22

56 2 0
                                    

        

Il y a 20 ans

Justin pdv

C'est aujourd'hui le grand jour. On a décidé de se marier avant de partir sur NY. Daphné ma demandé de le faire en toute discrétion. Je crois qu'elle a fait son deuil de la cérémonie avec la robe de princesse, la centaine d'invités et tout le tralala des mariages glamour qu'elle peut voir dans les magazines. Non c'est tout autre chose qu'on a décidé. Elle a bien vu à ma tête que je n'étais pas très chaud pour faire quelque chose de grandiose d'une part, et aussi par ce qu'on n'en a pas les moyens. Et puis je dois l'avouer, tout ceci me dégoûte un peu. J'y vais à reculons et je me demande si j'aurai le courage de prononcer le 'oui' fatidique haut et fort tant j'ai la gorge serrée.
Ma mère a fait un aller retour express sur NY avec mon oncle. Je crois qu'entre eux c'est consommé parce qu'elle m'a annoncé qu'elle allait habiter chez lui. Du coup, il ne nous reste plus beaucoup d'alternative. Ma mère se sent sans doute un peu coupable d'emménager avec lui et de me laisser seul, alors elle a promis de nous trouver quelque chose pour se dédouaner. Peut être que si je n'avais pas décidé de me marier, je serai parti vivre avec eux. Ce n'est pas que cela m'aurait dérangé mais tout est si nouveau pour moi que j'en éprouve le vertige. Je me jette dans le vide sans parachute. Je ne sais pas comment je vais me réceptionner mais c'est  certain que je vais avoir mal. Ils sont rentrés hier dans l'après-midi, et elle nous a trouvé un studio meublé au dessus d'une laverie automatique. C'est tout ce qu'elle a pu nous obtenir en attendant qu'on soit sur place.
La cérémonie se passe dans la salle des fêtes de la ville. La ville de Dalhart n'est pas très grande et on a pu avoir un moment pour pouvoir organiser notre mariage. La personne qui est venue pour nous marier représente l'autorité. Je n'ai pas voulu de pasteur parce que je ne crois pas en dieu et même si Daphné l'avait souhaité, elle sait que nous n'avons pas beaucoup de temps. Il y a ma mère et mon oncle, ma tante et c'est tout. Mon oncle n'a pas pu se déplacer, ce que je souhaitais de tout cœur et je n'ai pas osé en parler à Daphné mais quand ma mère m'a dit que mon oncle ne pouvait pas venir, j'ai été soulagé. Un après-midi après la classe, ma mère m'a accompagné pour que je m'achète un vêtement de circonstance. C'est la première fois que je porte une veste de costume et une chemise en popeline blanche. Je n'en ai jamais eu l'occasion auparavant. Je regarde mon reflet dans le miroir et je dirai que je suis plutôt pas trop mal. Mes cheveux sont un peu longs dans la nuque. Je n'ai pas voulu aller chez le coiffeur. Je me préfère comme ça. Ma mère a insisté mais j'ai refusé prétextant que je n'avais pas le temps. Je me préfère ainsi je trouve que je ressemble alors à un garçon un peu plus jeune que mon âge. Je me raccroche à cette enfance et ce reflet fait illusion. Je sais que tout va changer et j'ai besoin de me rassurer. Si j'avais eu les cheveux courts, je n'aurai pas reconnu ce garçon. Un bref instant je me revois à Pittsburgh et je repense à Brian, jouant avec mes cheveux lorsqu'on était au bord de la rivière. Soudain je sens des larmes me piquer les yeux. Ma poitrine se compresse et une certaine mélancolie tombe sur mon âme tel un voile, un brouillard qui va m'envelopper pour ne jamais se lever. 
« Justin ! Tu es prêt ? » Me demande ma mère du bas des escaliers. Je sors de mon état et je jette un dernier regard sur ce moi que je ne reconnais pas, puis je sors de ma chambre. « Ah enfin ! Tu en as mis du temps. Dépêche toi qu'on va finir par être en retard ! ».
« Je suis là », Dis je. Je remarque qu'elle s'attarde un instant sur mon allure mais ne me fait aucun commentaire. Je sais qu'au fond d'elle, elle désapprouve ce mariage, et je voudrai tant m'échapper, faire marche arrière, mais c'est trop tard. Je relève la tête de dépit, et je vais la rejoindre en bas. Elle a déjà fait volte face et sort de la maison. Ma tante est assise dans la voiture et c'est mon oncle Edward qui conduit. On a décidé de passer récupérer Daphné comme son père n'était pas d'accord pour qu'on se marie, il n'a pas souhaité participer à ce moment de joie pour sa fille. En arrivant devant chez elle, je l'aperçois dehors à nous attendre, habillée avec une robe qui lui arrive aux genoux beige clair, un chapeau et un bouquet de fleurs. Elle a les cheveux attachés en arrières qui retombent sur sa nuque et semble impatiente. A la vue de la voiture, Daphné s'approche et lève la main. Elle semble joyeuse et cette robe la met en valeur. Nous nous arrêtons à sa hauteur et ma main qui est à l'avant baisse la vitre de la voiture, « Daphné tu es radieuse ! J'espère que tu ne nous as pas attendu très longtemps, la faute à un certain 'jeune homme' qui a passé un certain temps devant sa glace ».
« Hey c'est faux » je rétorque. Puis Daphné ouvre la portière arrière et s'engouffre à mes côtés me poussant vers ma tante, coincée contre la portière. Elle me fait la bise sur ma joue droite et l'essuie pour enlever le rouge à lèvre. « Alors qu'est-ce que ça fait de se marier ? » me demande t elle doucement. Je rougis et n'ose pas répondre à sa question parce que je n'ai pas la bonne réponse. Celle qu'elle voudrait entendre et aussi je suis gêné par ce que nous ne sommes pas seuls. Mais Daphné est tellement contente qu'elle n'attend pas ma réponse pour exprimer son enthousiasme. Son flot de paroles se déverse à mes oreilles et elle parle fort pour couvrir le bruit de la radio, que mon oncle Ed a laissé en marche. Elle fait déjà des projets pour l'appartement qu'elle ne connaît pas et que ma mère a trouvé. Je les entends parler comme si de rien n'était et surtout sans m'inclure dans la discussion, alors que je fais parti intégrante du projet. Après plusieurs minutes, nous arrivons enfin devant la salle où je suis sensé prononcer le 'oui' fatidique quand soudain j'aperçois les copains qui se tiennent devant, avec tout un tas d'instrument, enfin plutôt des casseroles et ils tapent fort dessus, pour faire un brouhahas de tous les diables. Je reconnais, Davis, Dan, William et c'est alors que je vois John sortir de l'ombre où il se cachait. Je me sens soudain mal à l'aise et honteux qu'il me voit ainsi et soit présent à mon mariage. Mon oncle s'arrête devant eux, et je vois alors les copines de Daphné sortir de la salle au bruit annonçant notre arrivée. Daphné jubile mais moi pas vraiment. Ma mère et mon oncle rient et j'ai envie de pleurer. Je sors le dernier et les copains m'entourent et me félicitent, en me chamaillant et en raillant sur mon compte. John reste en retrait et m'observe. Je sens son regard intense sur moi et je n'ose pas lever les yeux de peur qu'il y lise ma lâcheté. Tout le monde rentre dans la salle. Les copines de Daphné lui font une haie d'honneur et John et moi attendons. Il n'a rien dit depuis notre arrivée et moi non plus. Voyant que j'hésite à avancer il fait le premier pas, « Justin, tu dois y aller » fait il. Je ne dis rien et j'ose enfin lever les yeux sur lui, immobile. Son visage est fermé et soucieux comme si il réfléchissait à quelque chose d'important.
« Tu hésites ? Je crois que ce n'est plus le moment pour ça ! Tu ne voudrais pas blesser ta 'fiancée'», dit il amer.
« Tu n'as pas cherché à me revoir ! », Je réponds pour me justifier.
« Je t'avais donné mon numéro non ? Cela voulait dire que tu pouvais m'appeler ».
« Je...je sais...mais le mariage avec Daphné était décidé bien avant qu'on se rencontre... »,
« Ah tu es ce genre d'homme Justin ? Celui qui ment et reste dans le 'placard' par convenance ? ». Je ne sais pas quoi dire à John et je n'en ai pas la force. Ma mère passe la tête pour nous signifier qu'il faut y aller, mais elle s'arrête net en nous voyant tous les deux, si misérables. Je lui fait un signe de la tête pour lui dire que j'arrive, et je regarde une dernière fois John, tellement meurtri et triste, que j'en ai les larmes aux yeux. Je sais que plus rien n'est possible entre nous, mais de savoir ce qu'il pense de moi me fait mal. Je n'ai pas le choix et je ne peux pas le lui faire comprendre. Je pénètre dans le bâtiment la tête baissée, car je sais que John ne viendra pas. On se sépare sans dire un mot, sans un regard. Je me prépare à ce destin que j'ai choisi et à cette nouvelle vie, et je marche en titubant, ivre de douleur tel un condamné dans le couloir de la mort.

Il y a 20 ans...20 ans aprèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant