Kuro

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Mais vous savez quoi ? Vous êtes faible. Le pire des faibles. 

Len était face à moi, à quelques centimètres du visage de mon père, à la fois déstabilisé et médusé.

Ses mots étaient articulés de manière à ce que chaque syllabe s'encre dans sa tête, que sa voix plie son esprit avec une lenteur calculée, que ce mépris sorte de sa bouche comme s'il y pensait depuis toujours.

Len savait blesser, il savait faire culpabiliser ou percer l'estime de chacun.

Nous prenions tous ce mécanisme comme quelque chose de négatif : que ce soit sa façon de se défendre et de se protéger, celle d'être fou et anormal, ou celle de dissimuler ses émotions.

Bien que personne n'avaient vraiment raison ou tord sur la nature de son fonctionnement, peut-être n'était-il pas si néfaste après tout.

Peut-être n'était-ce qu'une partie de Len à par entière, une facette de sa personnalité, défaut ou qualité, et qu'il fallait juste l'accepter.

- Putain, ça c'est vrai que tu es faible ! S'esclaffa ma tante.

- Sacha !

Sacha nous renvoya finalement Léa, Len et moi dans ma chambre, plutôt amusée des mots du blond qu'autre chose.

Mon père me daigna un regard, ses yeux sombres ombragés par cet air contrarié qui semblait lui coller à la peau. Je n'avais plus qu'à espérer qu'il ne haïsse pas mon amoureux.

- Kuro, appela-t-il, ferme. Je le regardai. Je t'aime.

Je ne pouvais pas croire que ces mots lui appartenaient. Il ne les avait plus prononcé depuis au moins cinq ans. Un bref instant, mon corps se paralysa, comme incapable d'assimiler sa phrase.

Puis Léa me tira à l'étage, sans que je ne puisse réagir.

Mon père m'avait dit " je t'aime " et je ne savais ni quoi en penser, ni quoi ressentir.

Je n'avais pas tout à fait compris.

- Si je vous laisse tous les deux vous allez faire des cochonneries ? S'amusa Léa, qui reprit sa place dans mon lit.

- Léa, ta gueule.

On m'aimait. Ça recommençait. Comme cette année-là.

Len posa sa main sur la mienne. Je tenais tellement à lui.

Comme j'avais tenu à elle.

Je ne me sentais pas bien, tout cet entourage m'angoissait.

Des souvenirs qui se fracassaient, des émotions qui remontaient, passaient par mon esprit et lézardaient jusqu'à mes veines, mes sens. Ce sentiment d'infériorité, d'incapacité, il revenait à la charge. Ne me laissera-t-il donc jamais ?

- En tout cas, Len, c'était un beau clash. Mais tu as eu de la chatte quand même.

- J'ai juste été comme d'habitude.

- Faux ! La petite maigrichonne sauta sur le blond pour l'écraser sur mon lit.

- Ne t'imagine pas des trucs, Léa.

- Mais je ne m'imagine rien ! Je l'ai vu de mes propres yeux !

- Qu'est-ce que tu fiches ici d'abord ?

- Je te retourne la question !

Était-ce vraiment la même chose, le même cycle ? Allais-je de nouveau être accablé de déception et me replier sur les scarifications ?

Je suis malade ( de vivre )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant