Kuro

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Je suis tellement heureux !  

M'écriai-je, épanoui sous la pluie battante, le sourire aux lèvres.

Je dansais sous la pluie à en perdre haleine, je tournais encore et encore, j'écrasais mes baskets contre les flaques d'eau, m'aspergeais de partout, je voltigeais avec Len, et c'était bien la meilleure chose qu'il m'était arrivé depuis des jours.

* * *
Vendredi était le dernier jour avant les vacances. Il devait se clôturer de manière fabuleuse, signer mon départ en Espagne de la plus belle façon qui soit. J'avais eu l'envie précipitée de passer une nuit complète en ville, lui montrer toutes les décadences qu'un monde pouvait offrir. Puis, nous devions rediscuter de la fête de Célia, cette fête ô combien étrange. J'avais dépensé tout mon argent dans des sucreries, hélas regrettées vu leur pauvre apport, et attendu - luttant pour ne pas dévorer les bonbons - non loin du lycée.

Au lieu de mon scénario parfait, illustré déjà par baisers et rires, j'eus la catastrophe à laquelle je me confrontais d'habitude. Tous ces tas d'imprévus, qui au final m'angoissaient, me comprimaient dans mes pensées. Mais ce fut nul doute cette affirmation révélatrice qui chamboula cette journée.

Je ne supportais pas ce rôle.

Ce rôle de reconsolider 3 âmes démunies par la vie, ce rôle d'unir des personnes fragiles au sein d'un pacte qui n'avait que pour valeur des mots, ce rôle de sourire pour préserver l'optimisme dans une histoire pétrie de désastres dégoulinants. Non, je ne pouvais pas endosser ce rôle héroïque. Je n'étais tout simplement pas un héros.
Si je ne savais pas me sauver moi-même, c'était évident que je ne pouvais pas aider les autres.

Il fallut revenir à la réalité. En plein milieu d'une rame de métro.

On ne pouvait pas compter sur moi.

Et ce retour au Kuro faible, coupable de tant d'erreurs, fendu de coups de pitié, me rappela que jamais je n'aurais la bonne compagnie de quelqu'un.

Pour la simple raison qu'être avec moi, c'était mourir.

J'étais parti de notre rendez vous avec cette idée là.
L'idée que je ne pourrais cacher ma véritable nature derrière ses actes très longtemps.

J'avais beau lui sourire alors que nous sortions du métro, au fond, le monstre agglutiné chuchotait déjà ses poèmes méprisables.

Le regard bienveillant posé sur sa silhouette s'évaporait alors que je réalisais ma détresse. Je n'avais personne, et tout le monde m'avait.

Je m'étais scarifié.

* * *
Arrivés en famille à l'aéroport d'Espagne, mon père m'avait immédiatement déléguée à ma tante.

Celle-ci, complètement perdue de cette nouvelle organisation surprise, m'avait réservé une chambre hors budget, avec vue sur la capitale, par erreur. Même si de mon côté j'étais plutôt satisfait d'avoir une chambre si luxueuse, tant de remue-ménages n'avait pas arrangé le courroux de mon père, ni l'anxiété chronique de ma tante. J'avais finalement attendu 3 jours avant de revoir mon père ; ma tante dormait avec moi à l'hôtel.

Mon père, on ne savait pas trop où il séjournait. Peut être avait-il prit un hôtel bas de gamme pour compenser l'erreur de Sacha ; peut être veillait-il dans un casino comme un veuf dépressif, ce qu'il n'était pas encore. Ou bien cherchait-il quelque part une raison à la mort de ma mère, un coupable.
Que disais-je ?
Il en avait déjà trouvé un.

- Ce sont les vacances de Kuro, tu devrais être avec lui !

- Avec cet irresponsable ? Il m'a déjà causé assez de problèmes.

Je suis malade ( de vivre )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant