Chapitre 11 : Noor

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« En bref, ils sont fous sans aucun doute »

Noor ferma les yeux, et les serra le plus fort possible. Des taches de couleurs se formèrent sous ses paupières, et la phrase tourna encore en boucle dans sa tête.

« En bref, ils sont fous sans aucun doute »

Le fait que leur cerveau soit impacté, ce n'était pas cela qui répugnait à Noor. Bien sûr, elle était triste, horrifiée même. Mais dans le monde de la médecine - dans lequel elle baignait depuis longtemps déjà – on avait l'habitude d'observer bien pire.

Non. Ce qui donnait la nausée à la jeune femme, c'était la certitude que les calmants et autres médicaments sensés soulager, n'y étaient pas étrangers. La certitude qu'elle avait participé à la dégradation de leur matière grise. Qu'elle, Noor Jennie, infirmière depuis de nombreuses années, avait joué dans la métamorphose de ces vieux.

Certitude qui fut confirmée par le docteur :

- J'imagine que vous leur avez injectés assez fréquemment le B72, avant le déclanchement de l'état de folie ?

Laetitia fronça les sourcils :

- Je ne comprends pas. Le B72 n'est aucunement interdit, et il n'a jamais été question de quelconques effets secondaires. De plus...

Mais Jasper la coupa, le front barré par une ride trahissant son inquiétude.

Il était ainsi très différant du gros homme jovial qui les avaient resus il n'y avait même pas une heure.

- Récemment, on a eu des plaintes concernant ce produit. On a fait des analyses en labo, et on vient d'avoir les resultats...

- Oui ? Quels résultats ? interrogea Laetitia, dont la voix partait dans les aigus tant son énervement était palpable.

- Eh bien...

Jasper lança un regard en coin à Hector. Soudain, il semblait moins sûr de lui. Peut-être que les yeux flamboyants de rage de Laetitia n'y étaient pas étrangers.

Hector, lui, resta impassible. Au fond de la pièce, les quatre brancardiers ne pipaient mots, voulant à tout prix ne pas attirer l'attention sur leur personne. Tous avaient déjà fait les frais des colères de Laetitia, et ne voulaient pour rien au monde retenter l'expérience.

Noor, quant à elle, se contentait d'écouter. Si l'horreur de la chose ne l'avait pas quittée, elle n'en laissait en tout cas rien paraitre.

- Eh bien...reprit difficilement Jasper, eh bien, comment te dires, ...

- Je m'en fiche de comment tu va me le dire. Dit le moi, point, répliqua Laetitia, de plus en plus sèche.

- Je...hum. Il semblerait que les produits ne soient pas totalement...au point. En fait, hum... eh bien en fait, ils contiendraient une molécule qui, associée à...enfin voilà. Elle provoquerait la dégradation des synapses. Enfin, pas grands choses, n'est-ce pas... mais enfin, à forte dose...

Noor constata que, lorsque Jasper était gêné, il avait tendance à enchainer les « enfin » à tout bous de champ. Mais elle n'eut pas le temps de sourire de cette découverte car déjà, Laetitia explosait :

- Comment ça ? Tu es en train de me dire que le médicament n'était pas totalement au point ? et que vous l'avez tout de même mis sur le marché ? Jasper, ne me dit pas que tu ne savais pas que nous utilisions énormément le B72 ! Et tu n'as rien dit ! Tu vois ces gens-là ?

Laetitia indiqua d'un geste rageur les corps squelettiques des quatre vieux :

- C'est de ta faute s'ils sont ainsi, conclu-t-elle, d'une voie plus calme mais accusatrice. Tu es un assassin.

Paris 2084 [En pause définitive désolé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant