17. Capital Pride

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De ma chambre de notre sublime suite, au loin, Ed Sheeran me chatouillait les oreilles. Je peinais à ouvrir les yeux, fatiguée. La pièce était inondée de soleil, des particules de poussières dansaient dans les rayons de la lumière. La brume matinale avait rendu l'air frais. La fenêtre ouverte, un léger vent caressait ma peau nue frissonnante. Une de mes jambes s'échappait du drap qui, bien qu'il soit presque entièrement arraché du bas du lit, me recouvrait jusqu'à la base du cou. De là, on apercevait un bout de mon boxer sur ma hanche ainsi qu'une partie de mon bas ventre. Je cru entendre une voix féminine recouvrir celle du chanteur anglais sur une chanson peu connu que j'affectionnais beaucoup. Une mélodie douce, presque envoûtante, fluide et juste sortait de la bouche de la femme dans la pièce d'à côté. Jennifer. Puis plus rien. Juste un fond sonore lointain.

Soudain, dans un geste brusque, la porte de ma chambre s'ouvrit, laissant, sur le pied de guerre, une Jennifer bien réveillée munie d'un calepin ainsi que d'un crayon qu'elle gesticulait dans tous les sens en baratinant le programme de la journée sans relever ses yeux de son agenda.

- Huit heure, rencontre avec la responsable de l'organisation des festivités. Il faudra faire vite, elle a très peu de temps à nous accorder, j'ai eu un mal de chien à obtenir ce rendez-vous. A neuf heure trente, le directeur de la sécurité du défilé de cette après-midi veut qu'on le rejoigne à l'autre bout de la ville. Je n'ai pas réussi à faire autrement. C'était soit ça, soit il nous passait sous le nez. Onze heure, interview des participants au National Mall. La marche commence à partir de quatorze heure, le départ se situe à...

Jennifer leva le nez de ses feuilles et son regard stupéfait plongea dans le mien. Ses lèvres entrouvertes formait un O de surprise.
Plantée sur le pas de la porte, elle ouvrit la bouche comme pour poursuivre puis se ravisa avant de caler derrière son oreille une mèche folle qui s'échappait de son chignon. Elle semblait gênée. Surement pensait-elle que j'étais prête et non nue encore à moitié endormie, les cheveux en bataille. Elle portait un jean dessinant parfaitement ses formes et un chemisier blanc dont l'un des boutons sur sa poitrine était ouvert, probablement par mégarde.

- Intéressant, finit-elle par lâcher, ses yeux parcourant mon corps d'une lueur indéfinissable.

Un sourire contagieux se dessina sur son visage et se miroitait sur mes lèvres.

- Bonjour, Jennifer.

- Je pensais que tu étais...

- Habillée?

Elle hocha simplement la tête en signe de confirmation.

- Et bien non, je ne suis pas habillée. Mais cela ne semble pas tant te déranger, si? la taquinais-je.

L'assistante semblait de plus en plus mal à l'aise ce qui ne faisait qu'accroître mon amusement. Avant qu'elle puisse répliquer, je sautai du lit, enroulée dans le drap et ajoutais doucement:

- J'en ai pour un petit quart d'heure. Je ne ferais pas attendre madame l'organisatrice de la gay pride de la capitale, ça te va? lui glissais-je en lui refermant le bouton défait de son chemisier.

Ses yeux suivirent lentement le chemin que mes doigts avaient emprunté pour se glisser sur le tissu fin et les fixèrent un court instant.

- Oui, mais ne reste pas plantée la dans cette tenue, s'il te plaît, c'est... distrayant, s'empourpra-t-elle.

                               ~

La Capital Pride sifflait le départ des festivités gays du pays. La Virginie accueillait son événement le plus important. Chaque année, au mois de juin, des milliers d'homosexuels débarquaient dans la capitale des États-Unis pour réclamer des droits égaux dans ce pays où la liberté était prônée. Depuis déjà plus de 40 ans, le nombre de participants avait connu un essor phénoménal grâce aux efforts fournis et aux stratégies prises par One In Ten, le comité de direction. Aujourd'hui, les commanditaires sont nombreux pour donner un souffle important à cet événement qui attire des milliers d'homosexuels.

« Pour le 35e anniversaire de la Gay Pride de Washington en 2010, c'est 100 000 personnes qui ont marché au coeur de la capitale américaine. Aujourd'hui, c'est plus de 250 000 homosexuels et leurs amis gay friendly. Les Américains tiennent beaucoup à cette gay pride. Ils rappellent année après année que la bataille contre l'homophobie n'est pas terminée. Même si les États-Unis ont fait beaucoup de progrès ces dernières années, beaucoup de choses sont encore à faire pour une égalité partout au pays. Le rendez-vous de la Gay Pride de Washington est un bon moment pour passer un message fort » nous avait déclaré la présidente du comité d'organisation.

La matinée était des plus interminables. Toutes les interviews avaient été réalisées en bonne et due forme, cependant le parcours de la ville avait eu un effet immédiat de fatigue sur moi.

Jennifer, elle, semblait toujours aussi en forme. Peut-être était-ce dû à son coup de foudre pour Grace, l'hôtesse de l'air.

-  Bon! Le défilé débute au coin de la 22e Rue et de P Street. La parade prendra fin sur la 14e Rue située au centre-ville. Ochs m'a dit qu'il voulait que tu aies rédigé un article pour ce soir, ça ira?

- J'avais pensé qu'on aurait pu aller boire un verre plutôt mais le grand Arthur Ochs en a décidé autrement...

La ville commençait à grouiller de monde. Des hommes et des femmes de tout âges, criant et chantant dans les rues de la capitale, défendaient avec ferveurs leurs droits. L'ont pouvait voir de nombreuses pancartes dépasser de la foule, qu'affichaient avec fierté les manifestants. Des vagues de drapeau arc-en-ciel flottaient dans les airs, déversant dans le ciel une flamme de bonheur. Des hommes déguisés en femme se mêlaient à la foule parmi les diversités de genre. Le Nationnal Mall, le plus important parc de Washington, ne laissait plus voir un seul centimètres de pelouse tant il y avait de monde. Des individus presque nus gesticulaient entre les gens, faisant beaucoup rire autour d'eux. Deux femmes pouvaient se tenir la main sans se faire dévisager dans la rue. Deux hommes pouvaient s'embrasser. Nous étions libres.

Jennifer et moi, parcourions la ville selon le tracé du défilé, nous entraînant dans un bain de foule ou tout le monde dansait sur des sons rythmés. Mon appareil photo capturait chaque instant magique de cette parade.
Les plus beaux clichés enregistrés, nous pouvions profiter de ce moment et nous amuser à notre tour.

L'assistante s'amusait à séduire plusieurs femmes à la fois, par ci par là, alors que je dansais aux côtés de quelques charmantes demoiselles qui n'avaient aucune gêne à coller leur corps au mien. Il ne faut pas oublier que, partout où je passe, je ne peux m'empêcher de prêter attention à la gente féminine. Et Dieu sait qu'il leur est impossible de résister à mes charmes.

La fin de journée était proche quand nous faisions halte devant la Maison Blanche. Sa façade était éclairée des couleurs de la communauté, et un amas de personnes se tenaient devant, se prenaient en photo s'embrassant devant le monument, ou encore se bousculaient pour être au plus près des grilles qu'avait installé la sécurité. Il régnait dans l'atmosphère, un seul sentiment. Celui de l'amour. Celui de la fierté.

L'émouvante scène qui se déroulait devant nous, empêchait à Jennifer et moi de dire quoi que ce soit. Les gens s'enlaçaient toujours quand je senti la main de mon assistance préférée se glisser dans la mienne ce qui me fit sursauter. Je baissais mon regard vers elle. Elle regardait nos mains.

- On y va? fis-je doucement.

- On y va.

Un rubis au cœur de pierreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant