Alors que l'horloge de bois poli de la salle commune, faisait ressentir son tic-tac discret, le dortoir de l'orphelinat, lui, se trouvait plongé dans le silence. Les rues de Séoul étaient cachées dans l'obscurité. Pas un sans-abri, ni un chat ne se promenait tardivement au clair de lune. Lune plongeait son reflet dans la couche de glace qui piégeait les flaques d'eau sur les pavés. Lune éclairait la pénombre du dortoir. Lune, c'est toi qui m'accorde le droit de voir dans l'obscurité. Assis sur mon lit, la couverture sur les genoux, je sors de ce cocon de chaleur, et m'apprête à me lever. Comme toute les nuits, mes pieds nus se posent sur le sol gelé : le même frisson parcoure mon corps, comme un marathon, de la nuque jusqu'au plexus. Ils dorment tous, paisiblement. Mes frères. Tout ces corps endormis dans des lits aux barreaux jaunâtres, douze au total. Douze lits, pour douze orphelins sans logements. Si ça ne fait pas rêver. Décidé à me lever, mon lit grince, je grimace. N'ayant réveillé personne, je me dirige vers le fond de la pièce. Une couche épaisse de buée recouvre la fenêtre, et jouant avec mes doigts sur la vitre, je les fait glisser jusqu'à créer quelque chose que je savais faire ; j'ai dessiné des tournesols. Ce n'était pas du grand art, loin d'un Van Gogh, mais j'étais tout de même satisfait.
Ces tournesols me font penser à nous, les orphelins. Coupés au chevilles pour nous empêcher de fuir, saignant perpétuellement dans cette eau, là, uniquement pour nous maintenir vivants, piégé dans ce magnifique vase en céramique d'apparence fragile, mais en réalité aussi résistant que des barreaux de prison. La manche de mon pyjama gris me sert à effacer mon œuvre d'un coup sec, comme on enlève un pansement. Quelques gouttes roule de la trace ronde jusqu'en bas de la fenêtre. La rue apparait alors sous mes yeux comme un aperçue de la liberté.
- Tu regardes toujours la ruelle d'en face, hein ?
Je suis pris d'un sursaut, avec l'impression d'avoir fait une bêtise. Comme si j'avais à nouveau cinq ans et qu'on allait me gronder. Je sais pertinemment à qui cette voix appartient, j'hausse les épaules feignant l'indifférence.
- Si ton but était que je fasse des cauchemars, c'est gagné. Tu sais, un jour je vais faire une crise cardiaque ! Comme tu te tiens, on dirait The Grudge là. C'est mauvais pour mon petit cœur.
Je ne pu contenir un sourire. De longues secondes passèrent dans le silence. L'un planté à coté de l'autre, on ne voyait bientôt plus la rue, la buée faisait son retour et la liberté s'éloignait à nouveau.
- On ne sortira jamais d'ici. Une de mes pensée s'était échappée par ma bouche.
Il plaça sa main sur mon épaule et se pencha vers moi. Ses yeux dégageait une forme de dureté.
- Taehyung, on va sortir, c'est pour bientôt. On se donne tellement de mal, depuis trop longtemps. Mais on y est presque, on aura bientôt assez. C'est vraiment pas le moment de baisser les bras. Voyant mon manque de réaction, il ajoute. Regarde moi.
Je lève les yeux et le chagrin s'était emparé de ses iris ébènes. Il me prit dans ses bras, calant son menton par dessus mon épaule, j'étais emmitouflé de son odeur, j'étais rassuré, le temps était en suspend.
- J'ai une idée, reprit-il, Lee Bakjeong recherche un plongeur pour son restaurant alors je pourrais...
- C'est non ! Hoseok, c'est non, je suis sérieux. Ma voix était remplie de désapprobation. Tu travailles déjà trop et enchaîne les petits boulots mal payés. Si tu ne te concentres pas sur tes études, ce que tu fais ne servira à rien. Un silence. Puis il prit une grande inspiration.
- D'accord. Il embrassa ma joue, avant de retourner dans son lit. Mon visage se détendit. Bonne nuit, te couches pas trop tard.
Hoseok fait partie de ma vie depuis toujours. Enfin, c'est le sentiment que j'ai. Il est ma seul famille. Je me souviens encore, en Cm2, nous échangions nos places chaque fois que la remplaçante d'histoire avait le dos tourné. Elle n'est restée qu'une semaine, et heureusement, la pauvre serait devenue folle. Dans ma tête, on est encore ces petits garçons de 10 ans, presque insouciants. Mais plus le temps passe, plus c'est dur à encaisser, cet endroit. Je ne sais pas pour combien de temps j'aurais la force de continuer comme ça. Il faut que je trouve de l'argent. Par n'importe quel moyen, je suis prêt à tout. Faire du trafique de drogue ? il paraît que cela rapporte pas mal. Mais comment trouver des contacts ? Mes pensées divaguaient, le calme avait repris au bord de cette fenêtre.
