Chapitre 36

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Je vais pouvoir enfin retourner en cours, mais je ne pourrais toujours pas me confier à qui que ce soit. Je vais simplement reprendre ma vie solitaire et dépressive d'avant.

Apparemment le remplaçant suffit au dealer pour l'instant, mais pour combien de temps ? Et qu'est-ce que nous réserve demain ?

En parlant de demain, après une longue après-midi de retrouvailles à parler de tout et de rien, à rigoler entre frère et sœur, à jouer enfin à nos jeux, nous allons nous coucher. Mais impossible de se séparer, je veux profiter de sa présence au maximum, de ce relâchement et cette détente, on s'endort tous les deux comme des merdes.

J'ai l'impression qu'avec lui rien ne peut m'arriver et je sais qu'il est prêt à me défendre à tout prix. Il s'est occupé de moi quand nos parents étaient en déplacement toujours à l'autre bout du monde. Je crois que c'est à cause ou grâce à lui que je m'entends beaucoup mieux avec les garçons. Les filles de mon âge sont beaucoup trop superficielles à mon goût, je me sens beaucoup plus à l'aise avec les garçons même amicalement.

Je me considère pas comme un garçon manqué, mais je ne suis pas du tout le genre de filles à me maquiller tous les jours, à mettre 2 heures pour choisir sa tenue, je suis plus simple et minimaliste de ce côté-là.

Le dimanche passe à une vitesse folle et je n'ose pas demander à mon frère s'il reste encore ou s'il repart aujourd'hui pour aller je ne sais où. Jules ne se montre quasiment plus et j'ai l'impression que ma vie redevient légèrement normale.

Trop de bonnes nouvelles sont souvent signe d'un orage encore plus imposant. Mon frère vient de me dire qu'il n'avait pas de raison de repartir de suite. A cet instant, toutes les bonnes sensations envahissent mon corps et toute mon âme, vous savez : la joie, le bonheur, la naïveté, la légèreté, l'amusement, tous ces petits fourmillements dans le bas du ventre et la force qui te pousse à sourire naturellement. Et après un long moment de vide, voici que tout mon être est rempli de sentiments positifs.

Même moi je ne me reconnais plus je commence à sautiller partout et à danser avec aucun rythme comme je sais si bien le faire.

Le week end se termine donc sur une dose de bonheur, une injection de bons sentiments et de motivation pour tout recommencer et se battre jusqu'à une vie normale et plus belle.

[Jake avait prétendu à son école que Victoria était atteinte d'une maladie assez grave pour qu'elle soit restée couchée plus d'une bonne semaine.

Et comme elle s'y attendait, tous les regards à son retour étaient braqués sur elle, les gens s'en éloignaient quand elle arrivait dans les couloirs. Ils devaient surement avoir appris pour la maladie et ils pensaient que c'était contagieux et maintenant ils la regardaient comme un monstre, une vulgaire bête de foire.]

Pour y remédier je me focalisais sur mes cours et rattraper le temps perdu, me replongeant dans des bons problèmes de maths qui me faisaient oublier tout le reste. Et dès que j'avais fini je fonçais tête baissée jusqu'à la piscine municipale de ma ville, là-bas, je retrouvais avec joie les moniteurs, et les employés.

Mais surtout, et c'était sûrement ce que j'attendais le plus au monde ces deux dernières semaines : les lignes d'eau. Cet endroit où j'avais passé des heures et des heures et où je rêvais d'être 24h/24. Je plonge dans cette eau limpide et légèrement froide, fais quelques mouvements et c'est comme si je revivais à cet instant. Tout mon corps retrouvait ces innombrables bonnes sensations.

Ce soir j'ai dû nager 2 ou 3 heures sans voir le temps passer, je suis restée comme à mon habitude jusqu'à la fermeture. Je me sentais tellement bien !

Et c'est peut-être comme ça que c'est passé le reste de ma semaine. J'étais heureuse malgré tout, et je comptais bien le rester.

Au lycée, je croisais de temps en temps le regard interrogateur de Paul et Jade, mais je décidais de faire abstraction de leur regard comme celui des autres qui avaient fini par s'habituer à ma présence et ne se poser plus trop de questions.

Mon frère passa la semaine avec moi et tous les soirs on passait du temps ensemble, je le voyais cependant de plus en plus inquiet dans son regard, au moindre bruit il sursautait comme s'il attendait quelqu'un de mauvais.

Jules pour mon grand bonheur était définitivement parti de la maison, et ce jour-là aussi j'étais encore plus heureuse.

Mais je n'oubliais pas Bastian pour autant, ni même que ce bonheur était surement provisoire. Alors je profitais de chaque instant que m'offrait la vie en notant et en écrivant toute mon histoire sur mon carnet qui allait bientôt être saturé.

Un soir donc cette semaine, je passe du temps avec Jake mon frère, et en mettant la table il s'arrête me regarde, je me fige et il dit

Jake : -Victoria, je pense qu'il faut que je t'explique quelque chose d'important

A ces mots je me mets à trembler, je n'aime pas du tout ce genre de situations, surtout en ce moment. Généralement quand mon frère m'appelle Victoria c'est que c'est vraiment sérieux et pas très positif.

Victoria : -Je t'écoute.

Jake : -Le remplaçant du dealer ne peut assurer le job que pendant 6 mois tu le sais ça ?

Victoria : -Oui oui, mais quoi ?

Jake : -Cela ne va pas dire qu'on sera tranquilles pendant ces 6 mois tu te doutes bien.

Victoria : -Je pensais qu'on aurait ce temps pour réfléchir et pour laisser un peu couler en fait ...

Jake : -Mon dealer nous fait toujours surveiller de loin au cas où on décide d'appeler la police ou demander de l'aide extérieure. Ils ne peuvent pas nous faire du mal si on en parle à personne autour de nous. Donc tu n'en parles vraiment à personne d'accord ?

Victoria : -De toute façon je ne parle plus à personne donc pas de soucis là-dessus ne t'inquiète pas.

Jake : -La deuxième nouvelle c'est que les parents rentrent plus tôt de leur voyage en Europe parce que le lycée les a appelés pour ta maladie douteuse.

Oh merde, les parents, j'avais oublié qu'ils pouvaient être au courant quand même. Je regarde Jake avec un air surprise/ choquée/ effrayée.

Victoria : -Mais qu'est-ce qu'on va leur dire ? On ne peut rien leur dire ! Ils sont en danger s'ils reviennent ! Jake on est vraiment dans la merde là !

Jake : -Ils ont pensé que tu séchais les cours parce que tu faisais une dépression ou je ne sais quoi ! Ils ont dit qu'ils allaient t'envoyer dans un centre spécialisé

Victoria : -Ils ne peuvent pas ! Ton dealer va s'énerver si je ne suis plus surveillée et je ne peux pas aller dans ce genre d'endroits ! Je vais bien merde !

Jake me prend dans ses bras car je commence à pleurer, il me frotte doucement le dos, et me chuchote que tout va bien se passer. Ses mots me calment, il me tient par les épaules et me regarde dans les yeux.

Jake : -Je leur ai dit que tu n'en avais pas besoin, et que tu avais juste eu une grosse grippe, mais vu qu'on est pas allés chez le médecin ils viennent quand même pour s'assurer que tout va bien à la maison.

Je ne peux pas croire que mes parents vont arriver d'un jour à l'autre, et qu'il va falloir leur mentir une énième fois, je comprends maintenant l'attitude de Jake. Il faudrait aller voir un médecin pour un certificat médical mais une grippe c'est difficile à simuler.

Ecrire pour survivreWhere stories live. Discover now