Chapitre 14 : Fabien

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- Chéris, dépêche-toi, on va être en retard !

- J'arrive Lucie, j'arrive...

Fabien se retint de courir sur le parking de l'immeuble. Sa femme, toute excitée et vêtue de ses plus beaux atours, lui faisait signe de leur véhicule de se presser un peu plus. Elle ne tenait plus en place depuis quelques jours, comptant les heures qui la séparaient du rendez-vous de sa vie. À en juger par les paroles qu'elle murmurait dans la nuit, celui-ci était même dans ses rêves. Il ne quittait plus son esprit. L'opportunité inespérée de pouvoir avoir un enfant, qui mêlerait son sang et celui de son homme, l'avait rendue toute fébrile et les yeux pétillants d'une joie et d'un espoir nouveau.

S'ils avaient décidé de ne rien dire à Maxime, celui-ci était soupçonneux, celui-ci avait bien conscience que quelque chose s'était fait dans son dos, mais il ne savait pas quoi. De plus, ses relations avec son beau-père et sa mère n'avaient jamais été aussi tendues, et bien que Lucie fût heureuse, cela restait tout de même un énorme poids pour elle. Fabien voyait bien qu'elle essayait de faire des efforts (et lui aussi, il essayait), mais c'était toujours la même chose : Maxime les fuyait. Il était distant, et n'éclatait plus de ces colères soudaines et féroce dont on avait fini par s'habituer. Il était froid, et passait de plus en plus de temps dans ses jeux vidéo, se perdant tous les jours un peu plus dans les méandres de ces mondes parallèles qui, bien que cruels, lui semblait moins pire à ses yeux que celui dans lequel il vivait.

Plongé dans ses pensées, Fabien ouvrit la portière et se glissa au côté de sa femme, qui avait déjà programmé l'itinéraire. Une voix féminine, dénuée de toute émotion, indiqua que la voiture allait démarrer, que le trajet allait durer trente-six minutes et cinquante secondes, qu'un bouchon dans l'aile nord de la ville avait été repérée, et que le véhicule était assez chargé en électricité pour faire l'allez retour.

Lucie se tourna vers son mari :

- On va être en avance...J'ai tellement hâte de savoir si tout cela sera possible, souffla-t-elle. Et j'ai tellement peur en même temps !

- Je te comprends, fit Fabien. Moi aussi.

Le silence s'installa entre le couple. Tous deux semblaient méditer sur les prochaines heures qui pourraient peut-être changer le cours de leur vie.

- Discutons d'autre chose, reprit Lucie, il faut que je me détende, ou mon cœur va finir par sortir de ma poitrine.

Fabien sourit : la jeune femme n'avait fait que parler en long en large et en travers de ce moment tant attendu, et elle voulait maintenant changer de sujet ?

Au fond, il était bien d'accord avec elle. Il cherchait un sujet de conversation quand Lucie reprit :

- Raconte-moi, fit-elle, tes recherches dans la salle des programmations avancent-elles bien ?

L'homme sourit :

- Rien de vraiment nouveau, je t'ai déjà dit que j'avais découvert une combinaison intéressante qui pourrait compléter celle que j'ai déjà créée. M. Lafabre est content, du moins je crois.

- Il a intérêt, mon mari est le plus fort du monde, plaisanta Lucie, voulant détendre l'atmosphère. Comment va Martin ? On devrait l'inviter l'un ces jours, s'il est sympa.

- Martin ? Tu sais, on n'a pas tellement le temps de discuter dans la salle, on a tous du boulot à faire. Lui, il est sensé s'occuper du pare-feu, donc il est assez pris.

- Je vois...

Fabien s'appuya contre le rebord de la fenêtre et regarda le paysage monotone de la ville défiler devant ses yeux. Les yeux fixés sur sa femme, il se rendit compte que depuis que son nouveau chef lui avait dévoilé la salle des programmations, il y a une semaine de cela, il n'avait presque jamais eu de moments de liberté. Prendre cette journée avait été pour lui assez compliqué. Il réalisa que, débordé comme il était, il n'avait passé que de rares soirées avec sa femme. Il fut pris d'un élan de tendresse envers elle et, d'un geste doux, lui saisit la main. Elle lui sourit.

Paris 2084 [En pause définitive désolé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant