Chapitre 16: Thranduil

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Après de longues années

— Seigneur, annonça Almeran en s'inclinant avec respect, les araignées gagnent de plus en plus de terrain.

Le souverain se massa discrètement la tempe droite à deux doigts, comme combattant une migraine carabinée qui tentait de le terrasser en silence. Thranduil se redressa puis fronça les sourcils jusqu'à ce que ceux-ci se touchent presque. Bien que cette nouvelle n'ait que peu de différence avec ce que le capitaine de la garde venait fréquemment lui apporter, ce genre de constat suffisait à lui arracher une grimace de colère et d'impuissance à chaque fois. N'en finiraient-ils jamais avec ces maudites bestioles, par les divins ? Que les Valar aient pitié...

— Renforcez vos patrouilles avec de nouveaux soldats, déclara simplement Thranduil, en s'efforçant de conserver son calme et de dissimuler sa frustration. Partez dès le crépuscule et brûlez les nids, toiles, résidus d'œufs et tout ce qui pourrait laisser une trace du passage de ces créatures.

Quand bien même cela ne dissuaderait-il pas une nouvelle vague d'araignées de venir s'installer sur la tombe de celles qui les avaient précédées, il fallait bien agir de quelque manière que ce soit. Ne serait-ce que pour garder un contrôle factice de la situation. Ou pour empêcher les mauvaises langues de se prononcer. L'idée d'avoir à faire usage du feu dans sa forêt ne le séduisait pas outre mesure – le répugnait serait même un terme plus juste – mais il ne pouvait se targuer d'avoir une autre option sous la main.

Almeran fit part de son approbation d'un bref hochement de tête, s'inclina une nouvelle fois avant de prendre congé et de mettre aussitôt en application les ordres de son souverain. Le Roi aimait cet ellon pour son efficacité hors pair et, de façon plus générale, pour ses compétences égalées par peu d'elfes. Savoir que des individus de sa trempe menaient ses troupes lui ôtait déjà un tourment – il y en avait tant !

N'ayant nul besoin de demeurer assis ici plus longtemps, l'entretient étant fini, Thranduil entreprit de se lever et de rejoindre la quiétude de ses quartiers, mais il fut brutalement stoppé dans son élan par un serviteur qui lui demanda la permission d'introduire une personne qui, n'ayant souhaité révéler son identité pour ne pas « gâcher l'effet de surprise », attendait patiemment au-dehors. Intrigué par ce type de requête, le souverain acquiesça et se rassit, impatient de voir quel genre d'individu pouvait bien se présenter de la sorte.

La grande porte s'ouvrit en un grondement sourd, comme trop lourde pour être ouverte correctement, et laissa place à un être que Thranduil n'aurait jamais pensé retrouver en ces temps troubles, et surtout après d'aussi longues années: Méridiel. Cette dernière arborait cette espèce de sourire qui lui était déjà caractéristique à l'époque : ni réellement sincère ni foncièrement faux. Il faisait ressortir deux fines fossettes sur sa peau pâle.

Elle s'avança de sa démarche gracieuse jusqu'au trône et s'inclina non sans se départir de son sourire :

— Il est bon de vous revoir, seigneur Thranduil, lâcha-t-elle ensuite d'une voix douce. Si je peux me le permettre, vous semblez toutefois quelque peu fatigué.

Elle ressentait de l'inquiétude, comme en témoignaient ses sourcils légèrement froncés. La jeune elleth possédait toute la grâce et la beauté de l'espèce et avait toujours ressemblé à sa mère d'une manière troublante, d'aussi loin que remontaient les souvenirs de Thranduil à son sujet. Elle avait le même visage fin très expressif et les yeux clairs d'une façon intrigante, de longs cheveux bruns et bouclés qui lui battaient les reins. Une belle créature, en somme. Plus âgée que Legolas, Méridiel était la fille aînée de vieux amis du Roi, du temps où Oropher foulait encore la terre de ses royaux pieds.

Prisonnière des bois [SDA] - TerminéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant