Je ne comprend plus Aaron. Il voulait pourtant arrêter de se droguer, mais le voilà qui ne tient plus assis. J'ai des fourmilles dans le bras à force de le retenir... Il y a cinq minutes, il fixait sa main aussi minutieusement que si c'était un joyaux rare, comme si elle lui parlait, et maintenant, il est complètement dans les nuages. Je ne sais pas pourquoi il continu à se faire autant de mal...
Notre professeur d'histoire, monsieur Creen, se tient devant nous, comme à son habitude, en nous dictant son cours sans oublier de postillonner. La situation devient de plus en plus critique, et Aaron ne me facilite pas les choses. A tout moment, Creen peut nous remarquer - je me demande pourquoi il ne l'a pas déjà fait ? - et nous virer tous les deux. Je pense qu'il ne va pas interrompre le cours pour deux imbéciles comme nous, mais le regard noir qu'il nous jette, cela doit certainement le démanger.
Aaron est complètement parti, ça y est. Je dois sacrifier mes deux bras pour le retenir, s'en est trop. Je n'ai plus de force. A contre cœur, je laisse mon meilleur ami s'effondrer par terre, en essayant tout de même d'amortir sa chute le plus possible. Aaron est allongé sur le carrelage froid de la salle de classe, les yeux clos. L'héroïne ne lui réussit vraiment pas.
J'ai à peine le temps de regarder la réaction de notre professeur que les autres élèves se mettent à me regarder étrangement. Tout compte fait, c'est plutôt Aaron qu'il fixe de leurs yeux affolés. Je me retourne alors vers mon ami, allongé à côté de moi.
Aaron convulse. Son corps s'abandonne totalement aux tremblements qui le fracassent. Il a rouvert les yeux et me fixe d'un regard de chien battu. Toute la douleur du monde à l'air de lui tomber dessus.
Son corps bouge au rythme de son cerveau électrifié et de ses neurones en surchauffe. Les secousses sont si brutales qu'il doit sûrement s'être brisé quelques os. J'ai tellement mal pour lui, mais je ne peux rien faire. J'ai beau essayer de le maintenir de mes deux mains frêles, son corps refuse de coopérer. Aaron tente lui aussi de se contrôler, ses yeux exorbités comme pour ne pas perdre pied. Malheureusement, rien ne fonctionne, ses neurones ont pris le dessus.
Voyant que tout espoir est perdu, je me résout à appeler les secours, et compose leur numéro des mes doigts tous tremblants.
Toute la classe est maintenant rassemblée autour de Aaron, toujours en pleines convulsions. J'essaye d'écarter les élèves en faisant de grands gestes ridicules, mais ils sont complètement hypnotisés par Aaron. Comme si sa crise d'épilepsie soudaine était une transe qu'ils devaient rejoindre. Je regarde alors monsieur Creen, dans l'espoir qu'il mette de l'ordre dans tout ça, il faut absolument que mes camarades laissent respirer Aaron. Le professeur m'a compris, il gonfle ses poumons et s'écrit tant bien que mal :
- He ! On se calme ! Écartez-vous d'Aaron tout le monde, allez, on se dépêche ! Elias, je croyais qu'Aaron avait promis qu'il ne se droguerait plus ?
Monsieur Creen n'a absolument rien compris à la situation. Aaron n'est pas en manque, ni en plein shoot. Il est en pleine crise d'épilepsie. Une crise qui n'est pas du tout normale.
- Vous ne comprenez-pas, ce n'est pas la drogue qui provoque ça, il fait une crise d'épilepsie !
Il se passe un long moment sans que personne ne parle, même pas un élève sur les vingt-neuf présents dans la salle. Le professeur semble hésiter entre ne pas me croire du tout et me laisser le bénéfice du doute. Même si le doute n'est pas permis, à moins qu'il soit complètement stupide. Puis, il ouvre enfin les yeux :
- Très bien, toi, dit-il en pointant un élève du doigt, va chercher l'infirmière. Les autres, ne faites rien.
Enfin. Il a réagi. Il lui aura fallu exactement qinze minutes pour le faire alors qu'Aaron est entrain de souffrir le martyr. Ses yeux sont maintenant clos, et il a arrêté de convulser. Son thorax se soulève et s'affaisse au rythme de mon cœur tambourinant comme un dingue dans ma poitrine.
L'infirmière - madame Goner - arrive alors, suivi de l'élève qui était aller la chercher. Elle a apporté une couverture et recouvre Aaron avec, après l'avoir mis dans une bonne position.
J'ai l'impression que cela fait trois heures que j'ai appelé les urgences. Je ne cesse de vérifier que Aaron respire toujours, de peur que quelque chose d'autre ne vienne aggraver son cas.
Le cours a été annulé, et je suis toujours dans la classe avec monsieur Creen, l'infirmière et Aaron sous sa couverture. Il n'a toujours pas bougé, ni émit un seul son, ni ouvert un seul œil, j'angoisse de plus en plus.
Et si la cause de tout ça était bien l'héroïne ? Et s'il avait finalement succombé d'une mort cérébrale et qu'il ne se réveillerait plus jamais ? Je n'ose même pas y penser. Ça ne peut pas arriver, Aaron ne peut pas me laisser comme ça. Nous laisser comme ça. Comment réagirait Amy ? Non, c'est impossible, il va se réveiller.
J'entends une sirène, les secours arrivent. Ce n'est pas trop tôt, j'ai cru que j'allais mourir de stress. Madame Goner arrive avec eux. Ils sont deux, accompagné d'un brancard qu'ils font rouler parmi les tables et les chaises poussées sur les côtés de la salle. Doucement, ils soulèvent Aaron comme s'il ne pesait pas plus lourd qu'une plume et le déposent sur la civière. Monsieur Creen me donne l'autorisation d'accompagner Aaron. J'embarque alors avec lui dans l'ambulance, direction l'hôpital. Je suis sûr qu'il s'empressera de tout rapporter à la proviseure une fois seul.
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The Cancerous and the Vampire
VampiroAaron est un lycéen, son meilleur ami est fan de disco et sa petite amie est un vampire. On pourrait croire que tout va bien. Le problème, c'est que la vie l'ennuie, il n'a plus le goût de rien, et déprime. Pour résoudre ça, il se drogue à l'héroïn...