Len

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Si il n'y avait pas eu Léa pour me rappeler à quel point la vie était aussi immonde et âcre que les égouts de Lille, j'aurais pu espérer que mon monde en était différent.

Peut être bien qu'un barreau s'était fendu, qu'il n'y avait plus moyen de retrouver mon épaisse armure de glace, j'étais inconsciemment voué à être humain.
Mais il y avait aussi cette part de réalité. Celle qui donnait de la valeur aux insultes, justifiait les coups, pardonnait mes échecs et violentait mon esprit.

Je n'avais pas trouvé ma force de changement et d'humanité dans un petit coin de mon coeur, cela dût être beaucoup trop utopique pour moi. Cette source de chaleur s'était attisée sous le vent des événements des mois passés.

L'événement Kuro était un phénomène qui avait engendré plusieurs complications et distorsions au sein de mon habituelle insensibilité.

J'avais déjà rencontré, au lycée ou collège, un nouveau optimiste, un de ceux qui se sentait justicier sauf qu'il ne sauvait que leur vulgaire réputation obsolète.
J'avais déjà vu un blond aux yeux bleus, je faisais même parti de cette catégorie.

Seulement c'était Kuro, un phénomène paranormal, certainement que lui non plus n'était pas très humain, un peu comme moi, Léa et ma soeur.

- Est-ce qu'on est un couple ?

Le vent me paraissait identique aux autres jours, le toit était le même, le silence que nous partagions Kuro et moi avait le même goût similaire à l'hiver, à mon manque de personnalité, à son embarras omniprésent.

Ma voix résonnait comme auparavant: C'était froid, dur, et puis Kuro réagissait mal, il ravalait sa salive, et je me demandais si des larmes allaient encore tomber.

- Q-Quoi ?.. Son ton sonnait aigüe.

J'attendis un instant.

- Je veux une réponse pas une question.

Je ne voulais pas être agressif, bousculer ses pensées. En réalité, moi-même était anxieux, et entièrement désorienter quant à la nature de notre relation. Sauf que ce fût le parfait contraire.

- Je ne sais pas ! Qu'est-ce qui te fait dire ça ? On ne parle plus.. Et tu sais très bien que je ne suis qu'un con. Il rougissait ridiculement. Je ne vois pas ce qui te fait dire ça...

- Les deux baisers peut être ? Ou le "Je t'aime, Len." échangé dans ta chambre hier, rétorquai-je vivement, peiné de constater que ce genre de choses l'ennuyait au point d'oublier.

- Ah...

La sonnerie retentit. Je ne cherchai pas après ses yeux. La dernière chose que je souhaitais ressentir était la perte de contrôle, le sentiment de sombrer dans ce gouffre de sucre bouillant.

- J'y vais. Je ne veux pas me faire gifler une seconde fois, déclarai-je.

- Non ! Attend !

Il attrapa ma main.

- Peut-être qu'on devrait parler avant que la sonnerie sonne, ironisai-je méchamment, alors que je me tournai vers lui.

- Laisse-moi te répondre.

- Tu m'as déjà répondu. Ta réponse était-...

- Ce n'était pas ma réponse.

Son regard ferme tranchait avec son corps faible et ses cernes noiraudes.

- Bien. Alors c'est quoi ?

- Parlons-en ce soir. Je t'invite chez moi.

Il sourit d'une manière si désespéré que mon coeur crut se fendre. - Certainement un vaisseau sanguin de nouveau fonctionnel.-

Je suis malade ( de vivre )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant