Je me souviens bien du 30 Mars 1973.Je m'en souviens comme si ç'avait été la seule journée de ma vie,pour la simple et bonne raison que ç'a été une des plus importantes.
Cet après-midi-là,j'avais revêtu mes plus beaux jeans et cirées mes bottes,comme je le faisais seulement lors des grands événements.C'en était un,justement.Je le sentais,au plus profond de moi,au creux de ma poitrine:Il se passerait quelque chose.Peu importait ce que ce serait:Ça déchirerait,à coup sûr.Au moment où j'attachais le dernier bouton de ma chemise,la sonnette avait retenti dans tout l'appart,recouvrant les hurlements de maman.
Sans que personne ne sache vraiment pourquoi,les crises de ma mère ont empirées d'une manière significative à cette époque.Si auparavant elle avait toujours été fonctionnelle malgré tout,cette nouvelle année nous prouverait que tout ça était bien fini.À dire vrai,je crois qu'elle ne s'est jamais remise des changements de 73.Ma rencontre avec la bande,mes nouveaux cheveux,mon éloignement et l'impression qu'elle avait d'être en train de me perdre,c'était trop pour elle.Tout ça combiné avec les problèmes déjà existants dans notre famille,comme l'alcoolisme de mon père,la connerie de Joey et notre pauvreté notoire;Je crois que c'est vraiment ça qui l'a achevée,et non un élément isolé qui l'aurait profondément marquée.Quoi qu'en soit les causes,son état s'était considérablement détérioré,et continuerait à le faire pendant de longues et nombreuses années encore.Elle pouvait passer des journées entières terrée dans un coin de sa chambre,Jewel collée tout contre elle,à changer frénétiquement de poste,sans jamais tomber sur une chanson qui lui plaisait,ce qui la plongeait dans une colère noire.Alors,on entendait des hurlements terribles en provenance de la chambre.Au début,j'accourais,par réflexe,et tentais tant bien que mal de trouver un air qui la calmerait.Elle aimait beaucoup le rock.Mais au bout d'un moment,j'en ai eu asser de m'occuper d'elle,que ce soit toujours à moi de calmer ses crises sans que ni mon père ni Joey ne lèvent le petit doigt pour m'aider.Alors je l'ai laissé crier.Ça pouvait durer des heures,et souvent,elle s'arrêtait d'elle-même,trop épuisée.Ou elle tombait endormie entre deux beuglements.Ou c'était mon père qui lui gueulait de se la fermer,et ça virait inévitablement en dispute monstre.Enfin,si on pouvait appeler ça des disputes.Il s'agissait plus de ma mère qui glapissait,crachait,pleurait des insultes sans queues ni têtes pendant que mon père lui aboyait dessus.Quand c'était particulièrement violent,je continuais à prendre le partie de maman,mais souvent,lorsque ce n'était qu'un conflit mineur et que je savais que mon père se lasserait vite,je prenais mes affaires et décampais chez John.Là-bas,j'étais toujours bien accueillie.
D'ailleurs,c'était justement là que je me rendais,en cet après-midi du 30 Mars 73.Les mains tremblantes,j'étais allé ouvrir à Dan.Sans Bonjour ni rien de tel,j'avais demandé:
-Il l'a?!
-Ouais,depuis ce matin.Aller,bouge ton cul,ils attendront pas des masses!
Ni une ni deux,on s'était retrouvés dans la rue.Je sautillais aux côtés de Dan,tellement j'étais énervée.Lui gardait une attitude très cool,très posé,les mains dans les poches et la clope au bec,mais je le connaissais asser pour savoir qu'il était dans le même état que moi.
-T'es défoncé?
-Non,je t'ai attendu.Tiens.
Joignant le geste à la parole,il m'avait passé un buvard,que je m'étais empressé de poser sur ma langue alors qu'il faisait de même.Ouais,entre-temps,j'avais commencé le LSD.Question de comprendre de nouvelles choses,découvrir...Ça,pour découvrir,je découvrais!Tout le temps,constamment.Avec ça dans le sang,j'éventrais la vérité à grand coup de cœur et d'ongles,et je l'étalais aux yeux des autres,comme preuve de mon ouverture d'esprit.Je déflorais ma conscience de bonne et gentille fille en saisissant de nouveaux concepts dans les textes de Ainsi parlait Zarathoustra.Je trouvais tout ça géniale.Géniale.
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Les lunettes de John Lennon
Teen FictionJ'm'appelle Lau. Lau pour Laurel.Mais appelez-moi Lau. Je n'ai aucune envie d'écrire ce carnet,mais le Dr. Ambrose m'a dit que ça pourrait m'aider. À vrai dire,j'en ai un peu rien à foutre d'aller mieux. Si je fais tout ça,c'est pour Reine.