chapitre 3 : enthérera

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Les ténèbres m'engloutirent et je m'éveillai en sursaut, tétanisée comme lorsqu'on s'éveille d’un cauchemar extrêmement intense.

Mes yeux mirent quelques secondes à retrouver leur capacité à me transmettre des images. Quand ils décidèrent de recouvrer leur fonction, je pus constater l'existence d'un feu de camp à un mètre de moi. Je me redressai fébrilement sur un coude avant d'apercevoir la forme humanoïde assise en tailleur près de moi.

« Ne bouge pas trop, tu étais en hypothermie quand je t'ai trouvée. Je ne sais pas tout à fait depuis combien de temps tu étais là, aussi ménage-toi ou tes muscles pourraient subir des dommages. »

La voix était masculine et forte. L'homme en face de moi était habillé comme les médecins de la peste lors de la renaissance italienne. Il remua les braises du feu et les flammes éclairèrent le masque blanc qu'il portait, laissant apercevoir derrière les verres teintés des yeux de couleur claire, sensiblement âgés mais vifs.

Moi – « Quel âge as-tu ? »

L'homme pencha la tête sur le côté en me regardant.

Homme – « Tu t'éveilles engourdie, avec un inconnu et ta première question est "quel âge as-tu ?" Eh ben... je sais pas ce que tu es comme gamine mais en sang froid : dix mille sur un ! »

Je me reposai au sol. J'étais posée sur une sorte de peau de mouton, une couverture sur les épaules. Je fermai les yeux et replongeai dans un profond sommeil.

Les chants d'oiseaux me réveillèrent. Ouvrant les yeux je regardai un moment les arbres et la route défiler lentement, puis je pris conscience que cela impliquait que je me déplaçais. Je me redressai et me retournai pour voir l'entièreté de la charrette. A l'avant, assit sur le banc de cocher, se trouvait l'homme d'hier. Je gardais un vague souvenir de lui.

A quatre pattes, je rejoignis le banc et me glissai près de lui. Il tourna un peu la tête mais ne dit rien.

Moi – « Bonjour » osai-je gentiment.

Il m'observa sans rien dire et mes yeux prirent une teinte d'un gris à mi-chemin entre le clair et le foncé, signe d'incompréhension mais surtout d'irritation.

Homme – « Ils ont acquis récemment cette capacité à changer de couleur ? »

La question me prit au dépourvu et mes yeux changèrent pour un bleu pâle signe d'étonnement.

Moi – « Hein ? »

Homme – « Tes yeux. Depuis quand ont-ils commencé à changer de couleur en fonction de tes humeurs ? »

Moi – « Heu... depuis... depuis toujours je crois. Les autres enfants aimaient bien me rappeler ma différence... quoiqu’au final quelques années après mes yeux étaient devenus comme une toile d'araignée dans laquelle ils adoraient s'emmêler et se perdre. »

Homme – « Tu en as donc charmé plus d'un grâce à eux... intéressant. D'où viens-tu... hum... ton prénom ? »

Moi – « Laurélay. Et vous ? »

Homme – « Corvos. Tu me donnes du "vous" maintenant ? »

Moi – « Ça dépend de l'âge. D'ailleurs vous ne m'avez pas répondu hier. »

Corvos – « Tu t'es rendormie avant mais pour te répondre : 39, et tu peux me tutoyer. »

Moi – « Personnellement j'ai 16 ans. Dis-moi Corvos... où on est ? Et où on va ? »

Corvos – « On est sur la route de Delmène qui conduit au miroir Dérhos qui m'emmènera vers Enthérera. Pour ta part je ne sais pas où tu habites. »

Les Miroirs Des Mondes T-1 [En Réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant