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Comme chaque soir, elle lisait ses livres. Rien d'extraordinaire mais ça l'occupait. Pendant des heures elle se perdait dans des histoires.

Cette nuit-là, elle décida de lire un livre sur la première guerre mondiale. En plus de l'occuper, ce bouquin lui apprenait des choses.

La nuit était rapidement passée ; elle avait réussi à dormir quelques heures. Avant que le soleil se lève, elle prépara le petit-déjeuner pour sa famille. Son petit frère Samuel adorait quand c'était sa sœur qui le faisait et rares étaient ces fois, malheureusement.

La cuisine n'était pas son fort contrairement à la facilité de résoudre des problèmes mathématiques. Quelque soit le théorème, elle y arrivait. Mais ça, c'était avant le drame.

Alors qu'elle préparait le café pour ses parents, un petit monstre surexcité arriva dans la cuisine.

-Théa !

Le petit garçon enroula ses bras autour de la taille de sa sœur et posa sa tête sur son ventre. Pendant quelques secondes elle ne bougea pas, surprise par ce geste qui contrairement à ce que l'on peut penser, est totalement habituel. Samuel aimait sa sœur d'une façon très expressive. Il lui faisait des câlins à longueur de journée.

Elle finit finalement par fermer à son tour ses bras autour de son frère.

Après cet échange, le garçon s'assit pour déguster ses céréales. En voyant la joie matinale de Samuel, elle s'assit elle aussi pour déjeuner. Ce qui était rare.

Ses parents étaient très étonnés de la voir dans la cuisine de bon matin. La première pensée qu'eut sa mère fut : « a-t-elle fait son deuil ? »

Elle eut une lueur d'espoir qui s'éteignit en voyant les hochements de tête qu'elle utilisait pour communiquer.

Au début, c'était difficile pour elle de se faire comprendre. Les psychologues - qui furent nombreux - ont essayé une multitude d'exercice pour la faire parler. C'était un peu comme une douce torture mentale qui s'est résolue par un échec. Mais après de longs mois, sa famille - qui était les seules personnes qu'elle côtoyait - avait réussi à trouver un moyen de la comprendre. Entre hochements de tête, sourire, sourcils arqués, c'était devenu comme un jeu.

Malgré tout, elle prononçait quelques mots par-ci, par-là. Mais rien de plus. Elle ne pouvait pas entretenir une conversation, c'était impossible.

Mais elle était reconnaissante envers ses parents et son frère de continuer à vivre normalement. Au début, ils n'osaient pas parler devant elle car ils pensaient que c'était irrespectueux du fait que elle, ne le pouvait plus. D'un côté, ça l'était un peu mais il n'allait pas se taire en permanence en présence de Théa, ça aurait été idiot. Par contre, ils ont tout de suite accepté la situation et le silence - ils n'avaient pas réellement le choix non plus.

Ce qui a été le plus difficile pour tout le monde, elle y compris, c'était que Samuel lui posait sans cesse des questions du type : « pourquoi tu ne parles pas ? », « tu as donné ta langue au chat ? ». Sa mère lui avait expliqué en disant : « Théa ne se sent pas très bien en ce moment mais elle t'entends tu sais ? »

Cela faisait un an qu'elle ne se sentait pas très bien.

Ce matin-là, sa mère lui demanda d'aller chercher du lait à l'épicerie du coin. En sortant de la maison, elle resta un instant plantée sur les marches sous le perron. Elle sortait beaucoup moins souvent depuis. En regardant la rue vide face à elle, elle repensait à sa vie d'avant. Tout était simple. Elle avait des amis. Mais au final, ce n'était qu'une amitié passagère.

Au lieu de s'apitoyer sur son sort, elle secoua la tête pour faire partir le visage de ses ex-amis et elle s'aventura dans la ville. C'était un petit village où tout se savait. Elle n'aimait pas cet endroit, c'était trop calme. Elle rêvait de marcher parmi une énorme foule comme dans les grande ville d'Amérique ou même Paris. Elle voulait simplement être en contact avec le monde mais elle était coincée entre les murs qui la détruisait dans sa tête. Son propre corps était son ennemi.

Quelques minutes plus tard, elle entra dans l'épicerie. À son entrée, un jeune homme lui lança un coup d'œil qu'il reporta sur ses bras.

Elle se dirigea au fond du magasin pour prendre du lait puis elle se laissa tenter par un paquet de chips.

En arrivant à la caisse, elle se rendit compte que personne la tenait. L'homme devant elle mangeait ses chips, appuyé sur le comptoir. Pendant un instant, elle se demandait pourquoi il ne prévenait pas sa présence et elle commençait à s'impatienter. Il se retourna à nouveau vers elle en enfournant - d'après ce qu'elle lisait sur le paquet - des fromages soufflés. Elle détestait ça. Il l'a regarda très rapidement, droit dans les yeux puis il se retourna. La caissière arriva, ce qui la soulagea.

Sortir dehors lui fit un grand bien. Elle ne se sentait pas jugée ; en même temps, elle avait seulement vu deux personnes aujourd'hui qui ne lui avait pas adressée la parole. Mais ces quelques minutes lui on permis de ne pas oublier que le monde vivait toujours même si elle, parfois pensait qu'elle était seule sur cette planète.

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ᴇᴄʟɪᴘꜱᴇOù les histoires vivent. Découvrez maintenant