-III- Aaron [Réécrit]

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Une musique stridente me fait sortir de mon rêve. Les yeux toujours fermés, je tente d'arrêter le réveil de mon portable sans le faire tomber, mais comme toujours, je rate mon coup. Mon téléphone se fracasse encore une fois de plus sur le parquet de ma chambre. J'ouvre cette fois les yeux, et le ramasse. Une fissure de plus est apparue. Mais ça m'est égal, ces fissures font partie de mon portable, comme les miennes, de mon âme.


Foxy arrive dans ma chambre pour me saluer en un miaulement et saute sur mon lit pour se caler contre moi. Je pense vraiment que ce chat m'aime bien. Quand je suis arrivé chez Astrid, il a passé le mois suivant à me griffer et à me repousser, mais je crois qu'il s'est habitué à ma présence maintenant. Je le caresse, et il me lèche la main de sa langue rappeuse. L'échange habituel de réconfort du matin.

Je me lève enfin de mon lit et m'habille. Je mets toujours les mêmes vêtements, t-shirt noir, jean noir, et Doc Martens noires. Ce n'est pas que les couleurs me révulsent, mais je n'ai pas envie de m'emmerder à choisir entre du bleu et du jaune chaque matin.  Au moins, avec mes habits noirs, je ne choisis rien, j'économise du temps, et passe inaperçu.  

Foxy quant à lui, est toujours entrain de me regarder avec ses grands yeux. Ils me font craquer à chaque fois, je ne peux pas m'empêcher d'aller le caresser après. Je suis complètement accro à ce chat, autant qu'à l'héroïne. Mais je l'assume, il est l'un des rares êtres vivants qui me laisse tranquille qu'en j'en ai besoin et qui me réconforte quand je ne vais pas bien. Ses miaulements m'apaisent, comme une sublime mélodie voguant dans mon esprit.


Elias toque à ma porte. Sans plus attendre, j'embrasse As et m'installe dans sa Simca 1000. Je ne comprendrais jamais pourquoi il aime tant cette voiture. Bleu roi, elle se remarque immédiatement, et les sièges... Je ne me suis jamais assis dans une voiture aussi peu confortable. J'ai l'impression qu'on me plante des punaises dans le cul tous les matins. Et ensuite, Elias n'arrête pas de se plaindre de ma mauvaise humeur.


Les cours se déroulent d'une lenteur extrême. A midi, je peux enfin sortir de ce lycée pour une petite heure. Je mange comme d'habitude avec Elias et Amy, dans le parc à côté. Petit et sombre, avec tous ses arbres cachant le soleil, il n'y a jamais personne. C'est devenu notre lieu de réunion. On peut ainsi parler de tout sans être écoutés, et sans être pris pour des fous. Entre La Maison Noire, le disco de Elias et les histoires de vampires de Amy, il y a quoi. Amy sirote toujours sa thermos de sang, quand la sonnerie du lycée se fait entendre.

- Mince ! Allez-y, je finis mon repas et j'arrive ! Je te parie que j'y suis avant toi, me dit-elle avec un air de défi sur le visage.

- Facile à dire pour toi, réplique Elias, allez, on y va ! A plus tard Amy !

Arrivé devant notre salle, je scrute les autres, essayant de repérer Amy. Sans surprise, elle est déjà assise à sa table, attendant son professeur. C'est une des choses que j'aime chez elle, sa vitesse. Amy est une vampire de 191 ans, pas très âgée en somme, mais sa vitesse est impressionnante. Je ne suis pas très objectif, n'ayant vu qu'Amy utiliser la "vitesse vampirique", mais quand elle court, j'ai l'impression qu'elle vole telle une lumineuse déesse sortant des flots d'une mer sombre.

Amy est ma déesse, et je l'aime, malgré le fait qu'elle soit une vampire. Assise sur sa chaise, le dos bien droit, ses cheveux bruns qui lui caressant les épaules et volant au grès des courants d'air, elle a encore une petite tâche de sang au coin des lèvres. Discrètement, je lui fait signe. Elle se dépêche alors de l'essuyer, quand son professeur arrive.


Elias et moi attendons Amy, qui devrait sortir du lycée dans quelques minutes. Aujourd'hui, les cours ont été, comme je le disais plus tôt, affreusement lents. J'ai failli m'endormir plus d'une fois sur ma petite table carrée, et je n'étais même pas sous l'effet de la drogue ! Amy arrive, un sourire rayonnant sur le visage.

- Hey ! Qu'est-ce que les cours étaient ennuyeux aujourd'hui, les profs devraient boire du café plus souvent, nous dit-elle en riant. Il faut que j'aille m'entraîner, vous faites quoi vous ?

- On va sûrement jouer chez Elias, il a hâte de retrouver sa console, répondis-je  avec le plus de sérieux dans la voix.

- Eh ! Arrête de te moquer de moi, me réprimande Elias, et puis toi aussi tu en as envie, sinon tu ne viendrais pas.

- Exact, lui dis-je avec un grand sourire.


Le soir commence à tomber, quand Elias et moi faisons une dernière partie. J'ai toujours aimé ces moments avec lui, après les cours, quand la journée à été éprouvante. Le plus souvent, on joue à des jeux de guerre, en se hurlant dessus comme deux gamins. Mais c'est là que je me rend compte que, pour rien au monde je ne changerais de meilleur ami. Elias et d'ailleurs mon seul ami, avec Amy, mais je sais que quand je suis avec lui, dans sa chambre devant sa télévision, je ne pense plus à rien, si ce n'est à gagner cette putain de partie.

Arrivé devant chez moi, Elias me fait un signe de la main dans sa voiture, et repart. Il est en quelque sorte mon taxi personnel. Je m'apprête à ouvrir ma porte, salivant à l'idée d'un bon repas,  quand un sentiment mille fois plus fort refait surface. Le manque. Cela fait une semaine que je ne suis pas allé à La Maison Noire, une semaine que de l'héroïne n'a pas coulé dans mon sang. Je pensais pouvoir tenir plus longtemps, mais je dois me rendre à l'évidence, je suis un foutu drogué en manque. Je ne peux pas résister à l'appelle du poison. Tant pis pour le bon repas.

La Maison Noire est vraiment un lieu particulier. Dès que tu franchis sa porte, tu entres dans un nouveau monde. Un monde magnifique et terrifiant à la fois, empli de béatitude et d'extase, mais aussi d'addiction, de dépendance et de désespoir. Le monde des drogués. Je me dirige comme d'habitude au dernier étage de l'immeuble abandonné, où on y trouve des matelas à peu près corrects.

Miss Black, la patronne de La Maison Noire, est une femme d'un charisme incroyable. Elle a réussi à ériger et diriger un squat, où elle offre elle même la drogue. Quand je viens ici, je sais que même si je suis fauché, je pourrais toujours me procurer de l'héroïne, car elle est simplement à disposition pour tout le monde. Bien sûr, rien n'est totalement gratuit...

La première fois que je suis venu à La Maison Noire, c'était mon ancien fournisseur qui m'en avait parlé. Je n'avais plus un rond, et il m'avait conseillé d'aller voir Miss Black. Quand cette dernière m'avais reçu, j'ai cru que j'étais au paradis, mais ça n'a pas duré longtemps. Bien que j'admire et respecte Miss Black, ce qu'elle m'a fait faire était vraiment dégueulasse...



The Cancerous and the VampireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant