-X- Astrid [Réécrit]

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Dans la salle de pose, je bois un café avant de reprendre du service. Ce matin a été chargé, comme tous les autres. Le service des urgences n'a pas cessé  d'être bondé. A peine avais-je fini de recoudre le doigt d'un patient qu'un autre arrivé pour qu'on s'occupe de lui. Mon mug de café chaud me réchauffe les mains dans cette pièce froide comme un cœur de pierre. Après avoir profité de cette pose au maximum, je m'apprête à laver ma tasse avant de repartir, quand un haut-parleur me fait sursauter avec sa voix toute saturée: " L'infirmière Baley est attendue à l'accueil, je répète, l'infirmière Baley est attendue à l'accueil."

Je pose ma tasse dans l'évier à toute vitesse et me dirige vers le centre de l'hôpital. Je me demande bien qui peut être au bout du fil à m'attendre.  Arrivée devant le grand comptoir blanc, l'hôtesse d'accueil me tend le téléphone.

-  Vous savez qui est au bout du fil ?

- Aucune idée, me répond-t-elle avec un désintéressement visible.

Je n'ai que pour choix de décrocher :

- Astrid Baley, je vous écoute.

- Bonjour madame Baley. Je suis la proviseur du lycée Boroughmuir. Je vous appelle car votre neveu s'est une fois de plus endormi en cours, à cause de sa dépendance. Comme vous le savez, c'est un comportement inacceptable. Êtes-vous libre pour que nous ayons une petite discussion ?

Je suis prise au dépourvue. Qu'on m'appelle pour une absence injustifiée, un comportement déplacé, j'y suis habituée. Mais que la proviseure en personne me demande un rendez-vous ?! Aaron a vraiment dû faire enrager un de ses professeurs. Néanmoins, je m'attendais à ce que cela arrive un jour, avec son addiction, il ne doit certainement pas passer inaperçu en cours, même notre chat Foxy s'en rend compte quand Aaron rentre dans les vapes à la maison.

- Oui...oui, je n'ai rien de prévu pour cette après-midi, j'arrive tout de suite. 

Je n'ai pas le choix, je dois quitter mon poste pour cette après midi. Il faut que j'aide Aaron ce coup-ci, je n'ose pas imaginer sa vie s'il se faisait  virer du lycée. 

- Bien, nous vous attendons.

Encore abasourdie par cet appel, je signale mon absence et file vers la sortie. Dans le parking de l'hôpital, je met un temps fou à rejoindre ma voiture, rangée parmi toutes ces allées de métal. Une fois installée, je roule le plus vite possible, en pensant à mon pauvre Aaron coincé dans le bureau de sa proviseure, tout en essayant de ne pas me prendre une amende.

Je toque à la porte de la proviseure, les mains moites, comme si c'était moi la lycéenne. 

- Entrez, je vous en prie, asseyez-vous, me demande madame Peterson. Donc votre neveu ici présent s'est endormi dans le cours de monsieur Creen, et a fini sur le carrelage.

Je me retiens de rire en imaginant mon chou étalé sur le sol, et essaye de prendre un air sérieux. Aaron ne me rendra jamais furieuse, il a beau faire des tonnes de conneries chaque mois, je ne pourrais jamais lui en vouloir. C'est ce qui lui permet de ne pas perdre pieds, enfin, j'imagine... Avec ma voix la plus neutre, je réponds :

- Excusez-le, il est dans une phase un peu difficile en ce moment, mais je suis sûre que ça lui passera.

Aaron me fait un regard en coin, et lève son sourcil droit, il a compris mon petit manège. J'espère que ce n'est pas le cas pour monsieur Creen et madame Peterson. Son professeur d'Histoire continu la discussion d'un ton chagriné :

- J'imagine bien la situation de Aaron, mais cela lui arrive de plus en plus, et ce n'est pas possible qu'il continu comme ça. J'ai peur qu'il faille trouver une solution au plus vite. Ses perturbations dérangent mon cours, je pense que vous pouvez comprendre pourquoi. 

- Je suis tout à fait d'accord avec vous, et je pense qu'Aaron n'a pas envie de se faire exclure, répond la proviseure en regardant Aaron des ses yeux d'aigle affamé.

- Bien sûr madame, acquiesce-t-il, je vous promet d'arrêter l'héroïne, je vais me reprendre en main. Je vous l'assure.

Aaron joue à merveille la comédie. Je suis pratiquement sûr qu'il ne compte pas arrêter la drogue. Je sais que je devrais être contre lui et lui interdire ça, mais c'est plus fort que moi. Je sais qu'un jour, ça le tuera, mais si je le prive d'héroïne, il ne sera pas heureux. Il ne l'est déjà pas beaucoup, alors je refuse de le priver de la seule chose qui lui procure un peu de bonheur, peu importe s'il est artificiel.

-Bien ,j'espère que tu tiendras ta promesse, nous vous souhaitons une bonne fin de journée, nous répond madame Peterson en nous invitant à sortir.


Dans la voiture, Aaron commence la conversation, ce qui est très rare venant de sa part. J'ai l'impression qu'il s'améliore de jour en jour.

- Merci encore de m'avoir sauvé la mise. Je sais pas comment j'aurais fait si j'avais été exclu.

- Pas de quoi, c'est normal mon chou. Mais à l'avenir, essaye de ne pas finir par terre en cours. Je ne pourrais pas t'excuser éternellement.

- C'est noté. Si ça ne te dérange pas, je vais monter sur les toits ce soir, j'ai besoin de décompresser un peu, et puis je ne pense pas que tu sois d'accord pour que j'aille à La Maison Noire.

- Bonne idée, je te dépose là du coup ?

- Ouiap, merci ! A plus tard.


Je me retrouve seule dans la voiture, à regarder Aaron s'évader. Quand il marche, il foule le sol avec une telle souplesse qu'on dirait qu'il va s'envoler. Je parie qu'il adorerait. Il sonne à une à une grande porte en bois, et le voilà rentré à l'intérieur d'un immeuble, prêt à grimper jusqu'au ciel.



The Cancerous and the VampireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant