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Il y a 20 ans...

Justin pdv

3 semaines sans B
Désolé de ne pas t'avoir parlé avant Brian, mais depuis que j'ai repris l'école, le rythme a été plutôt intense. J'ai finalement trouvé une camarade de classe avec laquelle je m'entends bien. Elle s'appelle Daphné et elle a été très gentille avec moi. Le premier jour elle m'a donné des conseils sur l'école et sur les 'copains' fréquentables. Elle m'a même prêté ses livres pour que je puisse recopier mes leçons. Elle habite dans le village et par chance, son père travaille dans les champs pour mon oncle. Je pense que je vais la voir souvent. Ma vie ici est très différente de celle que j'avais à Pittsburgh. D'abord je ne suis pas vraiment chez moi. Mon oncle est bizarre, il est toujours devant la télévision et parle seul. Il critique toujours ce qu'il voit. Je me demande pourquoi il continue à la regarder s'il n'aime pas ? Un jour qu'il regardait les actualités locales, j'ai vu des chars défiler avec des couleurs. Les gens semblaient faire la fête et riaient. Il y avait de la musique et là soudain j'ai entendu mon oncle vociférer quelque chose d'horrible. Il a traité ces gens de sales pédérastes et il leur a souhaité la mort. Moi j'étais à la table du salon en train de faire mes devoirs et j'ai eu très peur. Je ne comprends pas pourquoi il est si méchant. Ma mère est arrivée en entendant parler mon oncle et m'a regardé d'une drôle de façon. Elle lui a demandé ce qu'il se passait et il a dit "regarde ces sales PD, de vraies mauviettes ! Je t'en foutrais des coups de pied au cul à la 'marche de la fierté' moi ! ". Puis elle m'a demandé de monter dans ma chambre. Je crois savoir pourquoi elle a agit comme ça. Je crois qu'elle sait pour nous. Elle m'a regardé dès qu'elle a vu les images à la télévision. Je ne sais pas pourquoi mon oncle a été si méchant. J'ai regardé après dans le dictionnaire ce que cela voulait dire 'pédéraste' et ça m'a attristé.
Moi je sais que je t'aime mais je ne crois pas être comme eux. Ils ont plein de couleur et on dirait qu'ils sont déguisés. Dans la rue je n'en croise jamais. J'entends du bruit dans le couloir, il faut que je te laisse. Je t'aime.

Je referme mon journal et je le glisse entre le matelas et le sommier, là où j'ai déjà caché mon carnet à dessins. Je remets en place la couverture et j'entends frapper à la porte.
« Oui ? » la porte s'ouvre et je vois Daphné qui se tient devant moi, un peu intimidée.
« Bonjour Justin » me dit elle. Je suis surpris de la voir ici mais alors je me rappelle que son père travaille pour mon oncle et qu'elle a dû venir avec lui.
« Bonjour Daphné, qu'est ce que tu fais ici ? »
« Heu rien je suis venue avec mon père, et je me suis dit qu'on pourrait jouer ensemble si tu veux bien »,
« Jouer ? »,
« Oui ou faire ce que tu veux, tu me montres ta chambre ? ». Je laisse Daphné s'avancer et toucher à tous mes jouets. Elle me regarde et semble très contente.
« Je n'ai pas de jeux de sociétés. Je n'ai pas de petit frère ou de petite sœur, mais on peut jouer aux voitures si ça te dit, ou alors aux cartes ? »,
« Ok pour les cartes » me dit elle. Nous voilà plongés dans une rude partie de Mistigri où celui qui gagne doit faire des misères sur la main du perdant. Evidemment, je ne suis pas le gagnant du jeu et Daphné se fait un malin plaisir à me pincer et à me taper sur le dos de la main. Je finis par avoir la peau toute rouge. Elle rit très fort devant ses tortures et mon visage plein de grimaces ; Je crois que j'ai passé un bon moment, jusqu'au moment où sans que je m'y attende, elle a porté ma main endolorie sur ses lèvres pour me faire un baiser de réconfort. Sur le moment je crois que j'ai été choqué de cette intimité, plus que du geste et de la symbolique. Je l'ai regardé méchant et j'ai retiré ma main.
« Qu'est ce qui t'arrive », me demande t elle alors.
« Rien » je lui réponds. Daphné ne semble pas satisfaite de ma réponse.
« Pourquoi tu as enlevé ta main ? J'ai fait quelque chose de mal ? »,
« Non ! Je ne crois pas, c'est juste que...je ne m'y attendais pas ». Elle me regarde en souriant et en se dandinant, et moi je me sens rougir et complètement nu devant elle.
« Si tu veux on peux jouer au docteur ? T'as déjà joué au docteur ? »,
« Non jamais » je lui réponds. Je sais que j'ai réagit un peu fort, mais à part Brian, personne ne m'a caressé la main. Ce geste me rappelle à lui et combien je l'aime et combien il me manque. Je réalise aussi que les choses vont devenir compliquées avec mon secret.
« Je ne crois pas que ce soit une bonne idée, là maintenant on peut aller jouer dehors plutôt ? », « D'accord, mais la prochaine fois, je t'apprends à jouer au docteur tu veux bien ? ». Je lui fais signe que je suis d'accord et je me précipite à l'extérieur de la chambre, de peur qu'elle ne change d'avis. On est sorti jouer à se courir après sous l'œil bienveillant de ma mère. Je crois qu'elle est satisfaite que je m'amuse, et que ce soit avec Daphné, une fille. Ma mère ne m'a plus reparlé de l'incident avec mon oncle. Mais je vois bien que les choses sont tendues avec elle depuis notre arrivée. J'essaie de faire comme si tout allait bien, mais je sais aussi qu'elle me connaît par cœur. Je n'arrive pas à m'ôter de la tête qu'elle m'a vue à l'hôpital avec Brian et j'ai peur de ce qu'elle pourrait penser. J'ai peur sans vraiment comprendre et savoir pourquoi. Est-ce qu'elle est fâchée contre moi ? Je ressens un sentiment de culpabilité, comme si j'avais été pris la main dans le pot de confiture. Je ne voudrai pas la décevoir pourtant. Je joue avec Daphné et j'oublie un instant les soucis et mes tracas. Je savoure cette joie immédiate de pouvoir rire et être insouciant sans me préoccuper du passé ou du futur. Pendant un bref instant j'en oublie Brian.

Il y a 20 ans...20 ans aprèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant