Je sais que je vous ai déjà parlé de mes parents,mais je crois qu'il est nécessaire d'éclaircir les choses.Sans ça,j'aurai l'impression de les avoir traîné dans la boue alors qu'ils ne le méritaient aucunement et j'aurais ça de plus sur la conscience.
Ma mère,Elizabeth,est née en 1939 à Eastbourne,une station balnéaire du Sussex Sud au Nord de Londres.Sa mère,Ellen,était une femme sévère qui s'est occupée de la Chippie de son mari,Oscar,qui servait pour la British Expeditionary Force,pendant la seconde guerre mondiale tout en élevant sa fille.Ma mère avait deux frères aînés,Callum et Connor,qu'elle n'a pas revu depuis sa fuite de la maison familiale.
Personne ne l'aimait beaucoup dans sa famille,parce qu'elle était incapable d'être comme tout le monde et n'essayait même pas de l'être.Quand elle était petite,on lui disait qu'elle finirait à la Funny Farm.Elle aimait les Quality Street,Ray Charles et les films d'Heddy Lamarr.Je parle au passé car j'ai bien peur que là où elle se trouve aujourd'hui,elle n'a plus le loisir d'apprécier quoi que ce soit.
Mon père,lui,est né en 35 à Édimbourg et s'est vite révélé le parfait cliché du sale écossais qui fait que les Anglais continuent de se foutre de leur gueule,encore aujourd'hui.Il a rencontré ma mère alors qu'elle avait 16 et lui 20.Il venait d'une famille de saoulons,ne savait lire que le journal,à condition qu'il n'y ait aucune expression anglaise glissée à l'intérieur,et passait ses journées à siffler les filles avec d'autres chav dans son genre.Et c'est comme ça,sans que personne ne sache comment ni pourquoi,que ma mère en est tombée amoureuse.
Après deux mois à peine,elle a apprit qu'elle était enceinte,ils se sont mariés en cachette-et je ne suis même pas sûre que le mariage était valide étant donné que ma mère n'était même pas majeure-,et s'est enfuit de la maison pour faire sa vie ailleurs,avec son homme.
Ils se sont installés à Londres,où se retrouvent inévitablement tout les paumés qui cherchent à se trouver.Et en 55,Joey a fait d'eux des parents.Et des parents heureux,qui plus est.Car Joey,il était aimé.Et même désiré,puisque ma mère n'attendait qu'une raison de s'enfuir de sa famille,et cette raison,elle l'avait trouvée:Aller s'en créer une nouvelle.Une famille neuve,sans tache,qui l'aimerait pour ce qu'elle était,des enfants qu'elle pourrait chérir et aimer de l'amour dont elle avait tant manquée plus petite,et un mari à adorer,à nourrir et qui ne se fâcherait jamais,malgré sa différence.Maman était rêveuse et,j'ai honte de l'avouer,très naïve.J'ignore pourquoi mon père est resté,car ce n'est clairement pas par gaieté de cœur qu'il nous a élevés,Joey et moi.Il aimait ma mère,mais je crois que c'était surtout parce qu'il n'aurait eu nul part où aller.il se foutait bien de laisser sa femme enceinte jusqu'aux dents,mais seulement;Rester avec elle lui assurait un foyer stable,et à cet époque,il n'avait vraiment rien de mieux.Alors il est resté.Et il est vrai qu'il aimait Joey.Son père n'étant lui-même pas un exemple d'amour paternel,on ne pourrait lui en vouloir de n'avoir pas su quoi faire.Mes parents étaient de la première génération à avoir vu leurs hommes apprendre à s'occuper des gosses,et c'était quelque chose qui était loin d'être acquis,surtout chez nous.J'imagine qu'il a fait de son mieux pour s'attacher à son fils.Ma mère,elle,avait ça naturellement.
Je suis née le 8 Octobre 1960,à 3 heure 2 du matin au Royal London Hospital.À la naissance,j'étais petite,maigre et bleuie.Les médecins me pensaient morte-née,mais non.J'étais vivante,pas extraordinairement vigoureuse,mais vivante.Joey a dit que j'étais laide,ce qui était probablement vrai,et mon père a affirmé:"C'est la dernière." Et c'est tout.Ils ont laissés ma mère rentrer seule à la maison,un bébé naissant sur les bras et sans le sou pour appeler un taxi.
Mais Elizabeth s'en foutait.Elle,elle avait son bébé et le reste ne comptait plus.Paraîtrait que son sourire est resté accroché à son visage pendant les trois premières semaines et qu'elle a perdu 15 livres en oubliant de manger,à force de passer des heures à m'observer dormir.Dès lors,elle n'a plus eu envie de s'occuper des deux autres.Il n'y avait plus de place pour mon père ni pour mon frère;Il n'y avait que moi.Alors les hommes ont essayés de se débrouiller comme ils le pouvaient,et nous,nous sommes restées entre nous.J'ai divisée ma famille en deux sans même le vouloir et sans le faire exprès,juste parce que ma mère me préférait à tout le reste.
C'est ainsi que j'ai grandis:Dans une demi-famille,en apprenant à éviter les coups en arrière de la tête de mon père et de mon frère lorsque ma mère avait le dos tourné.Enfant,je ne la quittais jamais,elle m'amenait partout où elle allait,m'exhibant avec fierté aux passants.Des amis,elle n'en avait pas,alors quand elle croisait la boulangère,elle me pointait du doigt et disait:"Vous avez vu,Mme Allan?C'est ma fille,Laurel.Elle est belle,hein?Mais oui,c'est ma plus belle,et c'est ma préférée,vous savez.Elle est parfaite,une vraie poupée!",et ce,chaque fois qu'elle voyait Mme Allan,ou le vitrier,ou le libraire,ou encore la bibliothécaire.Personne n'osait rappeler à ma mère que c'était la même histoire tout les lundis,alors personne ne disait rien,et Mme Allan se faisait un plaisir de sourire et de répondre:"Ho,oui,Laurel est une très charmante petite fille,en effet!La plus belle!"Alors que ce n'était pas vrai.
Mais bien sûr,tout ça,vous le saviez déjà.Et vous êtes bien le seul.Même Dan l'ignorait.Je ne suis pas du genre à parler de ma vie,même avec la personne que j'aime le plus au monde.J'espère que vous vous sentez choyé.
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Les lunettes de John Lennon
Teen FictionJ'm'appelle Lau. Lau pour Laurel.Mais appelez-moi Lau. Je n'ai aucune envie d'écrire ce carnet,mais le Dr. Ambrose m'a dit que ça pourrait m'aider. À vrai dire,j'en ai un peu rien à foutre d'aller mieux. Si je fais tout ça,c'est pour Reine.