Len

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- Len ! Len bordel t'es chiant !

C'était sombre.

Assez sombre pour cacher leurs visages, assez flou pour ne discerner que leurs voix, assez obscure pour en comprendre toute la violence.

L'ombre qui me servait de corps en ce cauchemar infernal me semblait si frêle, si légère, qu'elle devait être une lumière dans le noir. Une faible lumière capable de survivre dans ces ténèbres.

Un cauchemar répétitif. Comme une berceuse hantée, une mélodie qui ne connaissait pas de fin et tuait le musicien, à bout de souffle.

Je vivais ce fantôme des rêves tous les jours. Il y avait peu d'exception. Tout m'était à la fois inconnu et familier. Les nuits étaient si brutales que je redoutais l'heure du coucher, et la peur me foudroyait si fort le cœur que je ne parvenais pas à m'endormir.

C'était sombre.

- Ne sois pas en retard pour la dernière semaine avant les vacances !! Cria Rose, ses talons qui frappaient le parquet tel une fanfare.

Je me redressai, épuisé et démotivé, ce qui l'incita à causer ma chute. Comme souvent.
Lorsque mes yeux croisèrent les siens, son sourire particulièrement adorable s'excusa de façon malhonnête, puis elle hurla ses menaces habituelles.

- On va être en retard !

Je pris une douche en vitesse, la brosse à dents dans la bouche, les mêmes vêtements depuis trois jours qui patientaient dans le lavabo.

Ce fût mon reflet coloré qui me remémora la réalité. Tout avait commencé à changer.

Je n'étais plus le même.

Rien n'était vraiment identique, rien n'avait vraiment cessé d'exister, rien n'avait perdu de sa chaleur. Je dirais même que la vie me paraissait plus chaleureuse.

Je souris à la vision de l'hématome jaune apparu entre mes deux clavicules. Serait-ce cette petite lumière ?
Je savais que ce n'était qu'un coup, une injure, une habitude. Mais je ne savais pas.

Il ne me restait que peu de temps. Et Rose ne partait pas avec moi ce matin.
J'attachai mes cheveux, une fois mes vêtements enfilés, et pris des cahiers à l'aveugle pour arriver à l'heure devant ma soeur.

- Tu as de la chance. Comme toujours, déclara-t-elle, mains sur les hanches.

Je passai devant son air malicieux, et pris la fuite à l'extérieur.

Il faisait beau. Le ciel bleu, les nuages en fumée, les arbres touffus, le chant des merles et les rayons du soleil éclatants, tout cela allait à ravir à ce mois d'Avril.

J'étais à quelques mètres de l'arrêt, et même d'ici je pouvais apercevoir les regards moqueurs de certains garçons.

Depuis peu, les rumeurs sur ma personne circulaient par dizaines. Telle une vérité absolue, elles étaient écoutées plus que n'importe quel cours. Pourtant cela m'indifférait. Ce n'était pas incroyable.
Au moins, je ne me sentais plus redevable à ce cher Karl qui m'avait offert ce médaillon jaunâtre.

Je grimpais à l'avant, loin de la petite Léa, seule sur ses dessins.

Je descendis à l'arrière, trop près de la triste Léa, rejoint par des filles transparentes.

En dessous de l'arbre, je voyais le panorama rempli des gens que je connaissais.

Karl discutait devant les grilles, avec ses amis tous plus heureux de leur nouvelle sociabilité avec les garçons populaires de la classe.

Je suis malade ( de vivre )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant