Bonus * 2 *

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Je triturai ma plaie à l'aide de mes doigts, cherchant à atteindre la balle qui s'était logée là. Ça faisait un mal de chien dès que je bougeai le bras et avec la soirée qui s'annonçait, j'en avais déjà bien assez à devoir ressembler à un pingouin dans un putain de costard.

Je devais trop de trucs aux gens, c'était un fait que certains adoraient me rappeler. Ça m'apprenait à être moi. Je ricanai et bazardai le corps étranger dans le lavabo, y laissant une gerbe de sang sur la surface immaculée.

J'opérai quelques mouvements, non content de retrouver ma souplesse sans aucun pic de douleur. La blessure n'était déjà plus qu'un vague souvenir, avantage d'être bien plus qu'un simple humain. J'entrai dans l'immense cabine de douche et n'y trainai pas plus que ça. Mes mains passèrent sur les cicatrices qui étaient les souvenirs de tout ce qui avait ravagé mon corps.

Être un Chasseur signifiait bien des vérités et on vous inculquait les règles dès que vous étiez en âge de comprendre.

Mon instruction avait commencé plus tôt que pour la plupart des enfants pour une seule et unique raison ; je venais d'une lignée particulière. Trop puissante pour être mise de côté, trop dangereuse pour ne pas être contrôlée.

J'étais fait d'Ombres.

J'enroulai mes hanches dans une serviette et essuyai la buée du miroir pour me décocher un regard qui revêtait peu d'humanité. J'avais la peau tannée par le soleil et par les siècles passés. Le croc à mon oreille attira mon attention, comme à chaque fois que je me tenais face à mon propre reflet.

Le premier loup tué. Cela voulait dire bien des choses. C'était l'essence même d'un Chasseur.

Des rires me parvinrent et lorsque je revins dans le salon, ils étaient tous autour de la table, ayant déjà entamé une énième partie de cartes. Pas de poker ; Gajil se faisait plumer à tous les coups et après, il était d'une humeur de chien. D'ailleurs, en ce moment même, il était en train de grogner, pour changer. La femme à ses côtés éclata d'un rire tonitruant et lui donna un virulent coup de poing dans l'épaule. Elle ne payait pas de mine comme ça, mais elle était plutôt balaise.

— Tu es vraiment susceptible pour un sorcier aussi vieux que les pharaons !

— Heureusement pour moi, j'ai encore une peau magnifique, répliqua-t-il.

Gajil était un vieux bougon qui n'était pas toujours facile à vivre et qui ne faisait rien gratuitement, hormis pour la femme qui se tenait à ses côtés en ce moment même.

C'était un excentrique doublé d'un matérialiste. Ce n'était pas une mauvaise chose, surtout pour lui qui savait à quel point les objets pouvaient avoir une emprise sur les gens. Et recéler une bonne dose de magie. Tout comme moi, il était le genre de personne qu'il valait mieux avoir avec soi. Une évidence.

Indira tourna son visage vers moi. Ses yeux ne glissèrent à aucun moment sur mon corps à moitié nu. Elle, ce qui l'intéressait, c'était des lignes de chiffres et des codes informatiques en tout genre. Dans le jargon des humains, elle était ce qu'on appelait une hackeuse de génie. La meilleure, à mon sens. Elle était capable de trouver n'importe quelle information, n'importe quelle personne, aussi bien cachée fût-elle. Elle grappillait les petites miettes, suivait les pistes les plus minimes et au final, elle réussissait.

Voilà pourquoi elle était indispensable, même pour moi qui n'avais qu'à me fondre dans les ténèbres pour découvrir la vérité. Et tous les secrets.

— Et un service en moins pour toi. Continue comme ça, tu vas y arriver.

Gajil sourit, appuya son coude contre l'accoudoir du fauteuil et laissa reposer sa joue contre la paume de sa main.

DE SANG ET D'ARGENT T1 Never let it disappear [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant