Chapitre 7: Dimena

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Le chemin de la peur

Le martèlement incessant de l'eau sur le toit la tira de son sommeil.

Le temps avait dû se couvrir pendant la nuit et gagner en noirceur aux abords de l'aube. Ensuite, il avait commencé à pleuvoir et, depuis, cela continuait sans discontinuer un seul instant. Si même le ciel se mettait à pleurer les disparus...

Le bruit était sourd, paraissant étouffé par un drap ou quelque chose du même genre, mais on aurait tout de même dit le clapotis d'un ruisseau. Il paraissait toutefois lointain, presque irréel, presque onirique, surnaturel. Dimena inspira un grand coup pour charger ses poumons d'un nouvel air, un air pur et frais mais se surprit à ressentir une sensation de lourdeur, comme si un poids lui comprimait la poitrine et l'empêchait de respirer.

Cela lui passa une fois redressée.

Elle songea que son père était peut-être à la maison, en bas dans la cuisine, que leurs champs durement mis en place au fil des années ne seraient certainement pas en mesure d'être labourés voire récoltés aujourd'hui. A vrai dire, rien de ce qui touchait de près ou de loin à la terre ne serait exploitable sous un tel temps.

Sa mère était quant à elle à la taverne de Florent, sans doute, où elle occupait un poste de serveuse, ou bien dans l'arrière-boutique de ce même endroit, à préparer de la bière brune dont elle gardait farouchement le secret de fabrication.

Dimena passa une longue robe grise, droite et simple, de tissus épais et résistant, qui avait autrefois appartenu à sa sœur et dont certains endroits avaient dû être reprisés, puis descendit à la cuisine d'un pas lent, mal assuré par la présence encore persistante d'un sommeil lourd. Ce qu'elle vit sur le seuil la fit se figer de stupeur, telle une statue de glace, la réveillant d'un seul coup comme si son cœur s'était soudainement remis à battre après un plongeon dans l'eau glacée.

Sa mère était là, nullement son père.

Morna était assise sur un tabouret, le regard perdu dans le vide, les yeux rivés vers la fenêtre en face d'elle, aux rideaux jaunis par le soleil et l'usure qu'une fraîche brise soulevait doucement, comme pour témoigner de sa présence et de son soutient dans cette épreuve. Le visage de la mère de famille trahissait le manque de sommeil, de lourds cernes lui noircissaient le regard et ses yeux, striés de veines rouges sang, le fait qu'elle eut pleuré sans doute pendant longtemps.

Ses joues étaient encore raides des larmes amères séchées, celles que l'on ne veut pas faire tomber par fierté mais que l'on ne peut se résigner à réprimer tant elles font mal, tant elles brûlent les yeux plus que de raison dans la souffrance et la tristesse, la déception et l'échec.

La benjamine de la fratrie inspira longuement – elle hésitait à se montrer – avant de se décider à entrer dans la cuisine et de s'agenouiller devant sa mère, de lui prendre les mains avec douceur et bienveillance pour l'empêcher de se faire davantage de mal. Le regard que lui renvoya sa génitrice paraissait désœuvré, lointain et aveugle.

— Maman, commença doucement Dimena. Maman, ça va aller...

Elle-même en doutait mais que pouvait-elle faire de plus ? La meilleure façon de consoler quelqu'un, c'est de lui mentir.

— Mes enfants... Comment ai-je pu les laisser se conduire à la mort sans rien faire ? Je les ai laissés mourir...

Le cœur de la plus jeune se serra à cette idée. Non, Assylana... Doran... Non, ils ne pouvaient décidément pas être morts. Ce n'était pas possible. Pas au fond d'une cellule, si loin du regard de tous ceux qui pourraient faire la même chose qu'eux. Pas si loin de leur demeure, de leur famille... Dimena ne connaissait pas Thranduil, elle doutait même l'avoir déjà vu, mais il lui semblait logique que le souverain ne cherche pas à punir dans l'intimité l'affront qu'on lui avait fait subir ouvertement.

Prisonnière des bois [SDA] - TerminéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant