12

10 2 0
                                    

Après cette épisode,tout est rentré dans l'ordre,mais avec un petit plus:J'étais une femme,désormais.Du moins,c'est ce dont j'étais sûr.En vrai,la réalité était beaucoup moins impressionnante.Je n'avais toujours pas de seins,ni de formes.J'ai même finis par reperdre les quelques kilos que j'avais gagné.

La seule chose qui avait vraiment changé était le regard que les garçons me portait.Celui de John était emplit de curiosité et même,étrangement,d'une sorte d'amertume,comme si je possédais quelque chose d'extraordinaire et que je refusais de le lui partager.Tom,lui,semblait toujours plus anxieux,et je surprenais parfois Yan,qui s'obstinait encore à me prendre pour une gamine,à m'étudier avec un peu plus d'intérêt.Mais il refusait toujours de me dire quand je deviendrais enfin une vraie femme à ses yeux,quand je ne serais plus sa petite sœur mais une fille avec qui il pourrait envisager de sortir.Seul Dan ne semblait pas avoir changé ses sentiments pour moi.Je l'aimais bien,Dan.C'était un bon copain.Il était toujours très sympa,et je pouvais lui parler de beaucoup de choses.De tout,en fait.C'était peut être parce que c'était celui avec lequel j'avais le moins de différence d'âge.

Dans l'ordre,il y avait Yan,l'aîné,qui nous dépassait tous du haut de ses 20 ans.Puis suivait Tom,qui surplombait John d'une année seulement avec ses 19 ans,ce qui en donnait 18 à ce dernier.Après venait Dan qui avait à l'époque 16 ans.Et ensuite,il y avait moi;Le bébé,la cadette,avec mes minuscules 13 ans de rien du tout.

Dan détestait son père et vivait seul avec sa mère,un peu comme moi.En fait,dans la bande,Tom était le seul qui s'entendait bien avec ses darons.La mater de John l'avait abandonné et c'était ses grands-parents maternels qui l'avait élevé.C'était sa grand-mère qui lui payait cet appart,et elle venait faire un tour une fois par mois pour prendre des nouvelles et lui porter de la bouffe.Je l'ai même vu à quelques reprises.Une gentille bonne-femme qui semblait toujours contente de nous voire et qui avait une réelle affection pour son petit fils.Elle paraissait vraiment soulagée de voire John si bien entouré et nous considérait presque comme ses propres petits-enfants.Lorsque j'apprenais sa venue,je m'arrangeais généralement pour être à l'appart,et elle apportait toujours quelque chose de nouveau pour moi.Du parfum,des aiguilles à tricoter,une broche pour les cheveux,des gâteaux fait maison,des petits riens qui faisaient chaud au cœur.À chaque fois,je lui offrais mon plus beau sourire et remerciais la vieille:"Ho,mille mercis,Miss Levinson!Vous êtes un Ange,on a bien de la chance de vous avoir!",et c'était bien vrai.Ce n'était pas mon genre de jouer les gentilles filles devant les adultes,mais avec elle,c'était différent.C'est de loin le seul parent qui a jamais réussi à avoir notre confiance,que nous avons jamais laissé jouer dans nos affaires.C'était parce qu'elle ne nous faisait pas la morale,je crois.Ou qu'elle refusait de voire vraiment ce qui se passait à l'appartement.Ou peut-être bien qu'elle le savait et qu'elle s'en foutait.Quoi qu'il en soit,je crois qu'elle représentait surtout la mammy gâteau qu'aucun de nous n'avait eu,la figure bienveillante,douce,dont nous avions cruellement manqués.Même Tom ne pouvait se targuer d'avoir été élevé dans une famille saine et aimante.La seule raison pour laquelle il s'entendait encore bien avec son père,c'était qu'il ne le voyait qu'une fois l'an et que Tom n'a jamais aimé la querelle.C'est vrai;Son paternel était infirmier pour l'Armée populaire du Nord Viêt Nam,et c'était pas vraiment le genre à jouer avec ses gosses pendant ses jours de permission.Non.Lui,c'était plus le type à courir les jupes des Vietnamiennes et à se battre à la sortie des barres de Londres.Je le sais;Une fois,j'ai du ramener mon père à la maison et ce gros con avait refusé de se séparer de son nouveau compagnon,un certain Duke:Bill Duke. C'est des années plus tard que j'ai découvert l'étrange coïncidence qui était,au fond,plus pathétique que drôle.Enfin...Yan,lui,on ne savait pas grand chose de sa famille,évidemment.Il avait déjà laissé entendre que son père était un gros crevard des usines et que sa mère était partit refaire sa vie...Sans Yan. Alors,sur cinq  jeunes,on avait trois soûlards,deux batteurs de femmes,un soûlard ET batteur de femme,deux disparues,deux  dépressives chroniques et une folle.Autant dire qu'on était pas saturés côté amour familial.

Et au milieu de tout ça,il y avait la petite Madame Levinson,une minuscule marguerite,toute frêle et à la fois très forte,entourée de la poussière de nos familles nucléaires en miettes.

Les lunettes de John LennonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant