Chapitre 15

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Je me demande à ce jour ce qui m'avait prise pour que j'accepte de suivre Nathanaël dans son plan farfelu.
Après notre échange, nous avions attendu que Maria s'éclipse dans un bureau quelconque pour prendre son appel, afin de quitter discrètement l'immeuble où se situait la salle d'entraînement.

J'avais alors suivi Nathanaël parmi les rues, profitant de ce sentiment de liberté que me procurait le fait de me promener seule, ayant l'habitude d'être surveillée et suivie partout où j'allais.
Là, il n'y avait pas de garde par dessus mes épaules, pas de voiture qui m'attendait au coin de la rue, personne pour émettre des commentaires vicieux sur mon comportement. Bref, je n'éprouvais pas le besoin de calculer mes moindres faits et gestes.

Il me conduisit à une vaste place située quelques mètres loins du parc. Il y avait plein de gens qui essayaient de profiter du beau temps avant que celui-ci ne s'évapore brutalement.

-Bien, dit Nathanaël en s'arrêtant brusquement, promet-moi que tu ne vas pas t'enfuir.
-Pourquoi aurais-je l'idée de m'efuir?
-Parce qu'on va danser, répondit-il.

Je ne saisis pas immédiatement le sens de ses mots. Mais quand l'information atteignit enfin les rouages de mon cerveau, je me figeai.

-On va danser...ici? Maintenant? Balbutiai-je.
-Oui, affirma-t-il en souriant.
-Devant tout le monde?!

Je crois bien avoir crié, sur le coup.
-Absolument.

Je le regardai, pétrifiée d'horreur, se débarrasser de sa veste de jogging avant de se saisir de son téléphone pour y bidouiller quelque chose.
Ah oui, la musique.
Mais quelle perspicacité!
Ne me juge pas, Conscience, mon cerveau est anesthésié par le trac!

Nathanaël s'approcha de moi et se saisit de ma main. Au lieu de le suivre, je l'attirai à moi.

-Je vais me ridiculiser, fis-je à mi-voix.

-Mais non. Tu es une super danseuse, tu n'as rien à craindre.

-Mais tous ces gens là, ils vont nous regarder!

-Justement, c'est le but.

Une bourrasque de vent froid vint nous fouetter en plein visage. Évidemment, la stupide que je suis avait quitté la chaleur ouatée de la salle de danse en short.

Je devais regarder Nathanaël avec une expression plus que terrorisée, car dès que cette pensée m'eut traversé l'esprit, il se saisit de mes mains, et murmura:

-Écoute, je sais de quoi tu es capable. Je suis sûre que tu vas très bien t'en sortir.

Il marqua une pause, puis me sourit franchement:

-Et puis, si jamais ça tournait mal, on serait deux à être plongés dans le ridicule jusqu'au cou!

Ce fut à mon tour de sourire:

-Tu m'excuseras si je ruine ta carrière de futur danseur?

-Pourquoi? Je ne compte pas en faire un métier en bonne et due forme.

-On ne sait jamais...

-De toutes façons, je ne t'en voudrai pas.

Il me rendit mon sourire, et je me sentis rougir. Cette fois-ci, bien que ce ne soit très difficile pour moi de l'addmettre, je savais que la timidité n'avait rien à voir avec ma réaction.
Merde!

J'écartai cette réflexion d'un geste de la main. La musique s'éleva. Nous commençâmes à danser. Au début, mon coeur cognait brutalement contre ma pauvre cage thoracique, et je bougeais aussi gracieusement qu'une figurine de bois désarticulée.
Mais dès que les premières minutes furent passées, je réussis progressivement à me concentrer essentiellement sur la musique.

Les gens, les bâtiments, les lieux, tous disparurent dans un tourbillon de couleurs. Ne restaient plus que lui, et moi. Deux âmes solitaires, blessées par de funestes secrets, dansant sur un rythme connu d'elles seules. Ce fut la première fois que j'executai la chorégraphie avec une facilité déconcertante. La première fois que le fait de devoir "voler" ne m'effrayait plus autant.

C'était grisant. La première fois que mon corps et mon âme dansaient à l'unisson. Je ne saurais exprimer, avec tout le vocabulaire que je possède, la légèreté du bonheur qui naquit en moi pendant les minutes, qui me parurent bien brèves, que dura notre représentation.

Quand la dernière note de musique s'éteignit dans l'atmosphère électrique qui nous unissait, un tonnerre d'applaudissements se fit entendre. Je remarquai alors pour la première fois le public immense qui s'était aggloméré devant nous. Aussi miraculeux que cela puisse paraitre, je n'avais pas peur. Je n'avais plus peur. Grâce à lui.

Prise d'un soudain élan étrange de sentiments envers Nathanaël, mêlant affection, et autre chose à laquelle je refusais de penser, je me jetai à son cou et l'embrassai sur la joue. Ce fut un mouvement impulsif, incontrôlable et étrangement naturel, qui fit chanceler le garçon, et donna le feu vert aux sifflements du public.

Il me serra contre lui, un sourire jusqu'aux oreilles.

Mon coeur battait, battait, battait...
Le sien aussi.

-Merci, murmurai-je en me détachant de lui.

Il avait des étoiles plein les yeux.
Moi aussi.

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