soucie plus de ce qui m'entoure, j'en viens même à voyager d'un monde à un autre en l'espace de quelques minutes.

M. Randolph pénétra la salle de classe en pènant à refermer la porte, à cause de son nouveau bras cassé. Ce professeur est connu pour sa maladresse légendaire.
Le mois dernier, il s'est fait combriolé. Il y a deux semaines, il a cassé son nouveau téléphone qui lui a coûté les yeux de la tête, et maintenant il se ramène avec un bras cassé...

La salle de classe se remplit peu à peu d'élèves intéressés, et d'autres moins.
Tandis que le vacarme demeurait indomptable, je pensais à mon programme de l'après-midi.

Mes parents travaillaient tous les deux, et j'avais un cours de danse à dix-sept heures. Conclusion: j'allais devoir prendre le bus.

Le problème, c'est que le chauffeur du bus ne me supporte pas.

Je vous explique; la semaine dernière, alors que je revenais à la maison en bus, un passager qui avait un peu trop bu s'appuya sur moi. Je l'avais gentiment poussé, mais ce dernier l'avait mal pris.

Il s'est alors énervé, et a commencé à crier tout seul. Les passagers se sont effrayés, alors le chauffeur a essayé de calmer la situation, résultat: il s'est pris une barre de fer en pleine tête.
Et bien sur, toute la faute a été rejetée sur moi.
Pourquoi l'avoir poussé?

C'est pourquoi à chaque fois que je prends le bus, j'ai le droit à un traitement de faveur de la part du chauffeur!

L'aiguille de l'horloge bougeait dans un rythme régulier, tandis que je tapotais le bureau devant moi en attendant que le doux chant de la cloche vienne annoncer le début de ma scéance de sieste.

Les places s'étaient vites remplies, et à mon habitude, je me retrouvai seule, et à coté de moi la seule place libre. Ce qui était, selon moi, un privilège dont j'ai profité tout le début de l'année. Le privilège d'être libre de pouvoir sommeiller tranquillement sans avoir à écouter les aventures ô combien intéressantes des autres élèves.

La porte s'ouvrit une énième fois, pour cette fois laisser apparaître une tête que je voyais pour la première fois dans cette cette journée.
Le nouveau.

Je ne connaissais pas encore son nom, ni son nom de famille, ni d'où il vient, mais je ne vais pas tarder à le savoir, par le biais des piplettes qui propagent les nouvelles comme de la poudre de perlimpinpin.

Cependant, je l'avoue, il dégage un charme hors du commun.
De ma vie, c'était la première fois que je voyais une telle perfection émaner d'un seul et même être.

Dans cette classe, nombreux sont les tombeurs qui se croient le centre du monde et s'obstinent à croire aussi bien que s'ils font les durs -ou comme je préfère les qualifier :connards- ils vont gagner de l'estime et une cour de filles à leurs pieds.

Malheureusement, ça marche.

Contrairement à cette majorité, ce dernier donnait l'impression d'être un être de lumière, sans éxagérer. Aucune trace d'hautaniété dans son regard, une telle bonté émanait de lui, qu'il devenait évident que tu te surprennes à désirer sa compagnie.

C'était impossible qu'une telle perfection ait le droit d'exister.

C'est à ce moment là que je compris en retard, comme j'en avais l'habitude, ce qui mettait toutes les filles dans un tel état.

Je devais faire preuve d'un self-contrôl énorme pour me calmer.
Heureusement, ça a marché.
Ça marche toujours.
Je réussi toujours à garder mon calme, accompagné d'un visage à l'expression impassible, alors qu'à l'intérieur de moi bouillonait un mélange de sentiments difficiles à contrôler.

Je ne comprenais pas ma réaction. D'habitude, je fais preuve d'une indifférence digne d'y consacrer un talk show entier, mais cette fois-ci, c'était différent.

Car il était différent.

SHYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant