Chapitre 12 : Fabien

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  Fabien suivait M. Lafabre qui devant lui, marchait d'un pas rapide. Les yeux fixés sur la chemise de son nouveau chef, Fabien se sentait... Étrangement incertain. Inférieur. Comme si en acceptant la proposition que celui-ci lui avait faite, il avait perdu sa capacité à gérer les choses. Comme si maintenant, son destin était entre les mains de l'étrange homme qui marchait devant lui.

D'un froncement de sourcil, il tenta de chasser cette idée désagréable. Mais dans sa tête, une voie ne cessait de lui souffler qu'il n'aurait pas dû s'engager dans tout cela. Qu'il aurait dû refuser. Car ceci était très étrange. Trop étrange. 

Cependant, le sort en était jeté « Ala jacta est ». 

Fabien aurait pu citer une myriade d'autres phrases qui voulait toutes dire la même chose et qui avaient été tournée autrement pas des auteurs de langues et d'origines différente. Mais à quoi bon ? Oui, à quoi bon se creuser la cervelle à chercher des phrases bien tournée, alors que la vie, le destin, le chemin, Dieu, qu'importe comment on aimait appeler cela, lui avait fait faire une bêtise - ou une grande chose, qui pouvait dire à cet instant ? Et dire une jolie parole ne lui serait pas d'un très grand secours.

Alors il ne dit rien.

Il se rendit compte qu'il n'assumait absolument pas sa décision et que, quoi qu'il face pour y remédier, il commençait à la regretter. Cependant, la pensée qu'il allait bientôt pouvoir poser les yeux sur la salle des programmations était une idée qui, à elle seule, suffisait à le consoler. Un peu.

Bientôt, M. Lafabre et lui s'arrêtèrent devant l'un des dix ascenseurs high-techs de l'immeuble.
Ils y prirent place, et le nouveau directeur appuya sur le dernier des vingt boutons du cadran d'affichage, direction le sous-sol. Ils traversèrent donc un bon bout du building de haut en bas, à deux dans la cage de verre transparent de grande taille - ce qui permettait d'observer le mécanisme de l'engin - où une musique synthétique mise en boucle complétait l'atmosphère pesante du lieu et un petit climatiseur soufflait un air frais. 

Fabien, coincé avec son patron dans cette boite, se sentait...mal à l'aise. Pas très détendu. Énervé. Et bien d'autres adjectifs encore, mais qui auraient été trop long à écrire ici. 

S'il n'aimait pas franchement les ascenseurs - ainsi que toutes les autres attractions stupides de fête foraine qui consistaient à monter et descendre – c'était plutôt la présence de son supérieur qui lui était difficile à supporter. Un silence lourd pesait entre eux depuis qu'ils étaient sortis du bureau, et aucun des deux hommes ne se décidaient à le briser.

L'attente dans la cage de verre, avec l'impression désagréable que tout ascenseur qui se respecte fait subir à son passager, cette sensation étrange et pénible que votre estomac ne vous suit plus, fut éprouvante. Elle dut prendre quelques minutes, mais elle sembla durer bien plus longtemps, comme si le temps s'amusait à s'étirer et à jouer avec les nerfs de Fabien.
Enfin, la boite s'immobilisa, et les portes s'ouvrirent dans un doux coulissement bien huilé sur un grand hall blanc lumineux, où quelques ouvriers en uniformes s'activaient.

Fabien et M. Lafabre sortirent, un peu précipitamment peut-être, mais le plus dignement possible. 

Le jeune programmeur n'était encore jamais venu au sous-sol, réservé uniquement aux activités les plus secrètes de l'entreprise. 

Il avisa alors trois gardes armés qui patrouillaient dans un coin de la salle, un pistolet à la ceinture, arrêtant parfois quelques personnes, leur posant des questions, puis les laissant repartir. 

Suivant son regard, M. Lafabre sourit :

- Ces gardes sont sensés surveiller la venue d'éventuels espions, expliqua-t-il. On ne rigole pas ici.

Paris 2084 [En pause définitive désolé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant