Chapitre 19 : Noor

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Petit matin, huit heures, Noor marchait d'un pas mesuré, parcourant l'habituel trajet maison-travail. Pourtant, rien n'était habituel. Cinq jours étaient passé depuis cette affreuse nuit blanche où sa vie avait pris un drôle de tournant, cinq jours qu'elle n'avait plus aucunes nouvelles de son frère bien aimé, cinq jours qu'elle ne l'avait pas vu, pas entendu rire. Ces cinq jours et l'inquiétude perpétuelle qui les avaient accompagnés, l'avaient meurtrie. Désormais, elle était renfermée sur elle-même et les vieux étaient devenu le cadet de ses soucis. Chaque parcelle de son être semblait être tendue vers un seul et même point : son frère. Chaque minute qui passait, la rendait plus triste, plus morose, plus inquiète. Elle avait l'horrible impression d'avoir été amputé d'une partie d'elle-même.

La jeune femme tenta en vain de chasser ses pensées noires. Pour s'occuper l'esprit, elle fixa son regard sur ses pieds et leur avancée régulière. Un pied devant, puis l'autre. Un, deux, trois, quatre, cinq pas. Et puis encore un. Et un de plus. Ses pas étaient mécaniques, comme si ses jambes, muent d'une volonté propre, avaient pris le contrôle.

Lorsqu'elle arriva devant la porte du centre, Noor réprima la violente envie de faire demi-tour et de tout laisser en plan qui montait en elle. Celle-ci lui hurlait de fuir, loin, aussi loin qu'elle le pourrait. Ou mieux, de s'enterrer vivante, là, tout de suite, sur le pas de son lieu de travail.

Marquant une pose, le temps d'apaiser les battements de son cœur, la jeune femme finit par entrer dans la clinique. Dans le hall, elle posa machinalement ses affaires dans son casier, et consulta sans un mot le planning du jour. Elle allait se résoudre à se rendre à ses activités habituelles, lorsque Laetitia l'interpella :

- Noor, il faut que je te parle. Suis-moi.

La jeune infirmière sentit les palpitations de sa poitrine s'intensifier, lorsque ces mots parvinrent à ses oreilles. Voilà longtemps que Laetitia et elle n'avait pas parlé. Se pourrait-il que cette soudaine convocation ai un lien avec son frère ? Aurait-elle tenue sa promesse ? « Ne t'emballe pas, s'enjoignit-elle. Tu risques d'être déçue. » Cependant, sa fébrilité était telle, que ses mains tremblaient lorsqu'elle reposa la feuille qu'elle tenait, dans son casier. Se composant un masque neutre, elle suivit sa supérieur, qui, déjà, semblait s'impatienter.

- Nous allons dans mon bureau, signala Laetitia.

- D'accord, fit Noor, la gorge légèrement nouée.

Les deux femmes traversèrent le couloir, et finirent par s'arrêter devant une porte semblable aux autres. La directrice fit passer son poigné devant un petit capteur installé sur la surface métallique, au niveau de sa tête, et la porte s'ouvrit dans un déclic.

- J'ai une puce implantée dans mon poignet, expliqua Laetitia, devant le regard quelque peu interrogateur de l'infirmière.

Noor crut percevoir une note d'amertume dans la voie de sa supérieure. Mais déjà, celle-ci s'effaçait pour la laisser passer.

Lorsqu'elle entra dans la pièce de taille moyenne, les mots qui vinrent à l'esprit de la jeune infirmière furent blanc, propre, organisé, et brillant. Le bureau de la directrice de l'aile Est, semblait être en effet aussi aseptisé que l'extérieur. Tout y était ordonné, classé et rangé avec méticulosité. Si on omettait la tasse d'une couleur rose bonbon jurant fort avec la neutralité du reste et posée sur le bureau, rien ne semblait appartenir personnellement à Laetitia.

Celle-ci indiqua d'un signe de tête, une chaise à la jeune femme, puis prit elle-même place derrière le bureau. Croisant ses mains devant elle, elle poussa un soupir. Ses yeux se plantèrent dans ceux de la jeune infirmière. Ce fut ainsi qu'elle prit la parole, la voix grave.

Paris 2084 [En pause définitive désolé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant