Lorsqu'il prononça ces quelques lettres, un silence pesant survint entre nous trois.
Ciel... Ai-je bien entendu ?
Immédiatement je me retournai vers lui, en l'observant donc froncer les sourcils. Il commençait à pousser quelques phrases inaudibles tout bas, d'humeur grognonne, alors que je laissais échapper un rire caché sous ma main.
Ciel ? Sérieux ? Ce n'est même pas une blague ?
Il faut vraiment que je me retienne de partir dans un fou rire, là. Oh... quoique...
— Enfin ne te fie pas à son prénom. Ce gars est loin d'être paisible, calme, doux, comme on pourrait le définir, ricana Max. Notre mère a dû se tromper. Je pense qu'à la base son prénom devait être Orage ou Éclair. Un truc dans le genre.
À mon tour, j'esquissai un sourire, très amusée de connaître son prénom. Lui qui voulait le cacher, et bien c'était désormais loupé. C'est vraiment un prénom atypique, plus qu'original, et beaucoup plus étrange que le mien. Le pauvre. Car si moi je me suis ramassée des vannes quant à mon prénom étant jeune, alors je n'imagine même pas pour lui.
Ciel... non mais sérieusement...
— Tu as raison. Je suis sûre qu'il devait se nommer Orage ou même Tempête, qui sait...
— Taisez-vous, vous êtes grave lourds, grogna-t-il comme un chien en colère, tandis que je souriais à son frangin.
— Ouais, comme je l'ai dit, elle s'est définitivement trompée sur ce gosse. Ce n'était pas le bon, me chuchota Max à l'oreille, avant de recevoir un coup de poing dans l'épaule.
Ciel le regardait avec un regard énervé, n'aimant sûrement pas cette petite blagounette de rien du tout. Oh ça va. Je suis sûre qu'il a connu pire avec son prénom. Et puis c'est juste une légère vengeance. Chacun son tour, tignasse bleue au prénom bizarre.
— Bon je dois vous laisser ; on m'appelle là-bas. Ciel, tu n'embêtes pas la demoiselle et tu calmes tes habituels élans de colère. Elle n'a rien fait et c'est une cliente, ne l'oublie pas.
Il partit ensuite derrière son bar pour prendre les autres commandes. Quant à moi je restais encore là, bien assise sur mon tabouret.
— Ciel... Ma fois, c'est original, ricanai-je. Ça fait prénom de petit enfant tout sage et tout choubidou, tu ne trouves pas ?
— C'est celle qui s'appelle Violette qui parle... Ton prénom est trop moche, répliqua-t-il comme un enfant de dix ans, en me rejoignant sur le tabouret.
— Mon prénom est quand même plus joli que le tien. Ciel ne te correspond pas du tout, le piquai-je de nouveau.
— Violette c'est hyper dégueu. Ça fait trop fleur et cucu la praline.
— Ah parce que Ciel n'est pas cucu la praline peut-être ? Tu m'étonnes que tu ne veuilles pas le dévoiler aux autres. C'est super gênant.
— Ça te regarde, franchement ? Je n'ai pas que ça à faire que de donner mon prénom à des inconnus, qui plus est avec la fille qui possède la plus mauvaise foi de la planète.
— Hum. Ah bah c'est sûr. Je comprends, oui mais oui... Les filles croiraient sûrement que tu es un mec tout doux et sage comme un chaton, alors que c'est pourtant le contraire. Tu as raison, cache ton prénom. Le monde s'en portera mieux.
— Et toi avec ton Violette je ne sais pas quoi ? Les mecs doivent sûrement s'attendre à une vielle fille qui fait de la jardinerie ou qui est fleuriste. Tu vas te marier avec Coquelicot, c'est ça ? Et d'ailleurs, est-ce que ton deuxième prénom est Pétunia ou Jonquille ?
— Tu es vraiment un mec drôle, toi.
— Aussi drôle que toi, je pense, compléta-t-il, acerbe.
— Dit l'homme qui ne sait pas parler aux gens calmement et qui adore faire des critiques sur les cheveux...
— Dit la femme qui m'a totalement ruiné le menton en se relevant trop vite, car elle ne m'avait toujours pas dit merci...
— Dit l'homme qui m'a attrapée comme ça, alors que nous ne nous connaissions pas du tout... Quelle manière, je vous jure...
— Dit la femme qui ne sait plus quoi dire et qui trouve des excuses bidon.
— N'importe quoi ! m'emportai-je. C'est une très bonne excuse ! D'où on touche les femmes comme ça, sans leur demander ! Ah c'est sûr que l'attraper par la taille et la porter est vraiment très intelligent ! Tu n'aurais pas pu juste prendre le livre, non !
— C'était super intelligent, tu rigoles. Avec ton un mètre dix tu ne serais pas allée loin, alors remercie moi !
Je ne disais plus rien quant à cette réplique et cette copie de mes manies, restant désormais bien silencieuse. Voyant que je ne relançais pas la conversation, le dénommé Ciel continuait néanmoins de me regarder.
— Je voulais juste t'aider, mais visiblement tu n'avais pas pigé le truc. Bon je vais là-bas, reprit-il, avant de partir.
Il rentra derrière l'espace privé du bar, puis attrapait une bouteille et deux verres. Il versa un liquide à l'intérieur de ceux-ci, coupa une petite rondelle de citron qui plaçait sur les verres, puis ajoutait encore un autre liquide. Il revint ensuite vers moi, ce qui m'étonnait, puis posa les deux verres sur la table d'un geste brusque.
— Tiens et on en reparle plus ; autre cadeau de la maison. Visiblement les frères adorent t'en faire.
— Pourquoi tout le monde m'offre des jus ce soir ? Il n'y a pas marqué sur mon front que je suis une fille en manque d'eau.
— Ça va, sois heureuse que tu ne payes pas. Sinon je t'aurai fait payer ce truc à dix balles. Et puis sois aussi contente que je fasse le premier pas. J'attends donc quelque chose de ta part pour me montrer que tu regrettes tes actions et paroles prononcées avant.
— Ah parce que je dois te donner quelque chose, maintenant ? En gage de ce fameux pardon, c'est ça ? demandai-je, tandis qu'il hochait sa tête.
Je levai grossièrement les yeux au ciel, puis ramenai mon sac sur mes genoux. Je fouillai dedans, puis sortis le premier truc qui me venait en main. Je le posai sur le comptoir, souriante et amusée.
Tiens Ciel. Un joli cadeau en gage de notre symbolique pardon.
Aussitôt il regarda ce que j'avais sorti, mais son visage à ma plus grande surprise, ne fut pas marqué par une émotion précise. Il releva son regard jusqu'au mien, puis repoussa donc le fameux objet. Enfin, si nous pouvons appeler cela un objet, bien entendu.
— Tu rigoles encore, non ? dit-il dans un énième soupir.
— Bah non, c'est un cadeau de pardon. Tu pourrais en avoir besoin ; cela sert toujours et c'est pratique, me défendis-je sur un ton innocent, même si je luttais contre moi-même pour ne pas faire apparaître mon sourire taquin.
— Merde, tu es vraiment une putain de chieuse, toi... grommela-t-il, alors que je me levais de mon tabouret.
Je remis mon sac sur mon épaule, puis attrapai mon verre dans mes mains.
— Chacun son cadeau de pardon. Tu me diras si cela te convient. J'en ai encore un bon stock chez moi, au cas où, lançai-je à travers la musique, avant de lui adresser un clin d'œil malicieux.
Et c'était donc comme ça que je partais retrouver mon amie. Enfin... jusqu'à qu'une voix masculine ne se mette à hurler dans l'immense salle, en provoquant quelques rires chez certains :
— Mais merde reviens ici ! Reprend ta serviette hygiénique, je n'en veux pas moi !
Ah les hommes... Ils ne savent vraiment pas apprécier les cadeaux offerts avec le cœur.
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Love Colors
Teen FictionQuand Violette gifle un parfait inconnu aux cheveux bleus et aux gestes déplacés à la bibliothèque, il va de soi qu'elle escompte ne jamais le revoir ! Pourtant les voici invités à la même soirée et contraints à se fréquenter à cause (ou grâce ?) d'...