Quand le bruit d'une bouteille qui se brise en éclats me sortit de ma rêverie. Un sursaut, puis me voilà au sol. Je m'étais accroupi pour ne pas être vu à travers la fenêtre. Le bruit venait de dehors, plus précisément de la ruelle d'en face. Alors essuyant la buée discrètement, je scrutai les environs, uniquement la frange dépassant de la fenêtre. Rien. Tout était calme. Aussi calme qu'avant l'incident. Je m'apprêtais à regagner mon lit, lorsqu'un tas de poubelle se mit à bouger légèrement, au fond de la ruelle. Puis une main sortit de sous les décombres, attrapa un carton et le plaça par dessus le tout. Pourquoi est-ce que quelqu'un essaie de se cacher derrière des poubelles en pleine nuit ? Premièrement c'est ridicule, et en plus, c'est la pire cachette que je n'ai jamais vue. Et si... je me relève d'un bond, me dirigeant silencieusement vers la grande porte de bois foncé. Et si c'était ça les trafiquants de drogue ? Peut-être que c'est ma chance, il suffirait que je lui demande !
Je me précipite en direction de la salle commune, mes pas sont gracieux, je peux me faire invisible quand je le veux vraiment, c'est l'une de mes capacités plutôt utile. J'enfile mes baskets et le premier sweat qui me passe sous la main, celui-ci est noir et bien trop grand, il ne doit pas m'appartenir. Je ne referme pas le casier métallique, ça réveillerait cette brute de surveillant. Une fois enfermé dans les toilettes, j'ouvre l'étroite fenêtre, monte sur la cuvette et me contorsionne afin de m'introduire dans la fente. Les fenêtres ont toutes des sécurités, seulement celle-ci s'ouvre d'une dizaine de centimètres supplémentaire. Comment je le sais ? Si je ne dépendais pas de cet endroit, cela ferait longtemps que j'aurais foutu le camps. Je retombe lourdement sur le bitume grisâtre et frotte mon avant-bras. Je vais avoir un bleu, comme si c'était ce qui me manquait. Me voilà face à un petit terrain d'herbe mal entretenu entouré d'un grillage peu stable et tordu. Je saute ce dernier avec une telle facilité, que ça en devient déconcertant. Bien qu'il fasse très sombre, je retrouvai bien vite mon chemin, ainsi que le tas de poubelles qui a la particularité de posséder une main.
Il est toujours là, je peux le sentir. Je m'approche lentement de ces sacs noirs remplis d'ordures en tout genre. Mon cœur bat vite mais j'essaie de rester calme. Ce fut difficile de le rester quand des petits couinements résonnèrent tout au fond. Comme le cri d'un animal blessé, ou bien un chien errant. Est-ce que tous les trafiquants de drogues font ça ? Mon pied tape dans une bouteille de verre au sol, et un cri ridicule m'échappe. Les gémissements s'arrêtent. Je ramasse la bouteille de bière vide, et tend l'objet des deux mains, en direction de l'individu. Mes bras tremblant trahissent ce faux air confiant que je me donnais.
- Il y a quelqu'un ? la ruelle était étroite, le vent glacial, et la pénombre rendait l'ambiance encore plus désagréable.
Aucune réponse. Je sentais à présent un regard brûler sur moi. Il était tout prêt.
- Je suis venu pour la drogue. J'avale ma salive bruyamment face au silence pesant de mon interlocuteur. Mais... mais si vous êtes occupé je repasserais plus tard hein. Je me retourne et commence à détaler le plus vite possible. Je veux retrouver mon lit et oublier toute cette histoire. Mais alors que j'eus à peine le temps de faire quelques pas devant moi, une voiture s'arrêta sur le trottoir au loin. Un homme sorti de la voiture côté conducteur, un poignard épais à la main, comme ceux destinés à couper du gibier. Surpris, je laisse la bouteille m'échapper des mains. Le bruit qu'elle fit lorsqu'elle s'écrasa me paraissait comme décuplé par cinq. Les autres portières de la voiture s'ouvrirent à leur tour. J'avais déjà fermé les yeux, je voulais hurler de toutes mes forces. Mes lèvres commencèrent à mouver, une main vint aussitôt s'écraser contre ma bouche, violemment, et mon corps projeté en arrière.
TO BE CONTINUED...
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Thieves (Vkook) j.jk + k.th ( REECRITURE)
FanfictionLa curiosité est un vilain défaut. C'est ce dont Taehyung va vite se rendre compte. Il n'aurait jamais dû sortir seul, cette nuit-là, dans le noir... Il va faire la rencontre d'un personnage qui va vite devenir très spécial pour lui... À partir de...