Je ne savais rien. J'étais un complet ignorant.
Je pouvais me qualifier ainsi, car les choses fondamentales me paraissaient clairvoyantes des jours après réflexion.
Alors que pour tout être de raison, il ne lui faudrait pas plus de quelques secondes.
" Ça va. " " Oui et toi ? "
Et même s'il fut à but de banalités civiles, il y avait une touche de savoir dans ces mots prémâchés.
Il y avait un mensonge, ou une sincérité, un intérêt ou du pur ennui.
Quoi qu'on en dise sur l'émotion exprimée, elle était là et vous la connaissiez naturellement.Il peut arriver de se demander ce que l'on ressent. Ne pas déterminer pourquoi nous sommes triste ou de bonne humeur.
Mais chez l'humain sain, ce genre de sensation ne prend pas l'ampleur d'empoisonner tout une journée.Et vous pourriez me dire :
Comment sais-tu cela, toi, l'ignorant ?Je ne le savais pas. Je ne faisais que retranscrire la pensée et les fondements généraux de l'équipe médicale autour de moi.
Alors ma vie, mon savoir, se limitait à des retransmissions. Je n'évoluais pas dans ce monde, je ne faisais que calquer les sensations et autres sentiments visibles à la surface. Tout le reste, aussi limpide était-il, m'était totalement inexistant.
Si bien que je comprenais mal l'ironie ou l'humour.
Je ne comprenais pas le sens caché des mots, je ne pouvais pas voir d'allusions.
Je ne pouvais même pas imaginer que je puisse me tromper sur l'émotion d'autrui.Ça semblait juste inimaginable de vivre avec moi.
C'était le cas.
Sinon ils ne seraient pas tous partis.
C'était que je déduisais des choses intelligentes parfois.
Avoir des troubles alexythimique c'était être ignorant de l'être.
Mais ça avait changé.
Ça avait changé parce que Léa reprenait du poids à vue d'oeil et ne semblait pas se détériorer.
Parce que Célia n'avait plus ses yeux ténèbres braqués en permanence sur ma tempe.
Parce que Rose, sans Gabin et sans son frère sur son dos, s'épanouissait sous les désirs de tous.
Parce que pour la première fois de mon histoire, ce n'était pas la boucle infernale du quotidien qui était narrée.
J'étais à l'apogée du bonheur.
* * *
Je fus réveillé par le vrombissement du téléphone sous mon oreiller.
Les yeux face à la réalité, face à ma table de chevet, je souris.Les picotements au creux de l'estomac, des brûlures légères qui se dessinaient le long de ma gorge et plongeaient au fond de ma poitrine, torrent de chaleur agréable, typhon de sensations, l'Enfer du corps.
Heureux.
Je pris mon téléphone, les articulations engourdies, la tête lourde comme le plomb, un sourire à crever les joues.
Je pouvais ne sentir que cette joie me submerger, n'être qu'emplie de catastrophes sentimentales.
C'était Kuro, ça ne pouvait être que lui, il n'y avait que lui, il était le point de gravité à ma vie.
Je me sentais enfin amoureux, après de longs moments d'atrocités, de longs moments de pensées qui s'auto-croisaient pour juste en déduire cette conclusion.

VOUS LISEZ
Je suis malade ( de vivre )
Teen FictionBxB Ils s'étaient déclaré les mots les plus stupides, les mots les plus chantés, les plus mentis qui soient. Pour eux, ça représentaient tellement. " Je t'aime. " C'était un nouveau départ. C'était la possibilité de voir plus loin qu'un regard, d...