Chapitre 14

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Comme à l'accoutumée, une fois les cours terminés, je fus reconduite chez moi par le chauffeur. Ce dernier, malgré la disparition de mes parents, honorait toujours les ordres de mon géniteur, comme s'il était encore présent, ce qui confirmait mes soupçons.
Il s'obstinait à venir me chercher dans l'une des plus belles voitures de mon père. Autrement dit, le genre de voitures noires pimpantes et brillantes, avec les vitres fumées et tout le tralala.

J'avouais sans rechigner le fait que mon père fasse partie de ce genre de personnes extrêmement matérialistes. Il adorait les grandes marques, et appréciait tout autant le fait de s'en vanter avec subtilité devant ses chers faux amis qui baignaient dans la richesse, faisant aussi dans la fraude fiscale et autres infractions qui leur rapportaient des montagnes d'argent sale.
Mon père pouvait avoir le respect de tous ses employés, de tous ses soi-disant amis, de toutes se connaissances, mais il n'obtiendrait jamais le mien.

Même si ça me tuait de l'avouer, je n'étais pas fière de mon père. Parce qu'il était une mauvaise personne.
Une fois arrivée chez moi, je me dépêchai de préparer mes affaires de danse tout en mangeant un sandwich à la va-vite. La sirculation n'ayant pas joué en ma faveur, j'avais perdu près de 45 minites dans les embouteillages, ce qui me laissait moins de 15 minutes pour déjeuner, me préparer, et arriver à l'heure au studio.

Je sortis de chez moi dix minutes plus tard en courant, et sautai dans la voiture.
-Dépêchez-vous, s'il vous plaît, je vais finir par arriver en retard.
Je redoutais la colère de Maria Parker autant que celle d'Athéna.

Je fus sur place avec cinq minutes de retard. Je me changeai en vitesse et rassemblai mes cheveux en un semblant de chignon. La forme de ce dernier tenait plus de celle d'un champignon difforme qu'autre chose, mais sincèrement, je m'en fichais. Il m'était mathématiquement impossible d'en faire quelque chose de plus structuré dans un délai de 2 minutes, tenant compte de leur longueur. Seules celles qui avaient le même problème comprendraient la difficulté de s'occuper de ses propres cheveux lorsqu'ils atteingnaient les hanches.

-Vous êtes en retard! Aboya Mlle. Parker dès que j'eus mis un pied dans la salle.

Je marmonnai un "désolé" étouffé et entièrement hypocrite. Mes essais de faire paraitre un minimum de repentir sur mon visage étaient vains, car non seulement je n'en pensais pas un traitre mot, mais je pouvais aussi compter sur Nathanaël pour s'amuser à faire le pitre à l'autre bout de la salle, juste pour le plaisir de m'enfoncer encore plus.
Je ne niais cependant pas que le fait de voir que tout était redevenu naturel entre nous m'était inexplicablement jouissif.

-Je ne veux plus que cela se reproduise, allez, ouste!
-Oui mademoiselle, murmurai-je.

Je courus prendre place à côté de mon partenaire, qui pouffait de rire.

-Espèce de traitre, lui glissai-je.

Mon insulte n'eut d'effet que de le faire rire aux larmes. Je ne tardai pas à rejoindre son délire. Se calmer s'avérait être relativement difficile vu la situation.

Maria frappa bruyamment des mains et vociféra:
-Au boulot vous deux! Ou préfèrerais-tu te casser la gueule devant tout le monde, Hope?

Le vocabulaire qu'utilisait ma coach n'était pas toujours approprié, cependant, sa remarque était suffisante pour me mettre la pression et détourner mon attention des termes dont elle faisait usage.

Le début de la répétition se passa sans encombre. Le fait qu'on ait à faire deux solo l'un après l'autre m'évitait de penser à la suite de la chorégraphie. Car vers la fin des cinq premières minutes, cela commençait à devenir difficile, pour moi en tout cas. En théorie, les mains de mon partenaire devaient venir se poser sur ma taille, et de là devait commencer la partie de la chorégraphie à l'aspect autant émotionnel que technique. Enfin, surtout technique, tenant compte du nombre de figures d'équilibriste que je devais exécuter, et du fait que j'étais censée voler dans les airs à plusieurs reprises, en assurant un atérissage gracieux dans les bras de mon partenaire.

C'était presque impossible. Mais ce terme ne figurait nullement parmi ceux du vocabulaire de mon entraineuse, et encore moins parmi celui de mon partenaire. J'étais dans de beaux draps, comme on dit.

Mlle. Paker mit la musique en marche avant d'aller se planter comme un piquet dans l'un des coins de la pièce. Quant à nous, nous commençâmes la chorégraphie, en harmonie, jusqu'à ce que l'image d'un public interminable vienne s'imposer dans mon esprit au beau milieu d'une pirouette. Je paniquai. Le vertige me prit et me fit perdre mon équilibre. En quelques secondes à peine, je me retrouvai à terre.

Certes, ce n'était pas ma première représentation publique, mais c'était bel et bien la première fois que je me retrouvais en prise à un tel degré de panique.

-Recommencez! Ordonna l'entraineuse.

On recommença, et je refis une chute. Pile à ce moment-la, Maria reçut un coup de téléphone.
Ma coach était aussi connue que prisée dans son milieu, mais malheureusement pour moi, cela ne faisait que retarder le moment des représailles.
Quant à Nathanaël, il n'avait nullement besoin de me poser la question pour savoir ce qui m'arrivait. Il le savait. Aussi bonnement que le fait qu'il sache toujours tant d'autres choses sur moi.

-Écoute, je sais que tu connais parfaitement la chorégraphie, je t'ai vue t'entrainer.

J'eus un "oh" de suprise, suivi immédiatement d'un sourire de circonstances en me redressant.

-Il faut juste que tu te débarrasses de ta peur irrationnelle du public. Ou des gens que tu ne connais pas en général.

Au mot "public", je frissonnai.

-J'ai une idée, déclara soudain Nathanaël.
-Une... idée? Fis-je, incertaine.
-Oui. Et tu es obligée de coopérer. Il n'y a pas à discuter.

Je crains le pire...

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